Y a plus de papier ! #1 : Black Book Editions

Des fois, vous oubliez ça : nous sommes des garçons sérieux chez le Fix. Si. Et notre petit cœur de rôliste ne reste pas insensible devant le drame qui se joue sous nos yeux d’observateurs privilégiés : la crise mondiale des matières premières. A côté de celles qui nous affectent au quotidien (céréales, pétrole, gaz…) – dont nous n’oublions pas l’importance, en particulier pour les plus modestes d’entre nous – on compte aussi de graves pénuries de papier et de carton (d’après les spécialistes, le coût de la pâte à papier a augmenté d’environ 60 % entre l’été 2020 et l’été 2021). Oui, l’essence même de nos précieux livres de JdR, de nos boîtes de découverte, de nos decks de cartes et de nos fidèles écrans du MJ…

Pour tenter de trouver des réponses aux questions qui se bousculent dans notre tête dans ce contexte économique troublé, nous avons logiquement solliciter les acteurs de première ligne : les éditeurs. Quelques-uns ont accepté de répondre à notre sollicitation. Black Book Editions est l’un d’eux et c’est donc le premier acteur dont nous vous proposons les explications (par la voix de Anthony Bruno pour être précis).

1. Estimez-vous chez BBE que la crise mondiale du papier et du carton impacte en effet votre planning prévisionnel d’une façon ou d’une autre ?

Je pourrais être malin, sauter sur l’occasion et pleurnicher pour dire que oui, évidemment, et qu’on n’y est pour rien… mais il se trouve que non, notre planning n’est en réalité pas affecté à cette heure. Pourquoi ? Parce que nous sommes en lien étroit avec nos imprimeurs et que nous avons anticipé avec eux l’allongement des délais de fabrication. Du coup, sur nos projets en cours (particulièrement les précos participatives sur lesquelles nous annonçons généralement un trimestre et pas une date précise, comme East Texas University pour Savage Worlds, La Terre vivante pour Torg Eternity…), nos plannings actuels restent fiables – nous avons et allons même réussir à livrer certains produits avec un peu d’avance (par exemple Quintessence pour CO Cthulhu). Pour la suite, il faudra voir si la crise se calme et se lisse au printemps comme l’annoncent certains spécialistes, ou si elle s’installe dans la durée et s’amplifie. Possible que les délais s’allongent pour des projets à venir, mais dans ce cas, on essaiera de les anticiper quand on les annoncera.

2. Bon, rassurez-nous : vous n’avez jamais eu l’idée d’utiliser cette crise comme prétexte pour dissimuler d’autres retards de production, petits canaillous, hmmmm ?

Bien sûr qu’on a eu cette idée, comme tous les éditeurs (et tous les professionnels plus généralement, je suppose, si ce n’est que nous, on est des MJ machiavéliques en plus). Sauf qu’on n’a pas aujourd’hui de retards de production ! De toute façon, c’est une solution de facilité et on n’a pas envie de jouer à ça. Notre crédibilité chez Black Book repose sur notre fiabilité, et on préfère rester dans les bonnes habitudes prises depuis 2 ans en étant réglos sur le timing annoncé. Cette rigueur nous complique sans doute un peu la tâche, mais ça nous permet de garder un avantage sur la concurrence !

3. Allez, ne nous épargnez plus, on a besoin de savoir : est-ce que nous allons devoir payer plus chers nos produits de JdR à l’avenir ?

Soyons honnêtes : quand les coûts de l’ensemble des chaînes de production explosent (énergie, matières premières, transport), nécessairement les coûts augmentent et on va devoir se poser la question de la répercussion sur le prix final. Quand on nous annonce une rupture de plusieurs mois sur notre papier habituel et que l’alternative est 9 à 10% plus chère, que faire ? On va absorber une partie de la hausse parce qu’on veut garder des prix attractifs, et qu’on ne veut pas sacrifier la qualité. On va rogner sur notre marge mais elle n’est déjà pas dingue sur du jeu de rôle. Donc la question d’une hausse des prix en 2022 se pose, c’est sûr. D’où l’intérêt certain pour les clients d’acheter maintenant plutôt que plus tard. Cela étant, le prix unique du livre fait que vous ne paierez pas plus cher demain un livre déjà paru.

4. Les foulancements complexes qui génèrent des produits très divers comme des livres bien sûr mais aussi des cartes à jouer, écran du MJ, posters, etc. qui utilisent donc toutes sortes de papiers et de cartons différents ne sont-ils pas une des clefs du problème ?

Hmm… au contraire, je dirais. Si tu fabriques tous tes produits avec le même papier, tu te retrouves plus vite en rupture sur ce type de papier, parce que tu mets tous tes œufs dans le même panier. L’édition de JdR n’est pas un marché assez important pour déterminer ce que sont les stocks des divers types de papier commandés par un imprimeur : il est indispensable pour lui de pouvoir en proposer de nombreux types différents. Les vraies causes de la pénurie sont bien plus larges, liées aux conséquences du Covid, aux fermetures d’usines, à la hausse des coûts de l’énergie, et à la reprise économique qui provoque une surchauffe de l’économie et une inflation généralisée.

5. Et le principe même du foulancement ? Est-il encore viable dans un contexte de flou sur les prix des matières premières puisqu’il consiste à fixer le prix d’un produit des mois avant de l’imprimer sur papier ou de l’emballer dans du carton ?

Il est plus viable et nécessaire que jamais pour permettre aux éditeurs de mesurer le succès potentiel d’un projet (et donc ne pas se planter sur le volume de production), et pour faire rentrer de la tréso’ vu qu’il ne faut pas compter sur les banques. S’ils comptent évidemment dans le calcul, les coûts de fabrication et d’emballage sont loin d’être les seuls qu’il faut prendre en compte dans le coût final d’un (bon) produit de JdR, et c’est un ensemble de facteurs qui va déterminer le prix final. Tu fixes ton prix de lancement (auquel les participants précommandent un produit lors d’une campagne de préco participative) sur la base d’un pourcentage de réduction par rapport au prix définitif dans le commerce. Donc si le prix final devait être relevé pour les raisons indiquées plus haut, il sera mécaniquement répercuté lors d’une préco participative. Tout cela s’anticipe – à condition évidemment de ne pas lancer aujourd’hui des projets que tu ne vas livrer que 5 ans plus tard (hem). Aujourd’hui, nous comptons, généralement, entre 6 et 9, plus rarement 12 mois entre le lancement d’un projet et sa livraison. Ce mode de fonctionnement nous permet d’être moins dépendants des variations des prix à moyen terme.

6. Est-ce que, quelques mois après les confinements, tout ceci vous incite également à développer votre offre dématérialisée ?

Bien sûr, et c’est déjà le cas vu que l’intégralité de notre catalogue est disponible en PDF dès la sortie. Cela étant, lors des précommandes participatives, on voit bien que le gros des clients reste attaché au produit physique. Nos expériences d’offres pur-PDF dès le lancement d’une préco participative n’ont pas été concluantes, et ce n’est du coup pas notre modèle économique. En revanche, on estime avoir trouvé le bon équilibre qui satisfera tout le monde (en dehors des éternels insatisfaits) en assurant que toutes les options sont disponibles pour tout le monde : papier + PDF offert + exclus à prix réduit lors de nos « précos participatives » (foulancements), papier + PDF offert à prix normal lors de nos « précos bundle » (précos classiques), papier au prix normal et PDF vendu à part à un prix inférieur au papier lors de la commercialisation. Ainsi, personne n’est « lésé » – mais on assume le fait que si tu veux le produit avant les autres,  ça implique de choisir la version physique.

7. Bon, en tant que rédacteur du fameux planning des sorties du Fix, j’ai besoin d’un coup de main : concrètement, qu’est-ce que vous êtes sûrs de pouvoir livrer sur papier dans les prochaines semaines ?

Ahah ! L’objectif des prochaines semaines, c’est Noël, et on est dedans : on vient de livrer la boîte d’initiation Nains dans l’univers des Terres d’Arran, plusieurs produits Pathfinder (la boîte d’initiation et une aventure, la campagne Sentence d’extinction, le Bestiaire 2), le très attendu supplément Firewall pour Eclipse Phase, et l’extension Quintessence pour la boite Chroniques Oubliées Cthulhu (un vrai challenge pour l’avoir à Noël, pari tenu !).

Et en sortie de pipeline chez nos imprimeurs, à venir très vite : la gamme dark fantasy L’Ombre du Seigneur démon, le supplément Désastre sur Arivor pour L’Oeil Noir et la toute nouvelle boîte d’initiation Rôle’n Play !
Tout ça est finalisé, donc à moins d’un improbable souci détecté lors du contrôle qualité, on sera dans les temps !
LIENS :

2 pensées sur “Y a plus de papier ! #1 : Black Book Editions

  • 7 décembre 2021 à 21:24
    Permalink

    Une bonne idée de sujet, tiens. Merci à BBE d’avoir répondu et aux autres éditeurs qui voudront bien le faire.

  • 11 décembre 2021 à 16:47
    Permalink

    Il manque à l’appel un Mutants & Masterminds « avec une impression aux alentours d’octobre-novembre et livraison vers la fin de l’année 2021. » – Damien [03/03/2021 12:40]

Commentaires fermés.