De Pirou en Pirou

Eh, ça va bien ! Pirou par ci, Pirou par là. Un coup, c’est pour le livre de base de Lore & Legacy, une autre fois pour son travail d’historien et vulgarisateur du JdR, encore après pour le suivi de L&L… C’est plus la minute du geek mais un vrai piratage d’antenne, là. Cela dit, encore une fois, on avait vraiment envie d’entendre Julien nous parler de son gros projet de fin d’année, un vrai piège à rôlistes à l’approche de Noël : le beau livre La grande aventure du JdR à paraître très prochainement aux Editions Ynnis. Par contre, après, il faudra nous laisser, Monsieur Pirou, hein ?

1. Le JdR est un loisir en pleine effervescence (la folie des foulancements, celle de l’actual play, les jeux indés, etc.). Pourquoi écrire son histoire maintenant ? Dans deux ans, il est périmé, ton bouquin !

Je suis d’accord pour dire que le jeu de rôle évolue beaucoup, mais pas si vite que ça. Tous les trucs que tu mentionnes ne sont pas apparus au cours des deux dernières années 😊

Mais plus sérieusement, si tu regardes les autres livres de la même collection chez Ynnis comme Histoire(s) du Manga Moderne, ils sont régulièrement remis à jour avec les dernières évolutions du médium qu’ils couvrent. Donc il n’est pas impossible que La Grande Aventure du Jeu de Rôle fasse elle aussi l’objet de nouvelles versions dans le futur. Mais pas avant quelques années, je pense.

2. C’est toi qui a sollicité Ynnis Editions avec ton projet sous le bras ou bien c’est que tu es juste hyper facile à corrompre ?

A parce que pour vous accepter une commande ça signifie automatiquement être corrompu ? Bravo, belle mentalité, je vois que Le Fix est complice, que dis-je, acteur de la paupérisation des auteurs et de la pression qui les pousse à accepter des boulots d’écriture à des tarifs de misère au nom de la « passion ». Shame ! SHAAAAME !

En fait il se trouve que mon premier boulot, à la sortie de l’école, était graphiste pour un éditeur audiovisuel nommé Kazé, dont le fondateur (et dirigeant à l’époque) est un certain Cédric Littardi. Par la suite (il y a une dizaine d’années) je suis parti travailler dans le jeu vidéo, et Cédric a vendu Kazé pour se lancer dans de nouvelles aventures, comme les Derniers Bars avant la Fin du Monde ou encore… Ynnis Éditions.

Il y a environ deux ans, Cédric m’a envoyé un mail pour discuter d’un projet. En tant que rôliste de longue date (vous vous demandiez pourquoi Kazé avait édité Les Chroniques de la Guerre de Lodoss en France ? Ben voilà) il songeait à publier un livre consacré à l’histoire du jeu de rôle, car il trouvait qu’il manquait un ouvrage sur le sujet. Il m’a proposé de l’écrire, et voilà.

3. Aha, mais mon pauvre ami, moi, j’ai foulancé la VF de Designers & Dragons chez Sycko. 4 volumes ! Un seul volume pour le tien, tu peux pas test !

Et je suis bien d’accord ! J’ai moi aussi les 4 volumes de Designers & Dragons (en VO par contre). Shannon Appelcline a fait un boulot encyclopédique impressionnant, mais aussi un peu austère, pour ne pas dire hermétique pour les non-initiés.

Avec La Grande Aventure, on savait dès le départ qu’on serait sur un format similaire à Histoire(s) du Manga Moderne : beau livre, en couleurs, plein d’illustrations. L’approche n’était donc pas tout à fait la même, et d’ailleurs la cible non plus. C’est un ouvrage nettement plus « grand public ».

Je pense que si Ynnis a pensé à moi c’est aussi parce que sur Nolife et dans IG Magazine j’avais montré ma capacité à prendre un sujet complexe, s’étalant sur plusieurs décennies, et à le synthétiser, le rendre digeste et agréable à lire. On a souhaité faire un livre facile d’accès, à même de séduire aussi les non-rôlistes ou les personnes curieuses d’en apprendre plus sur le jeu de rôle et son histoire. Ce n’est donc pas du tout un « inventaire à la Prévert » de tous les jeux de rôle jamais publiés.

Enfin, dans La Grande Aventure, on parle aussi pas mal du jeu de rôle en France et ailleurs, là où Designers & Dragons a au contraire une approche très américano-centrée. On a aussi gardé une petite place pour les « dérivés » et « cousins » du jeu de rôle, comme les Livres dont vous êtes le Héros, les jeux vidéo ou le GN.

On a aussi mis l’accent sur les interviews et témoignages de première main, quasiment absents de Designers & Dragons. Mon angle d’attaque était « personne ne parlera mieux de l’histoire du jeu de rôle que celles et ceux qui y étaient. »

4. Justement. Tu es francophone. Pourquoi n’as-tu as pas concentré tes efforts sur le JdR francophone ?

La Grande Aventure parle beaucoup du jeu de rôle en France (et aussi dans d’autres pays qui ont une pratique assez différente, comme le Japon), mais ayant beaucoup joué à des jeux américains (Shadowrun, Earthdawn, RuneQuest, Cthulhu…) il m’aurait semblé vraiment bizarre de ne parler que de la création franco-française.

5. Un historien, ça exploite des sources. Et toi, c’est quoi tes sources ?

Elles sont multiples. Designers & Dragons bien sûr, mais aussi Empire of Imagination, Art & Arcana, mais aussi l’Histoire de Dungeons & Dragons de Fabrice Sarelli, Le Livre des Jeux de Rôle de Didier Guisérix, les ouvrages de Laurent Témel ou Olivier Caïra…

J’ai aussi relu énormément de vieux magazines, de Different Worlds à Casus Belli, ainsi que des trucs plus surprenants comme des numéros de Tintin du début des années 1980 où des articles parlaient de ce « drôle de jeu » (prix du calembour le plus surexploité par la presse lorsqu’il est question de JdR) qu’était D&D. Et oui, je me suis même retapé le visionnage de l’intégralité du tristement célèbre épisode de Bas les Masques ! Et j’ai gardé quasiment toute ma Santé Mentale, d’après mon psychiatre.

J’ai aussi bénéficié d’un heureux timing : pendant que j’écrivais le livre, plusieurs documentaires sont sortis sur les débuts du loisir, comme Eye of the Beholder ou Secrets of Blackmoor. C’était une manne providentielle.

6. Et ces nombreuses interviews qui émaillent le livre, tu as fait comment pour sélectionner tes interlocuteurs ? Déjà, d’ailleurs, un mauvais point pour l’ouvrage : je n’y suis pas !

Plains-toi auprès de ton agent, ce n’est pas faute d’avoir essayé de te joindre ! Mais à chaque fois tu étais en vacances à bord de ton yacht privé acheté avec les recettes publicitaires du Fix…

En fait je suis parti de personnes qui je connaissais bien, comme Jérôme Larré, Coralie David, Pen of Chaos ou Le Grümph, et j’ai petit à petit étendu mes tentacules plus loin, vers des gens comme Croc, Sandy Petersen, Liz Danforth, Didier Guisérix, Margaret Weis… Encore une fois, en essayant d’avoir des interlocuteurs des deux côtés de l’Atlantique.

Certains contacts se sont aussi noués un peu par hasard, comme par exemple pour François « Finaël » Bienvenu (co-fondateur du mythique club de la MLC Saint-Rémy-lès-Chevreuse) ou Rob Kuntz, co-créateur de Greyhawk et l’un des derniers membres fondateurs de TSR. Tous deux nous ont d’ailleurs fourni des documents incroyables tirés de leurs archives. Comme quoi le hasard fait bien les choses !

J’ai aussi pu interviewer Mike Pondsmith, qui était complètement débordé avec Cyberpunk RED et la promo de Cyberpunk 2077 mais a quand même trouvé le temps de répondre à mes questions entre deux deadlines serrées, qu’il en soit remercié.

Un témoignage en particulier que j’aime beaucoup, c’est celui de Kurt McClung, l’ancien rédac chef de Jeux Pro et éditeur des premières versions d’Ecryme et du jeu de rôle Métabarons. Il a levé le voile sur tout un pan du jeu de rôle que je connaissais mal : le jeu par correspondance, avant Internet. Ses anecdotes sont truculentes, et il était très intéressant d’avoir un point de vue « bi-classé » américain/français sur le loisir.

7. Bon, tu n’écris pas que sur des jeux morts, tu soutiens aussi ton propre jeu : Lore & Legacy. En ce moment, tu termines (dans 3 jours, vite !!!) un foulancement pour le suivi du jeu. Il va marquer l’histoire ou bien ?

Il serait très présomptueux de croire que Lore & Legacy va marquer l’histoire autant qu’un Apocalypse World ou qu’un Vampire

Ma seule envie était d’écrire un jeu auquel j’aurais envie de jouer, dans un univers que je ne trouvais pas vraiment dans les jeux du marché. Il semble que la proposition séduise un lectorat certes restreint mais enthousiaste, et ça me rend très heureux de bénéficier de leur soutien et de leur confiance.

Au moment d’écrire ces lignes, la campagne vient de dépasser les 150%. Alors bien sûr on est loin des scores pharaoniques rencontrés par d’autres jeux qui lèvent des sommes à six chiffres (et bravo à eux), mais à mon échelle de tout petit auto-éditeur fraîchement lancé, je trouve que c’est déjà un grand succès.

Une pensée sur “De Pirou en Pirou

Commentaires fermés.