Les Héritiers, interview 1/2

Les Héritiers est un jeu prenant place dans le Paris de la Belle Époque. Né il y a une vingtaine d’année, le jeu est surtout celui d’une personne : Isabelle Périer. Cette dernière a beaucoup œuvré dans le monde du jeu de rôle, que ce soit dans l’édition ou lors de nombreuses interventions dans des conférences. Toute sa dévotion aux jeux des autres s’est faite au détriment du sien. Malheureusement, Isabelle nous a quitté trop tôt (en septembre 2017) et n’a pu concrétiser l’édition de son jeu.

Aujourd’hui, le Département des Sombres Projets a réuni une équipe à la fois talentueuse et proche d’Isabelle pour lui rendre hommage et concrétiser son rêve. Bien évidement, l’histoire ne se limite pas à cela puisque Les Héritiers est aussi un jeu à l’univers original et à la proposition ludique forte. Encore très mystérieux toutefois, le jeu commence à se dévoiler à travers quelques visuels intriguant et une date de lancement pour la première souscription de l’éditeur : le 3 mars 2020 (pour une durée de 5 semaines).

Afin d’en savoir un peu plus, nous avons été poser quelques questions à deux membres de l’équipes : Fabien Clavel pour la partie univers et Gregory Lemonnier pour la partie système.

Note du Fix : Donnez la parole à deux rôlistes passionnés et vous vous retrouvez avec une longue interview riche en informations. Afin de rendre le tout plus digeste, nous avons préféré découper cette dernière en deux parties.

Le Fix : Fabien, Grégory, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?

Grégory : J’enseigne les lettres en hypokhâgne et pratique le jeu de rôle depuis mes plus tendres années, entre autres sur Warhammer, AD&D, Star Wars, Vampire, L5A, Agone, Cthulhu, Qin, Wasteland, Mournblade, Numénéra, Capharnaüm et bien sûr les Héritiers. J’ai joué de nombreuses parties avec notre amie défunte Isabelle Périer. C’est pour lui rendre hommage que je me suis retrouvé à reprendre les rênes de son jeu aux côtés de Fabien et pour les Sombres Projets.

Fabien : Je suis auteur de romans pour la jeunesse et pour les adultes depuis une bonne quinzaine d’années. Mais, comme d’autres auteurs français contemporains, mon parcours a été marqué par le jeu de rôles puisque mon premier cycle s’intitulait Nephilim et se déroulait dans l’univers du JdR de Fabrice Lamidey et Frédéric Weil. Par la suite, j’ai écrit des nouvelles dans l’univers de Nécropolice ou d’Ecryme. Je suis aussi l’auteur avec Florent Cautela d’une campagne Nephilim Les Atlantéides et j’ai contribué au jeu Khaos 1795 d’Anthony Boursier et Franck Plasse.

Le Fix : Les Héritiers est un jeu prenant place à la Belle Epoque, mais mâtinée d’un soupçon de Mythe Arthurien. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Grégory : il s’agit d’un jeu de rôle historico-fantastique, se déroulant entre la toute fin du XIXème siècle et 1914, mêlant aventures pulp, intrigues et horreur. Les joueurs incarnent des créatures féeriques traditionnelles (elfes, korrigans, gargouilles, etc.) mais aussi modernes comme les fées électricité. Avalon existe, caché aux yeux des hommes, mais sombre peu à peu dans le néant à mesure que le monde se désenchante. Mais Avalon n’est pas le seul monde menacé : des visions cauchemardesques d’une apocalypse inouïe hantent les Héritiers.

Fabien : En gros, les fées existent mais elles sont cachées parmi les humains. On appelle des faux-semblants ces fées qui demeurent masquées en humains et qui peuvent se dévoiler pour utiliser la pleine étendue de leurs pouvoirs. Avec le temps, les fées ont fondé une monarchie censée les protéger mais il existe aussi des groupes révolutionnaires. Et au milieu de tout ce bazar, certaines fées, dont les joueurs, se réveillent ayant en tête le même rêve avec un Dragon géant et cette phrase : « En 1914, tout s’achève. Je suis un Héritier ».

Le Fix : Comment se positionne le jeu par rapport aux autres sorties récentes se situant à la même époque (Le cabinet des murmures, Maléfices) ?

Fabien : Je n’ai joué à aucun des deux à ce jour mais, de ce que j’en connais, je peux dire que nous sommes moins centrés sur l’occultisme que Maléfices et Le Cabinet des Murmures qui lorgnent vers le fantastique alors que nous sommes plus dans de la fantasy (et un peu de steampunk avec une uchronie discrète) en jouant sur toutes les nuances du genre. Même si nous nous appuyons sur l’aspect sombre de la Belle Époque, on ne renonce pas au glamour pour autant. Nos personnages n’ont guère de problèmes d’argent et peuvent aisément côtoyer les hautes sphères de la société, sauf si les joueurs préfèrent incarner des marginaux. D’autre part, nous avons clairement la volonté de proposer un univers transmédia à terme, comme le souhaitait Isabelle. J’ai rédigé un gros roman dans l’univers des Héritiers et j’ai travaillé, à sa demande, sur un jeu de cartes qui doit retranscrire un épisode de la campagne à venir. Elle a d’ailleurs testé l’une des premières versions.

Grégory : Les Héritiers est plus proche de Maléfices que du Cabinet des Murmures, ce dernier mettant en scène une Europe fortement uchronique. Dans Maléfices et Les Héritiers, le cadre est bien l’Histoire connue de tous autour de 1900 avec ses secrets ésotériques et du fantastique. Ce dernier aspect est cependant plus prononcé dans Les Héritiers : comme le dit Fabien on peut parler de fantasy du fait de l’existence d’une société féerique cachée et organisée. Un amateur de Maléfices trouvera parfaitement ses marques dans Les Héritiers mais y découvrira d’autres dimensions.

En effet, si Les Héritiers fait aussi intervenir occultisme et spiritisme, une mythologie propre y est développée, à découvrir par les joueurs, avec un compte à rebours jusqu’en 1914. En outre, le jeu se distingue nettement des deux autres par ce que peuvent incarner les joueurs : des humains mêlée à des créatures de Bestiaire rappelant ce que propose Vampire la Mascarade, mais avec beaucoup plus d’archétypes très différents. Dans Le Cabinet des Murmures, on joue des Esprits désincarnés et dans Maléfices, de simples humains, je crois, parfois confrontés à des créatures fabuleuses… du type de celles qu’on incarne dans Les Héritiers, avec leurs pouvoirs surnaturels. Ça change complètement le point de vue et les possibilités de jeu et de construction de personnage.

Le Fix : L’univers du jeu comprend de nombreux secrets. Mais est-ce que les clés de ces mystères seront données au meneur ?

Fabien : Le jeu avait dès le début l’idée de donner un maximum de réponses aux joueurs. Isabelle avait même prévu des « Fiches Intrigue » qui décomposaient la méta-intrigue des Héritiers en éléments facilement retrouvables. En reprenant le jeu, nous avons eu la volonté de poursuivre dans cette ligne. Non seulement, toutes les réponses seront données mais on livrera les scénarios pour les mettre en scène. Il nous reste seulement à compléter les rares blancs qui demeurent.

Grégory : Pour refléter que les secrets sont au cœur du jeu, le meneur s’appelle « le Docte » : celui qui sait. Ils seront fournis dès la sortie du jeu, dans le livre du meneur : Arcanes et faux-semblants et les fiches récapitulatives de la méta-intrigue dont parle Fabien dans un livret pour les Doctes fourni avec l’écran. Comme les secrets sont au cœur de l’univers, il faut que le meneur puisse se les approprier tout de suite et imaginer ses propres aventures compatibles avec les suppléments et scénarios à venir.

Le Fix : Quelles aventures les personnages pourront vivre dans ce Paris Féerique ?

Grégory : Aider un druide du Bois de Boulogne à sauver des pixies égarées hors d’Avalon, enquêter sur l’assassinat suspect d’une ondine célèbre ou le vol gravissime du trésor d’un Korrigan, mettre fin aux expérimentations macabres d’un nécromancien dans les catacombes de Paris, contrer ou fomenter un attentat contre un Vicomte de la Monarchie féerique, échapper à un groupe de Chasseurs qui veulent la peau des Héritiers, prendre d’assaut une abbaye retirée où une Inquisition perpétue la torture des fées, stopper un savant fou, etc.

Mais Paris n’est que le point de départ ! Pour éviter l’apocalypse, les Héritiers devront aussi voyager, en (Grande-)Bretagne, à Londres, Venise, en Méditerranée, explorer d’antiques ruines égyptiennes ou celtes, fraterniser avec ou affronter des factions aux buts divergents et en apprendre plus sur l’histoire secrète du monde.

Fabien : Tout est possible, ou presque. La Belle Époque est aussi celle de la création de nombreux « mauvais genres » comme le roman policier, le roman de science-fiction, le roman d’espionnage… Ainsi, les joueurs pourront à la fois côtoyer les grands du monde féerique, mais aussi les ennemis de la Monarchie, et même des humains qui cherchent à se débarrasser des fées. Paris est un décor fabuleux mais nous prévoyons d’emmener les Héritiers ailleurs, comme par exemple en Égypte avec les archéologues, ou dans des tribus d’Amérique du Sud, ou en Chine. Voire en Avalon…

Le Fix : Une campagne est donc prévue ?

Fabien : Je travaille sur une grande campagne qui devrait emmener les joueurs de 1900 à 1914. L’idée est de laisser de la liberté aux joueurs en proposant dans les deux cas un scénario d’ouverture et un de clôture, tandis que les autres pourront être joués dans n’importe quel ordre. Pour donner à cet ensemble un air romanesque, de nombreux personnages seront récurrents et évolueront avec les PJ. Je pense notamment reprendre les personnages du roman Les Héritiers.

Le Fix : Le système de jeu est baptisé « Système 3D ». Aura-t-on des lunettes comme dans Pif Gadget avec le livre de base ?

Grégory : j’adore Pif Gadget, l’ancêtre des aides de jeu, mais non, point besoin de lunettes pour le système 3D. C’est juste que dans mon système assez simple de caractéristique + compétence + résultat du dé, le joueur peut choisir entre 3 dés différents : un D8, un D10, un D12. A chacun correspond un rapport risque / récompense différent. Le D8 est le dé prudent, qui sous réserve d’avoir au moins un point dans la compétence, évite les échecs critiques. Le D10 est le dé aventureux, permettant des actions mieux réussies mais le 1 vaut -3. Le D12 est le dé de panache, permettant les actions d’éclat, surtout comparativement au D8, mais le 1 et le 2 valent -5. Avec le D10 et le D12, les échecs critiques sont un gros risque.

Mais les Héritiers ont un atout de taille pour « forcer la chance » : leur prescience leur permet de Tricher avec le destin en dépensant de précieux points pour lancer les 3 dés à la fois, ou mieux, changer la face du résultat d’un dé par une face adjacente…

Le Fix : Les personnages auront deux incarnations. La principale, humaine, et une seconde – cachée – issue du folklore féerique. Comment les règles simulent ces deux facettes ?

Grégory : D’abord, la Fiche de perso a deux faces : le recto pour la face humaine avec les caractéristiques et compétences, armes etc. et le verso pour la face féerique comportant son identité féerique, ses pouvoirs, etc.

Ensuite, chaque personnage a un score dans deux caractéristiques uniques aux fées : la Féerie et le Masque.

Le Masque reflète la capacité du personnage à dissimuler sa nature féerique, à changer de forme et le nombre d’utilisations qu’il peut faire de ses pouvoirs masqués c’est-à-dire sous forme humaine.
La Féerie reflète l’affinité du personnage avec sa nature féerique profonde, le nombre des pouvoirs qu’il possède et leur efficacité. Plus la Féerie est développée, plus ses pouvoirs seront puissants et nombreux, jusqu’à atteindre les pouvoirs profonds voire légendaires de la créature. Cependant, si le score de Masque est trop inférieur à celui de la Féerie, le personnage semblera clairement « étrange » pour ne pas dire flippant, même sous forme masquée.

(à suivre…)

11 pensées sur “Les Héritiers, interview 1/2

  • 12 février 2020 à 11:39
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    Belle interview, hâte de lire la suite!

    A priori je suis carrément client en tant que fan absolu de Château Falkenstein et du Paris des Merveilles (Romans de Pierre Pevel) ! Du coup ben j’ai fichtrement hâte! en espérant que ton ne soit pas trop sombre ….

    • 14 février 2020 à 18:49
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      Le ton n’est pas aussi léger que dans Château Falkenstein mais pas trop sombre non plus. En fait, il sera tout à fait possible d’adapter le ton avec la nuance souhaitée par le MJ (et la table) et de privilégier la légèreté et la fantaisie (il y a tout ce qu’il faut pour) ou au contraire quelque chose d’un peu plus sombre, mais le maître mot, c’est la grande aventure!

  • 12 février 2020 à 20:09
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    Bonsoir et merci de votre intérêt. Rassurez-vous : même si des menaces importantes pèsent sur la Monarchie féerique, le ton est davantage tourné vers l’aventure.

    • 13 février 2020 à 21:20
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      Merci Monsieur!
      Je rajoute que si vous êtes bien l’auteur des Feuillets de Cuivre, j’aime beaucoup votre écriture!
      Mon intérêt et mon attente sont décuplés…. et vous aurez sans doute envie d’écrire qq chose dans cet univers qui sait.
      En tout cas je soutiendrai

      • 16 février 2020 à 17:56
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        Je suis bien l’auteur de Feuillets de cuivre. En fait le personnage de Ragon est né avec « Les Héritiers », vous devriez le découvrir bientôt… Merci de votre soutien !

  • 13 février 2020 à 15:55
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    Maléfices, Nephilim, Meute, Les Héritiers: le Quarté gagnant!
    Vraiment hâte du lancement et surtout de tenir entre les mains les ouvrages de la gamme pour admirer de plus près leurs somptueuses illustrations!

    • 14 février 2020 à 18:53
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      Merci beaucoup pour votre enthousiasme! Ces références partagent quelques affinités d’ambiance (Isabelle et Fabien ont écrit pour Néphilim par exemple), et les Héritiers devrait réussir à séduire à sa manière, j’espère que vous ne serez pas déçu!

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