Vaesen : L’horreur venue du froid [chronique VO]

Free League ne fait pas que dans du financement qui explose tous les scores avec de la grosse licence. Espérons que des succès comme Alien et The One Ring v2 leur permettront de continuer à nous proposer d’autres jeux, un peu différents, mais tout aussi intéressants à l’instar de Mörk Borg (mon petit doigt me dit que le Fix va bientôt en parler…) et bien sûr de Vaesen dont il va être question dans cet article.

Notez bien que le jeu n’existe pour le moment qu’en anglais (ou en suédois mais bon, hein…) mais sa publication en VF est prévue chez Arkhane Asylum. La traduction semble même bien avancée et, compte tenu de la récente accélération des publications chez cet éditeur, on peut l’espérer pour dans pas trop longtemps. Pour vous allécher, voyons déjà ce qu’il y a dans cette version anglaise.

Avant de rentrer dans le vif de l’horreur, laissons les yeux et les doigts parler (non ce n’est pas le titre d’un nouveau film sur une chaîne réservée aux adultes). Vaesen – Nordic Horror Roleplaying, c’est tout d’abord une couverte texturée avec juste ce qu’il faut de vernis sélectif sur le titre. Une illustration qui annonce la couleur sur le contenu avec une impression retro. La deuxième chose marquante, cette fois lorsque l’on ouvre Vaesen, est sa maquette : 234 pages de papier bouffant assez épais avec une maquette sobre et élégante, aérée avec son texte sur deux colonnes et un fond de page blanc cassé. En réalité elle suit celle du livre de Johan Egerkrans Vaesen: Spirits and Monsters of Scandinavian Folklore qui a inspiré le jeu et dont l’auteur a signé les illustrations du JdR.

Avec Vaesen, l’auteur Nils Hintze et Free League vont nous plonger dans l’histoire mystérieuse de la Scandinavie mythique (donc imaginaire) du 19e siècle à la poursuite de créatures invisibles et malfaisantes : les fameux vaesen (créatures en danois, cela tombe bien). Ces créatures ont toujours vécu avec les peuples scandinaves et les ont aidés à travers les temps dans les fermes en échange de leur pitance. La révolution industrielle, les guerres et l’exode rural ont brisé cette harmonie entre les humains et les vaesen, ces derniers sont alors devenus agressifs et assoiffés de sang alors que des phénomènes inexpliqués ont commencé à se multiplier.

Comment devient-on chasseur de vaesen ?

Les vaesen ne sont perceptibles que s’ils l’ont décidé. Mais certains humains, après un accident ou un choc, développent alors ce que l’on appelle the Sight (la Vue) et peuvent alors voir les créatures ainsi que d’autres phénomènes inexpliqués. Les personnages possèdent la Vue et forment la Société qui trouve ses quartiers dans le vieux château Gyllencreutz à Uppsala. Ils vont rechercher les vaesen à travers la Scandinavie afin de les éliminer grâce à certains rituels. Chaque aventure se voit nommée un Mystère (non ce n’est pas Scooby Doo). Cependant il y aura certains choix difficiles à faire car tous les vaesen ne sont pas maléfiques, certains ne sont que des victimes de leurs congénères.

En ce qui concerne la motorisation, pas de surprise, c’est bien sûr le Year Zeo Game Engine à base de d6 (et d66). Donc certains seront en terrain connu. Le jeu combine horreur, mystère et suspense où la violence est souvent la moins bonne option, mais c’est au meneur de placer le curseur selon sa table. La notion de groupe est importante, car les créatures rencontrées sont puissantes et les affrontements vont laisser des traces. Le jeu invitera les personnages au voyage, physique à la recherche des vaesen, mais aussi initiatique vers la connaissance et la peur.

La Société

Quelle que soit la raison qui a poussé les joueurs à chercher les vaesen, ils vont intégrer cette Société. Elle fut créée au 16e siècle, prenant différentes formes, se ramifiant, certains groupes disparaissant, d’autres poursuivant des buts différents. Aujourd’hui (au 19e siècle hein) il n’en reste plus grand-chose et les joueurs récupèrent par l’entremise de Linnea Elfeklint, qui a quitté la Société, les clefs de la bicoque qui hébergeait la branche d’Uppsala. Elle n’est pas Skippy le grand gourou mais fera office de guide, mentor ou référence pour tout ce qui concerne la Société. Les joueurs vont devoir explorer (bah oui les anciens tôliers ont oublié deux trois bricoles à l’intérieur ) et retaper le manoir (le premier jeu de rôle sponsorisé par un magasin de bricolage ?).

On retrouve ici la formule chère au système Year Zero. Le quartier général est, il faut le dire, un peu miteux et il y a donc de quoi faire. Cela tombe bien cela va servir à combler les vides entre deux Mystères. À chaque fois que le groupe retourne au château après une aventure, il peut gagner des points de développement afin d’acquérir des Améliorations (Upgrades). Elles sont de trois types : Installations (Facilities), Contacts et Personnel et fourniront des bonus aux personnages. Bien sûr qui dit améliorations dit Menaces (Threats). Ainsi, lors de l’achat d’améliorations, il faudra alors faire un lancer au risque de voir apparaître des Menaces (Threats). Elles pourront avoir une influence sur le château, sur le Mystère à venir ou s’appuyer sur le background des personnages afin de leur mettre des bâtons dans roues.

Mais où est Uppsala ?

Et bien il suffit d’une bonne loupe et de regarder la carte page 99 (allez un petit coup de pouce, c’est juste à côté de Stockholm).

Il faut avouer que cette carte du Nord Mythique est très jolie mais pas très lisible pour les personnes ayant la vue qui baisse (c’est-à-dire plus de 50 % des chroniqueurs du Fix). Pas d’inquiétude, le concept est de se créer sa propre Scandinavie du 19e siècle et en faire ce que vous voulez, historiquement ou géographiquement parlant.


Cependant pour celles et ceux qui ont besoins de repères, quelques éléments sont proposés afin de s’imprégner un peu (ce qui est le concept lorsque l’on se penche sur ce type de jeu) de la société scandinave de l’époque. Et puisque le territoire est tout de même vaste, cinq pages d’infos plus spécifiques sur Uppsala, point de départ de nombreux Mystères, vous tendent le marque page.

Les vaesen

Les 5 catégories de vaesen (changeformes, esprits naturels, esprits des morts, familiers et monstres) ont toujours côtoyé les hommes et nombre de ces créatures peuplent les mythes de Scandinavie et d’ailleurs.

Ces informations sur les vaesen sont réservées au meneur et nous éviterons donc de divulgâcher. C’est aussi l’occasion de se pencher sur leur magie et son éventuelle utilisation par les joueurs ainsi que les spécificités de combat de ces créatures. Le meneur pourra trouver aussi une galerie d’une vingtaine de vaesen toujours superbement illustrés ainsi que de quoi créer des PNJ.

En route pour l’aventure

Pas de Mystère ici (ha bah si justement), il y a de quoi concevoir vos propres aventures. 24 pages dans lesquelles sont passés en revue les différentes composantes d’un Mystère, le choix du ou des vaesen, les différents événements et oppositions et ce qui en résultera.


Bien sûr les indices, lieux et atmosphère ainsi que le timing sont aussi évoqués et quelques conseils sont données pour épicer le tout. Pour celles ou ceux qui ne se sentent pas de se lancer dans l’aventure, euh pardon la création, en route pour quelques tables qui vous permettront de générer des Mystères à la volée.


Enfin si vraiment vous ne voulez pas alors il ne vous reste plus qu’à vous lancer dans The Dance of Dreams.

Viens danseeeeeerrrrrrr !

Ce Mystère en 18 pages occupera un groupe sur deux ou trois sessions. Pour les plus pressés il est possible de le boucler en une séance en procédant à quelques ajustements indiqués en préambule. L’aventure se passe dans une auberge d’Uppsala où les personnages vont devoir résoudre un Mystère concernant un revenant réclamant vengeance. Ce scénario permet d’aborder toutes les facettes du jeu et rempli parfaitement son rôle. De plus il permettra aussi d’entrapercevoir une intrigue plus large qui sera reprise dans les prochains suppléments de vaesen.

Bon c’est bien beau mais on joue comment ?

Pour créer les personnages il faut d’abord sélectionner un archétype parmi 10 (universitaire, docteur, chasseur, officier…) ou utiliser la table aléatoire.

Ensuite le choix de l’âge du personnage permettra de définir le nombre de points à répartir dans les attributs et les compétences. Il y a quatre attributs (Physique, Precision, Logic, Empathy) avec des valeurs à déterminer entre 2 et 5, et douze compétences qui vont de 0 à 5. Vient le choix des talents (trois) correspondant au stéréotype mais il est possible d’en acquérir d’autres (même issus d’un autre archétype) durant le jeu.

Les personnages ont bien sûr du background, et il faudra alors réfléchir à la motivation qui les a poussé à rejoindre la Société. Il faut aussi définir l’événement (le trauma) qui leur a permis de développer la Vue et enfin choisir un sombre secret qui ne sera pas nécessairement en relation avec le trauma. Il faudra aussi déterminer ses relations avec les autres PJ et choisir un objet ou un souvenir (le memento) qui permettra de restaurer les états (de la rose séchée au manuscrit de famille en passant par la patte de lapin ou un testament non signé… et non il n’y a pas le bob Ricard de Dédé).

Les équipements permettront d’obtenir des bonus de dés aux tests (entre 1 et 3). Un système d’avantages (un par Mystère) permet d’ajouter un bonus de +2 sur un test de compétence en développant les compétences des personnages.

Le personnage pourra évoluer grâce aux points d’XP qu’il peut obtenir en fin de session. Il suffira de répondre à une liste de questions en rapport avec la session, les vaesen et le refuge, le fameux château. Avec cinq points d’XP il est possible d’obtenir +1 sur une compétence ou acheter un nouveau talent.

Ces bonus sont contrebalancés par les Conditions, qui correspondent à des états (3 physiques et 3 mentaux) qui vont apporter des malus aux jets dépendants des caractéristiques associées. Si le joueur décroche le jackpot (les 3 d’une catégorie) alors il est brisé (Broken) et il lui faudra des soins. Il ne pourra donc plus effectuer d’action et il écope d’une blessure.

Lorsqu’il faut effectuer un test, il suffit de lancer le nombre de dés correspondant aux valeurs additionnées d’un attribut et d’une compétence, le nombre de 6 détermine le nombre de succès face à une difficulté allant de 1 à 3. Certains tests importants loupés permettent de gentiment écoper d’une Condition, en effet il ne faut pas se louper dans certaines situations. En cas d’opposition, il suffira de comparer le nombre de succès de chaque côté et le tour est joué et, au cas où, il est possible de relancer un jet (tiens cela me dit quelque chose) en contrepartie du gain d’une Condition (ce qui calme rapidement).

Et les combats

Alors si vraiment il faut y aller et bien il faut sortir le jeu de carte (celui de mamie ira très bien) afin de déterminer l’initiative. Chaque personnage a ensuite droit à deux actions par round (une rapide et une… lente bravo), et il peut aussi esquiver, parer, agripper, lutter, fuir ou pourchasser… Enfin les réactions peuvent se jouer n’importe quand, bah oui, il ne faut pas se laisser piétiner par un vaettir. Niveau armement il ne faut pas rêver les choix sont assez limités ce n’est pas le concept du jeu.

Aïe ça pique

Selon la cause de l’état Broken, que cela soit à cause des blessures physiques ou mentales, il ne sera plus possible de bouger, ou selon, de fuir, effectuer une parade ou une esquive, mais par contre les propos sont incohérents (remarquez c’est aussi le cas de certains qui ne sont pas encore Broken). Enfin quelque soit la cause le personnage gagne une blessure critique (et hop on roule un d66 pour savoir laquelle) qu’il faudra traiter avant que la condition ne soit définitivement acquise et il faudra alors repasser par la case création de personnage. Ces blessures critiques vont accorder un défaut (pas glop) ou un pouvoir (glop) sous la forme de bonus qui pourra impacter le personnage pour le restant du Mystère si il est soigné à temps.

Bien sûr rencontrer des vaesen laisse aussi des traces même sans combat. Ainsi il faudra passer un test de Peur (Fear), qui en cas d’échec fera subir un certain nombre de Conditions mentales.

Pour soigner tout ceci et « récupérer » des Conditions, il est possible de procéder à des jets de Médecine ou d’exercer certaines activités. Ici il y a un peu de choix, cela va de la consommation d’alcool (pas bien) aux œuvres caritatives (bien) en passant par l’auto-flagellation (non non pas bien non plus) ou un petit séjour dans des établissements spécialisés.

Pas de Mystère

Le système est agréable et accessible. La filiation avec l’AdC est évidente, que cela soit au niveau de certaines mécaniques mais aussi de l’atmosphère. Cependant le setting dans cette Scandinavie imaginaire, en pleine mutation donc que vous pouvez modifier à volonté selon vos préférences, apporte une couleur intéressante qui permet vraiment de se détacher du grand ancien. La gestion du château et de la Société, qui est désormais un classique du Year Zero Game Engine, apporte un plus indéniable. Les oppositions fortement teintées de folklore, permettant de se plonger un peu plus dans cette Scandinavie mythique, apporteront aussi leur lot de choix moraux. A noter qu’il y a désormais un supplément dans la gamme : A Wicked Secret & Other Mysteries (bientôt sur Le Fix) et que vaesen est disponible depuis janvier sur Fantasy Grounds et Steam.

L’ouvrage est très agréable à lire, ponctué ici et là de comptines et autres histoires scandinaves, les illustrations sont superbes, ce qui donne vraiment envie de se lancer dans une partie de Vaesen – Nordic Horror Roleplaying.

Un grand merci au passage à Boel de chez Free League pour sa disponibilité et sa gentillesse.

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Une pensée sur “Vaesen : L’horreur venue du froid [chronique VO]

  • 27 mai 2021 à 18:45
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    Article très intéressant, bien rédigé et complet. Super agréable à lire, merci. Bon, la contrepartie, c’est que maintenant j’ai envie d’acheter le jeu…

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