Le Rire des Dragons : une campagne pour clôturer L’Anneau Unique v1 [chronique]

Alors que le KS de The One Ring v2 a été lancé en fanfare, voici un petit retour sur le dernier ouvrage de la gamme vf de L’Anneau Unique v1 qui sera proposé par Edge avant de passer à la v2 : Le Rire des Dragons, disponible depuis le 19 février.

Parcourons donc les 164 pages de ce recueil composé de six scénarios se déroulant du côté du Mont solitaire, Erebor et Dale. Conçu pour exploiter le supplément Erebor : Le Mont solitaire, vous pouvez y piocher de quoi agrémenter les scénarios, mais cela dépendra de votre envie d’aller plus loin dans le lore ou pas. Enfin l’introduction précise aussi que ces scénarios peuvent être joués en campagne (nous reviendrons là-dessus) et couvrent la période 2957-2962.

Le pitch est donc que Sauron, voyant ses plans ruinés à la mort de Smaug décide d’envoyer un des Spectres de l’Anneau (« quoi ? encore !« ) afin de poursuivre ses sombres dessins sur le Nord qui reprend espoir. Cependant il va falloir adopter une tactique plus subtile, et le Nazgûl, Morlach ou Sorcier de Forod, va chercher à semer la discorde dans la région.

Les six scénarios sont présentés et structurés de la même façon ce qui facilite l’aperçu rapide de ce qui attend la compagnie ainsi que la prise en main. Cependant ils sont variables, aussi bien en durée (avec une mention spéciale au premier) qu’en difficulté et en intérêt. Ils sont suivis des caractéristiques du Nazgûl du Nord, l’élément utilisé pour lier les différents épisodes entre eux.

Le premier scénario, L’Aiguille d’Argent permet à la compagnie de se lancer dans l’aventure. Suite au vol d’un artefact magique à Dale, la fameuse aiguille, elle va devoir aller à la recherche d’un bandit – Longo – qui sévit dans la région depuis un certains temps, tandis que le roi Bard se morfond. Elle fera peut-être quelques rencontres musclées (ou pas) et aura une petite surprise à la fin.

Cette aventure assez linéaire ne laisse pas énormément de choix à la compagnie mais de ce fait peut être rassurante pour la Gardienne des Légendes. Quelques encadrés fournissent des éléments de contexte ou des précisions sur certains objets ou personnages, cependant il faudra sans doutes aller chercher dans le supplément (c’est un peu le but de cet ouvrage en même temps) de quoi étoffer certaines scènes. Il ne faut pas s’attendre à une succession de péripéties épiques. Le tout reste plaisant avec, il faut le noter, un rôle notable accordé à un hobbit dans une tâche particulière. Enfin certaines décisions peuvent vraiment raccourcir l’aventure et il faudra alors jongler pour éviter une fin rapide qui pourrait être frustrante. Et même en déroulant le scénario, on peut avoir l’impression que cela n’aura pas grande incidence sur le reste de la campagne. À noter cependant que le petit twist en épilogue concernant l’artefact est sympa mais n’éclipsera pas le fait que la compagnie peut se retrouver en possession d’un objet un peu délicat à gérer sans que cela soit pris en compte dans le reste de la campagne. Cela permet à la limite à la Gardienne des Légendes d’imaginer un épisode intermédiaire avant d’entamer le deuxième scénario.

Entre le Marteau et l’Enclume entraîne la compagnie au royaume des nains. À Erebor les nains sont divisés entre les partisans des traditions de la forge des Collines de Fer et le dévoiement des savoirs nains pour fabriquer des jouets, aussi sophistiqués fussent-ils. Les compagnons, après l’avoir sauvé, aideront Balin à découvrir ce qui se trame dans l’ombre et à déjouer une machination.

Cette aventure est bien plus intéressante et laisse plus de libertés aux joueurs. Certaines ficelles sont un peu grosses et le lien avec le premier scénario est plutôt ténu, un PNJ anecdotique en ce qui concerne la trame générale et un seigneur un peu plus central reviennent, mais la campagne semble commencer à décoller un peu.

La troisième aventure, Sous le Tertre, marque vraiment un tournant. La compagnie part à la recherche d’un vieil explorateur nain. On pourra trouver la justifications de la présence d’une deuxième côte de mailles d’argent dans le scénario précédent un peu grosse, mais au final cela ne reste qu’un détail. Cette recherche se transforme en chasse au trésor et fera traverser aux compagnons des territoires peu accueillants avant de devoir jouer les diplomates entre les hommes et les nains en trouvant un compromis pour le partage dudit trésor. le Sorcier de Forod entre en scène afin de mettre la pression, les combats commencent à piquer fort et les tensions sont de plus en plus palpables. Ce scénario offre un équilibre entre l’action et la diplomatie et pourra ainsi satisfaire des profils différents. On peut se demander si l’épilogue était vraiment nécessaire. Cette rencontre avec Gandalf pourrait être un élément de satisfaction supplémentaire après cette aventure éprouvante ou considérée comme inutile.

Le quatrième scénario, Laissez Dormir le Dragon qui Dort, va entraîner la compagnie dans le Désert du Nord dans un périple éprouvant pour s’occuper d’un dragon endormi, mais qui risque de se réveiller plus tôt que prévu (avec une petite adaptation des règles pour jouer l’Oeil du Dragon). Selon les choix effectués, la mission confiée par le roi Dáin fera glisser la compagnie sans doute un peu plus vers l’Ombre et sera très musclée. Les personnages devront croiser le fer avec des Nains, des Orques (ce qui fera plaisirs aux amateurs de passes d’armes) et ce parfois en très forte infériorité numérique (ils risquent d’y laisser quelques écailles) pour finir par se retrouver face à un Dragon (en espérant que là cela sera lui qui en perdra).

Cet épisode ne s’articule avec la campagne qu’au prix d’un double effort. Le premier étant de fermer les yeux sur le fait que l’aventure partage plus de liens avec le dernier scénario La Sentinelle sur la Brande, des Contes et Légendes des Terres Sauvages, qu’avec le reste de la campagne du présent ouvrage. Ainsi les personnages ne retrouveront pas de PNJ des trois précédentes aventures et le Sorcier de Forod a un peu disparu du tableau. Le second effort est de faire abstraction, selon les enchaînements d’aventure par la compagnie, de la nature du dragon présent pour faire d’un dragon de froid un dragon de feu qui de toute façon n’aura qu’un rôle limité tout le long de l’aventure. Une fois ces détails mis de côtés, ce scénario est assez équilibré en terme de proposition de jeu mais risque de sérieusement entamer la compagnie.

Autant la troisième et la quatrième aventure allaient crescendo en terme d’intensité et de proposition de jeu, autant on redescend tout de suite avec la cinquième; En Eaux Sombres. Ce scénario permettra à la compagnie de récupérer à Esgaroth, s’écartant ainsi de la trame de la campagne, s’il est joué après la confrontation au Dragon. Cependant vous pouvez vous permettre de la déplacer. Cela aura peu d’incidence puisqu’il est d’ailleurs indiqué que, même si elle se situe en 2961, l’action peut être déplace à partir de 2958. La préparation de l’inauguration d’une statue à l’effigie du roi Bard va faire remonter de vieilles querelles. Trahison, jeu politique, et rumeurs sur un croquemitaine sont la toile de fond de cette enquête qui mènera la compagnie à la recherche d’un artisan mystérieusement disparu. Les aventuriers amateurs de combat auront quand même différentes occasions de croiser le fer, avant de rencontrer le croquemitaine-Grandgousier. Cette enquête, qui sera trop linéaire pour certains, possède quelques éléments intéressants. La rencontre avec les elfes sous la ville ne demande qu’à être étoffée. La météo ainsi que les « souterrains » d’Esgaroth permettent de créer une atmosphère assez sombre. Enfin, certains PNJ ouvrent quelques perspectives. Bien sûr, ce scénario est exploitable sans grande modification, mais il nécessitera de bons ajustements afin de lui donner une place cohérente dans cette campagne.

La sixième et dernière aventure, Les Ombres du Nord, va permettre à la compagnie de conclure la campagne. Après avoir été menés sur une fausse piste qui leur feront traverser les Marches Inférieures, les compagnons devront faire face à un grand danger dans le Bois Inférieur. Sauvés in-extremis, ils vont devoir répondre de leurs actions effectuées durant toute la campagne. À l’issue de leur procès, ils devront trouver un moyen de s’échapper et de rallier Erebor afin de contrer les sombres plans du sorcier de Forod. Un final épique afin de protéger l’Arkenstone leur permettra, s’ils survivent, de connaître enfin le repos de l’aventurier.

Cette aventure a de quoi plaire à tout le monde, il y a du voyage, des combats, de la diplomatie, du Gandalf et du Balin, des combats, de la poursuite, des choix moraux, du Gandalf, des combats (non non ce n’est pas une répétition). Cependant elle sera sans doute clivante. Certains y trouveront tout ce qu’ils recherchent alors que d’autres trouveront les ficelles un peu grosses. Par deux fois la Gardienne des Légendes, si elle suit la trame proposée, sera amenée à mettre en scène un deus ex machina. Vu la tournure prise par ce scénario et les enjeux, cela peut être bienvenu ou alors être moyennement apprécié et frustrant selon les tables. La course poursuite aurait mérité de s’appuyer sur un plan ou un schéma pour mieux visualiser les multiples possibilités et éviter de tomber dans le trop linéaire. Le final qui s’ensuit est vraiment épique (trop?) et peut clore cette campagne de façon cinématographique ou tourner court selon les arbitrages de la Gardienne.

Une campagne pour tous les satisfaire ?

Clairement Le Rire des Dragons donne plus l’impression d’être un recueil de scénarios qu’une campagne. Là où le supplément Erebor : Le Mont solitaire ne sera pas suffisant, il faudra aussi créer plus de liant entre les épisodes et gérer certains détails qui ne collent pas tout le temps. Néanmoins avec ce travail ou si les aventures sont prises individuellement, elles offriront de quoi se faire plaisir autour de la table. Les amateurs de combats trouveront de quoi regretter l’option belliqueuse systématique, les amateurs d’intrigues et de diplomatie auront de quoi se satisfaire, l’atmosphère dans la région, morose, à l’image du roi Bard est bien restituée, et offrira de multiples opportunités de cumuler les points d’Ombre. Ce n’est pas le meilleur recueil d’aventures, mais pas le pire non plus avec quelques éléments originaux et la possibilité de clore cette « campagne » en choisissant une issue sombre pour coller à l’atmosphère ou plus positive afin de redonner du cœur à la compagnie avant les jours encore plus sombres qui se profilent à l’horizon. Au final seuls les Dragons se marrent encore.