Une certaine idée du JdR

L’artiste et journaliste anglaise Caroline Coon définissait dès 1976 l’idéologie punk naissante autour d’une pratique, le « do it yourself ». Il s’agissait en touts choses de ne pas se laisser dicter des normes par les autorités (les parents, l’école, l’État, etc.) et de faire par soi-même, en autodidacte. Parfois mal, c’est vrai (genre des morceaux avec trois accords grand max…) mais de façon personnelle et sincère.

Si je vous parle de cela aujourd’hui, c’est que la définition me semble pouvoir s’appliquer à ce que souhaite faire pour le JdR la maison d’édition associative Posidonia.

Posidonia est à la base une maison d’édition associative spécialisée dans ce qu’ils appellent la littéraction, ce qui inclut les livres-jeux mais aussi les jeux de rôle. De fait, après s’être surtout distingués dans le reboot d’une vielle collection de chouettes LDVELH à connotation historico-légendaire (la collection Histoires à Jouer), Posidonia a depuis fait preuve d’une boulimie de projets de JdR au point qu’on a rapidement dû se rendre à l’évidence de devoir leur faire une entrée pleine et entière dans le planning.

Si on vous en parle aujourd’hui, c’est pour un bien intrigant projet : l’édition d’un magazine. Oui, oui, un mag’ papier. Sur les JdR. Tel que.

On parle d’un mag’ trimestriel expédié par voie postale (mais des solutions de distribution en boutiques sont aussi à l’étude). Il sera  tout couleur en format A4, agrafé, avec 80 à 90 pages selon les numéros. Le sujet en sera bien sûr les jeux Posidonia mais aussi, plus largement, les jeux de création francophone. Un credo que nous ne pouvons qu’appuyer ici, chez le Fix.

Même chose pour le recours au foulancement. On ne va pas se mentir : c’est un projet risqué. Alors, solliciter des abonnés via une plate-forme de foulancement pour les 4 premiers numéros (un an, donc) semble une très bonne idée. Rappelons (1… 2… 3… séquence vieux con enclenchée… top à la vachette !) que feu Di6dent avait fait de même pour pouvoir faire imprimer ses deux premiers numéros. C’était en… 2011 (soupir). Tiens, je viens donc de remarquer en direct qu’on était au dixième anniversaire de la création de Di6dent.

Le foulancement du mag’ de Posidonia est un peu laborieux mais vient juste de franchir la barre fatidique et cela peut monter encore un peu (il reste très, très peu de temps : attention !). On regrettera à ce titre le fait que l’éditeur ait choisi un nom abscons – Architeuthis – et un sous-titre encore plus bizarre – le magazine des poulpes rôlistes – sachant, qu’a priori, il n’est pas question d’y publier une ligne sur l’Appel de Cthulhu. Hum.

De notre côté, on regrettera aussi le prix excessivement bas fixé pour un numéro (5 euros… frais de port compris !) qui condamne les rédacteurs, maquettiste, illustrateurs… au bénévolat et donne, qui plus est, une fausse image du vrai coût de la presse papier dans notre pays.

Jusqu’ici, la maison d’édition s’était surtout spécialisée dans l’accompagnement de projets visiblement déjà bien mûrs portés par leurs créateurs. Le foulancement est une force pour tous les indépendants mais certains préfèrent être accompagnés dans les étapes peu évidentes de ce mode de production : à quel niveau fixer les objectifs, les paliers, annoncer des dates, trouver les bons prestataires, etc. Avoir le soutien de quelqu’un de plus expérimenté dans tous ces domaines peut être un vrai atout.C’est ainsi la voie suivie par Choosen Ones (space opera), Gobelin qui s’en dédit (medfan parodique) ou encore Les Apprentis sorciers (Potter-like).

Et, de fait, en dehors de légers retards essentiellement imputables à la situation économico-sanitaire actuelle, on peut le dire : Posidonia livre et livre plutôt vite et bien par rapport à bien de ses concurrents. Et les foulancements ont permis de produire tout ce qu’on attend aujourd’hui d’une gamme pro : des livres aux couvertures solides, sur papier glacé, tout couleurs avec leur écran du MJ rigide, des dossiers de PJ ou même les sempiternels sets de dés spéciaux aux couleurs de chaque jeu. Du travail de pro.

Bon, on ne va pas se mentir. « Punk », avant de désigner une idéologie et une musique, cela voulait juste dire « moche » en anglais. Et, sans aller jusque là, on peut dire que les ouvrages publiés par Posidonia sont… euh… assez éloignés des normes esthétiques promues aussi bien par les gros éditeurs papier glacé (genre BBE, AAP ou Agate) que par les indés (voyez les premières productions de chez Dystopia).

Est-ce gênant ? A vous de le dire. Mais ce qui est sûr, c’est qu’une mise en page basique est parfois plus accessible en jeu qu’un truc chiadé avec des textures et des dégradés de couleurs sombres. Quant aux illustrations des bouquins, personne de sérieux de les montre aux joueurs en cours de partie, si ?

Alors si vous voulez juste jouer à des propositions ludiques pas forcément très sophistiquées mais rafraîchissantes et directes, vous deviez vous intéresser aux productions Posidonia ou bien, pour commencer, tenter le coup avec leur futur mag’. Mais, encore une fois, attention, on s’y prend un peu tard et il ne reste donc que quelques poignées d’heures pour vous joindre à ce foulancement.

 

https://www.gameontabletop.com/cf203/architeuthis.html

https://posidoniaeditions.fr/