Place à la vague new Edge

Fin des licences Games Workshop chez son partenaire FFG, nouveau JDR star wars en approche, la sortie très attendue de Degenesis. Vous l’avez compris, cette fin d’année pour l’éditeur Edge est à la fois très mouvementée et très riche. L’occasion de faire le point, sur son actualité et sur son avenir, avec l’un des plus gros éditeurs du milieu rôliste français.

Avant de commencer à rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous vous présenter à notre lectorat ?

Bonjour, Je m’appelle Stéphane, j’ai un peu plus de 40 ans et un peu moins de 50. Je suis rôliste depuis le début des années 80. Pour le moment, je dis ça vite, car ça évolue très vite ces derniers temps, je suis le directeur éditorial de Edge et responsable de production. Ça claque, hein ? En fait je fais juste ce que les autres ne veulent pas faire. Sinon j’ai pratiqué le jeu sous toutes ses formes pendant de nombreuses années, ce qui fait que je ne suis pas monojeuderôlemaniaque. Oui monsieur j’ai des cartes magic à la maison, oui je pousse aussi du pti bonhom’ sur des tables. Parfaitement j’ai une boîte à chaussures remplie de dés alors qu’un seul set suffit.

Vous avez annoncé récemment la fin de vos licences Games Workshop (pour le jeu de rôle, sont concernés : Warhammer v3, DeathWatch, Rogue Trader, Black Crusade, Dark Heresy). Après toutes ces années, quel retour pouvez-vous faire sur la traduction française de ces univers ludiques très riches ?

Pour tout joueur qui se respecte l’univers décliné par Games Workshop au sein de ces deux jeux phares, c’est un peu le bonheur de tous les instants. On a tous en nous une part de la Deathwatch. Pour l’éditeur c’est un peu différent. Beaucoup de matériel, et aux dires de certains presque trop. Concernant Warhammer v3, c’était peut-être un peu trop en avance sur son temps, avec une volonté originelle, mais mal expliquée et donc mal comprise. Cette idée des cartes, c’était un essai de remplacement des tables de rencontres aléatoires. Les dés, c’est l’idée de quantifier le degré des réussites ou des échecs. Trop précurseur et au final peut-être un peu cher dans l’univers du jeu de rôle français. Pour les gammes issues de l’univers W40k, ce qui a tué un peu l’ensemble c’est la multiplication de l’offre. Cinq ouvrages de base c’est presque trois de trop. Pourquoi je dis trois ? Car le dernier axé sur la Garde Impériale (non traduit par nos soins) était vraiment original. Ensuite nous avons eu un problème de suivi de la gamme avec la mort de la Bibliothèque Interdite, notre sous-traitant sur ces gammes de jeux de rôle.

Bref de nombreux déboires et désillusions, le tout impliquant des relations avec Games Workshop un peu chaotiques dans le process de validation. En fait quand j’y repense Dark Heresy c’était quand même de la balle pour bolter.

jdr_wh40k

Warhammer 40 000 a bénéficié de plusieurs jeux pour un même univers. Y a-t-il un jeu qui s’est démarqué des autres, par les retours des joueurs ou par les ventes ?

Oui, Dark Heresy, je l’ai dit juste au-dessus, suivez un peu. Le premier à paraître et le plus suivi. La gamme compte onze suppléments en sus du livre de base et de l’écran. Il a permis bien avant les autres opus de jouer dans un univers qui comptait des milliers de fans dans l’attente d’un réel jeu de rôle (cf, Inquisitor). Ensuite, l’erreur selon moi a été de vouloir proposer de nouveau un livre de base pour les autres aspects de l’univers. Deathwatch peut attirer des joueurs un peu « bourrin », bien que la logique veuille que l’on soit un minimum discret. Rogue Trader est selon moi le plus intéressant, mais il n’y a pas d’équilibre entre les rôles si un des joueurs est le Libre Marchand. Ensuite Black Crusade arrive beaucoup trop tard pour trouver son public. Et comme je vous l’ai dit nous n’avons pas traduit l’ouvrage sur la garde Impériale oups l’Astra Militarum. Pourtant il y avait de très bonnes idées dans cet opus.

Cette fin de licence prive votre catalogue de plusieurs univers très présents chez les joueurs. Les univers Star Wars et des Terres du Milieu deviendront-elles votre nouvelle vitrine de licence forte ou allez-vous en annoncer de nouvelles ?

Si je peux me permettre d’être taquin, nous avons quand même le jeu de rôle dans l’univers du Trône de Fer. Certes la gamme est un peu à l’arrêt pour le moment, car il a fallu renégocier les droits depuis l’implication de HBO, mais c’est fait et signé.

Ensuite, comment passer sous silence le très attendu Degenesis ? Oui il me semble que c’est une licence forte.
Pourtant avant de continuer plus avant j’aimerai apporter une précision. Concernant l’arrêt de la licence, cela concerne notre partenaire américain Fantasy Flight Games. Alors certes par ricochet nous perdons aussi la possibilité de poursuivre l’aventure de la traduction sur cette licence via FFG. Mais rien ne nous empêcherait de proposer une traduction en français d’un autre jeu de rôle sous licence Games Workshop. Bon je vous rassure ce n’est pas demain la veille. Enfin pas de notre fait.

Mais revenons à la question. Bon, je ne dévoile rien, mais je pense que notre partenariat avec FFG, nous permettra, si le projet est mené à terme, de traduire la prochaine version de « Legends of the 5 Rings ».

Après nous travaillons sur d’autres licences, mais comme le jeu de rôle n’a pas la même échelle de temps que nos autres jeux, on va attendre un peu pour dévoiler toutes nos surprises.

Votre actualité concerne également Degenesis, un jeu qui semble avoir bénéficié d’une qualité éditoriale très soignée. Pouvez-vous nous parler du jeu, de son édition et de son suivi ?

Degenesis ou l’histoire d’un coup de cœur. Avant toute chose, je me dois de parler du principal autre protagoniste sur ce projet. Sandy Julien, l’homme en charge des équipes de jeu de rôle. Il y a de cela quelques mois déjà pour ne pas dire presque deux ans, on reçoit un mail concernant le jeu. Il ne nous a fallu que trente secondes pour valider le projet avec Sandy. Un jeu mature s’il en est. De plus la nouvelle version bénéficie d’un graphisme encore plus surprenant que la précédente. Et pourtant c’était déjà de la bombe.
Que dire de plus, c’est un jeu de rôle post apo, très vaste, trop diront certains avec une véritable cohérence derrière. Pour les rôlistes un peu âgés, comme moi, ils y trouveront des éléments de quelques univers disparates, mais rien de bien déroutant.

Sinon, un jeu qui contient plus de 700 pages nécessite en effet un suivi particulier. Nous avons dû attendre assez longtemps avant de pouvoir accéder à la version anglaise du jeu afin d’en lancer la traduction. Suite à quelques incohérences, nous avons aussi décidé de faire un contrôle croisé avec la version allemande. C’est bien entendu plus long, mais le jeu en valait la chandelle. Nous avons énormément communiqué avec l’équipe de SixMoreVodka posant des questions afin d’obtenir les réponses voulues.

Ensuite, nous voulions frapper un grand coup en proposant une édition spéciale qui ne soit pas identique à celles des versions allemande ou anglaise. C’est un peu ce pêché d’orgueil qui est la cause de notre retard. Notre imprimeur habituel ne pouvant pas satisfaire à nos contraintes. Et je dois dire que je suis content de voir payer notre acharnement. Ce fut long, mais je pense que le résultat est à la hauteur de nos attentes.

Pour ce qui est de la suite, c’est en cours. La traduction et la mise en page du premier supplément sont finies. Ensuite nous ne pouvons pas pousser les auteurs à écrire plus qu’ils ne le peuvent. En fait, ils ont un autre travail à côté. Qui a parlé de cross marketing et d’extension de licence à d’autres supports ? Pas nous !

Edition Collector de Degenesis
Edition Collector de Degenesis

Tous vos jeux font l’objet d’une production de qualité : couverture rigide, tout couleur, etc. Comment appréhendez-vous votre travail d’éditeur ?

Arrêtez, je vais rougir. Mais bon ce n’est pas vrai. Regardez Fiasco. Bon c’est un peu l’exception, mais qui sait par la suite ? En fait, nous travaillons sur des jeux avec des univers sophistiqués et connus, on se doit d’être à la hauteur de ceux-ci. Une couverture rigide, ainsi que des illustrations en couleur donnent un résultat plus qualitatif.

Plus sérieusement, nous avons la chance de travailler sur des éditions originelles superbes, on ne fait que poursuivre ce qui existe. Comment ça je biaise ? Oui, le Studio Edge est aussi à l’origine de certaines maquettes des éditions en langue anglaise ou espagnole.
En fait, c’est peut-être paradoxal, mais nous aimons ce qui est beau. C’est un élément important pour nous. Certes relatif, mais qui nous importe.

Le travail d’éditeur est pour moi complexe, car sur les grosses licences on ne peut pas décevoir, on se doit d’être encore plus rigoureux. On remet en permanence nos compétences en cause. On ne peut pas s’endormir sur nos acquis. Je deviens même plus critique à chaque parution. Heureusement, Sandy julien est là aussi pour ça. Avec le soutien et l’aide des traducteurs talentueux qui l’entourent, nous essayons de faire au mieux pour satisfaire des joueurs de plus en plus exigeants, mais à juste titre.

Il ne faut pas oublier que nos clients payent pour acheter nos jeux et parfois ils payent cher. On se doit donc de ne pas fléchir ne serait-ce que par respect et aussi, car nous aimons le travail bien fait. Je déteste voir des erreurs dans nos jeux. J’en suis malade. Et même si je ne suis pas le traducteur et le relecteur, je me sens impliqué et puis je suis responsable.

Êtes-vous attirés par le financement participatif ?

A priori non. En fait je pense que notre approche du financement participatif vient de notre société. Si vous travaillez dans une société qui a les fonds pour ne pas y faire appel, vous aurez tendance et ne pas en voir certains des avantages, s’il y en a.

Que peut apporter le financement participatif sur du jeu de rôle ? Un contenu exclusif ? Pourquoi ? Le but est de démocratiser le jeu de rôle et son contenu, selon moi. Si c’est pour proposer une version collector d’un jeu, il existe la préco.

En fait le financement participatif devrait permettre à certaines personnes de faire publier des jeux qui n’ont pas trouvé d’éditeur. J’occupe un poste assez central dans notre société et je dois dire que je n’ai pas reçu de demandes. Donc, il n’y a pas de réelle logique à ce que je vois fleurir sur le marché. Actuellement certains éditeurs, utilisent ces souscriptions comme des ersatz de prêts. En gros cela donne : Je n’ai pas l’argent nécessaire et je ne veux pas prendre trop de risques donc je monte un financement. Ce qui est étrange c’est que la gestion de ces financements demande beaucoup de temps et d’argent.
Comme vous le voyez, je suis extrêmement dubitatif sur le sujet.

En dehors des jeux à licence, vous éditez également des jeux issus de la scène indy américaine. Après Fiasco, c’est Night Witches qui bénéficiera d’une traduction Française. Comment se font ces choix éditoriaux ?

C’est moi qui craque sur certaines licences. Je suis un vieux monsieur qui fait du jeu de rôle depuis 1981. Yep et je le revendique haut et fort. Oui à l’époque on jouait en anglais. Raaaaaah, comme c’était bien. Bref j’ai de tout à la maison avec des trucs improbables et parfois au détour d’une conversation avec d’autres joueurs ou lors de salons je craque sur des jeux hors grosses licences. Fiasco c’est génial, non ? C’est pour moi, une superbe entrée en matière dans le monde du jeu de rôle. Oui, oui, on peut faire de l’initiation au jeu de rôle avec Fiasco. Night Witches et très certainement Juggernaut, deux jeux du même auteur qui nous font de l’œil. Alors là, c’est du jeu de rôle de niche avec assurément un public plus restreint. Mais c’est aussi ça le métier d’éditeur. On sait que sur certains jeux on va certainement ne pas gagner d’argent, mais comme on a de grosses licences à côté, bah on peut réinjecter dans d’autres jeux qui nous titillent. Car ils valent le coup !

night-witches_original

Avez-vous une date de sortie à annoncer pour Night Witches ?

Oui courant 2017. Quoi, je dois affiner ? Alors mi 2017. Qui a parlé de Juggernaut ? Ah moi… non je n’ai rien dit.

Concernant la gamme du Livre des 5 anneaux – 4ème édition, est-il prévu un supplément de campagne ou un recueil de scénario ?

On a un supplément en cours de relectures qui devrait arriver sur les tables des joueurs au premier trimestre 2017. Puis on devra contractuellement passer à autre chose. Oui « Secrets de l’Empire » sera le dernier supplément de cette édition traduit en français.

l5a-secrets_empire

Est-il envisageable de rééditer les aventures mythique de l’époque (on pense notamment à la Cité des mensonges) pour cette 4ème édition ?

Je dois répondre là ? Oui ? Bon étant donné ma réponse à la question précédente vous vous doutez bien que cela me semble plus que compliqué. Qui sait peut-être que la prochaine édition de ce jeu reprendra des scénarios et extensions déjà existants. Pour le moment rien ne peut fuiter. Non, non, non ! Rien, keudalle, nada.

Nephilim est l’un des rares jeux français de votre catalogue. Quand on connaît la richesse des suppléments pour les précédentes éditions, peut-on s’attendre à un éventuel suivi pour le jeu ?

Nous aimerions ! Fred, si tu nous lis ! En fait, le sujet est très complexe, trop complexe même. Vous le savez déjà les auteurs de ce jeu sont de par leurs fonctions professionnelles, des personnes très très très occupées. Et quand on les connaît un peu, on se doute bien qu’ils ne sont pas du genre à vouloir faire quelque chose à la va-vite. Nous non plus d’ailleurs.

Une piste pour relancer la machine… Oui la machine et non la gamme, car celle-ci n’est pas morte juste en sommeil, en narcose. Une piste, disais-je, a été évoquée mi 2016 concernant Nephilim. À titre personnel, je ferai tout pour que des suppléments voient le jour. Pyrim un jour, pyrim toujours !

Le jeu de rôle chez Edge en 2017, vous le voyez comment ?

Coloré ! Ah ce n’est pas la question ? Histoire de parler d’une autre gamme non abordée, ce ne sera pas La Fin du Monde. Peut-être même l’éclosion d’autres gammes. Ce qui est sûr c’est qu’on va essayer de continuer encore et toujours à sortir de beaux ouvrages pour les rôlistes. Arf je n’y arrive pas à faire dans le lawful good.

Un dernier mot pour la fin ?

Pour éviter la faim, il faut manger du canard, et surtout le vendredi. Là je pourrai vous donner les noms de certains de vos collaborateurs qui ont la réponse.

Une pensée sur “Place à la vague new Edge

  • 30 novembre 2016 à 16:02
    Permalink

    Chouette Interview, merci le Fix !
    Et Merci Edge, je joue pas à beaucoup de leur jeu, mais leur gamme et leur positionnement est vraiment cool, les livres Star Wars sont de très bonne qualité, Dégenesis aussi … longue vie à Edge !

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