Pax Elfica [chronique]

Financé en avril 2019 (date de la fin de la souscription) et sorti en mai 2020, Pax Elfica est un jeu-campagne qui est un modèle de campagne bac-à-sable. Tant sur le fond, que sur la forme. Après des gammes « Clé en main » et « Intégrales », les XII Singes montent d’un cran la qualité et la proposition ludique de leurs jeux « prêts à jouer » (à l’instar de l’excellent « Les Encagés »).

Suite à une ré-impression, le jeu est de nouveau disponible en boutique depuis cette rentrée 2021. Voyons ensemble pourquoi Pax Elfica est aussi bon.

« On n’a pas encore commencé que c’est déjà la merde ! »

L’histoire se situe dans une région reculée appelée Valspente. A la frontière de plusieurs royaumes (elfes, peuples du Nord), elle fut victime il y a quelques dizaines d’années de l’invasion d’un nécromant et de sa horde de morts-vivants. Alors que l’issue du conflit était en faveur de ce dernier, le peuple elfique sortit de sa forêt, prit part au combat et délivra la région du sombre sorcier et de son armée. Accueilli en sauveur, le peuple elfique continua d’occuper la région, et plus particulièrement la ville de Brenhaven (là où se situe l’action du jeu) et y instaura un état totalitaire. Étouffée par l’occupation elfique, la résistance se mit en place parmi les habitants de Brenhaven et des environs.

C’est dans ce contexte très tendu que les PJ devront évoluer et être acteurs du dénouement cette histoire. Car oui, qui dit campagne bac-à-sable dit joueurs et joueuses pro-actifs dans leurs choix et dans leurs actes. Mais nous y reviendrons plus tard.

Vos personnages joueurs sont employés dans l’une des deux auberges de la ville. Attitrés à divers postes (cuisinier, brasseur, intendante, …), ils devront participer à la vie et à l’essor de leur entreprise. Mais cette tâche ne représente qu’un seul arc narratif parmi les quatre que propose la campagne.

L’histoire sans fin

Sans une fin prédéfinie tout du moins. Car comme indiqué plus haut, l’issue de cette histoire dépendra des choix et des actions des PJ. L’une des intrigues est, nous l’avons vue, la gestion de l’auberge, et plus précisément, sa survie face à la concurrence. Un autre arc narratif concerne, sans surprise, la résistance. Dans ce dernier cas, plusieurs factions résistantes (ou collaboratrices) essaieront de tirer leur épingle du jeu. Que feront les joueuses et les joueurs dans ce panier de crabe ? Prendront-ils parti pour l’une de ces factions ? Ou mettront-ils en place leur propre mouvement, quitte à rentrer en conflit avec les factions déjà en place ? Il n’y a pas de « bonne décision ». Seulement celles que prendront les joueuses et les joueurs avec les conséquences qui en découleront. Bonnes ou mauvaises.

Et cette ouverture des possibles concerne toute la campagne. Ce qui nécessite aussi une bonne préparation de la part du meneur.

Une campagne en mode Lego

Pour pouvoir offrir une telle richesse scénaristique avec une telle ouverture, l’ouvrage propose une approche originale sous forme d’évènements à mettre en jeu pour faire avancer telle ou telle intrigue. Chaque arc narratif est ainsi découpé en plusieurs évènements chronologiques, dont certains optionnels.

Ces péripéties étant le cœur de la campagne, le livre met à votre disposition de nombreux outils pour vous aider à mettre toutes ces notes en musique et ainsi créer votre propre partition. Vous trouverez même un exemple d’enchaînement possible pour toutes ces « briques » constituant une campagne modèle sur laquelle vous baser si besoin.

Chacun des 4 arcs narratif est donc découpé en plusieurs briques, mais vous trouverez également pour chacun d’entre eux la liste des PNJ importants, les plans et détails de chaque lieu, les relations entre les PNJ sous forme de mindmap. Bref, tout le travail de préparation du MJ vous est ici prémâché et servi sur un plateau.

Cela fait certes beaucoup d’informations à assimiler, mais rien d’insurmontable avec un peu d’organisation et de préparation. Mais c’est vrai que préparer 4 « mini-campagnes » en parallèle – d’autant plus que vos PJ ont la liberté de partir dans tous les sens – peut intimider. Mais, encore une fois, toutes les informations et aide de jeu nécessaires sont là pour vous accompagner.

Et, cerise sur le gâteau, l’auteur a écrit un excellent scénario d’introduction. Non pas « excellent » par son intrigue, mais « excellent » parce qu’il remplit parfaitement son rôle de scénario d’introduction. Il met le pied à l’étrier, tant pour le MJ que pour les joueuses, en lançant plusieurs arcs narratifs de manière brillante.

En dehors de l’offre ludique que propose Pax Elfica, c’est aussi un exemple de jeu bac à sable pour tout ceux qui aimerai tenter l’expérience sans jamais oser se lancer. Il existe déjà de très bonnes campagnes bac-à-sable (je pense particulièrement à Coureurs d’orages et ses modules), mais leur construction minimaliste peut perdre le MJ en manque d’expérience. Pax Elfica est à l’opposé de ces jeux pour MJ expérimenté. Il vous prémâche le boulot sur TOUS les aspects. Pouvant ainsi aussi servir d’exemple pour préparer vos futures campagnes.

Aides de jeux et accessoires

Dans les 400 pages qui composent Pax Elfica, vous avez tout : présentation de l’univers, pré-tirés, 2 systèmes de jeux (5e et Clé en main), des plans, des portraits ou encore des aides de jeu. Bref, l’ouvrage se suffit à lui-même. Mais les XII Singes proposent en supplément une énorme pochette baptisée : le pack du meneur. A l’intérieur de cette dernière, vous trouverez :

  • Tous les plans de la campagne imprimés à part, et en grand
  • Un livret présentant de manière plus détaillée la région autour de Brenhaven
  • Un livret avec un scénario d’introduction et des intrigues personnelles pour chaque pré-tiré
  • Les outils et aides de jeu, inclus dans le livre de base, regroupés dans un cahier dédié.
  • Un écran

En dehors des aides de jeux et des plans imprimés, le livret « intrigues supplémentaires » est, pour moi, le plus intéressant de ce pack.

La déception, par contre, vient de l’écran. Le coté « meneur » propose des tables récapitulatives permettant de gérer l’avancement de chaque faction. Pas toujours utiles en cours de partie, il aurait été plus judicieux d’utiliser l’espace d’un panneau ou deux pour reprendre des aides de jeux pourtant présentes dans l’ouvrage, comme des phrases elfes typiques, des évènements à l’auberge ou encore une liste de sorcelet. Bref, de quoi improviser pour donner vie à l’univers.

Pax conclusion

Que dire de plus à part que Pax Elfica est un ouvrage à avoir dans sa ludothèque, à jouer ou à faire jouer.

En plus de proposer une construction exemplaire pour accompagner la meneuse dans sa préparation, la campagne offre une intrigue riche en rebondissements, en scènes épiques, en tension ou en interaction politique. Un mille-feuilles tout en nuances de gris dans lequel les PJ auront un rôle à jouer. Si vos joueurs font partie des rôlistes « frustrés » car ils ne sont pas libres d’interagir dans un univers immuable (dans Vampire ou L5A par exemple), ici, ils peuvent s’en donner à cœur joie car leur objectif est clair : faire bouger les choses et décider du devenir de Brenhaven.

J’espère que cet chronique vous fera craquer. Sincèrement, vous ne le regretterez pas.

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4 pensées sur “Pax Elfica [chronique]

  • 22 octobre 2021 à 11:42
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    Acheté à Octogones sur l’excellente réputation de la construction et structure de sa campagne ; ton avis ne fait que confirmer ce que j’avais entendu.

    Bref, il faut que je lise Pax Elfica d’urgence !

  • 27 octobre 2021 à 10:47
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    Je le maîtrise actuellement, excellente campagne. Je le conseille avec les règles clés en main et avec les prétirés (en tout cas avec leur historique qui les impliquent directement).

    Par contre, des dizaines de PNJ à retenir, il faut une bonne mémoire et un travail régulier de rappel.

    • 27 octobre 2021 à 10:51
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      J’ai commencé à la faire jouer en 5e et je regrette un peu. Si ce ressenti se confirme, je vais passer en clé en main aussi. Pour les PNJ, j’ai imprimé et collé tous les portraits sur des petites cartes bristol. Comme ça, les joueurs et joueuses visualisent vite qui est qui et ils peuvent mettre des notes derrières chaque portrait. On va voir si à long terme, ça marche 😉

  • 13 novembre 2021 à 14:36
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    Excellente campagne en effet !
    J’ai tenté de la maîtriser en associatif (+ en numérique, confinements obligent) et ça a moyennement fonctionné. J’ai surtout été débordé par le nombre de séances qui s’accumulait. Je pense que le jouer en table ouverte sera plus efficace.
    En tout cas la durée de vie est assez folle, d’autant que le côté bac à sable offre une bonne opportunité de digressions

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