Le foulancement : une histoire française (2ème partie)

On l’oublie trop souvent : la première impression papier de Di6dent (combo des #1 et #2) fut le tout premier crowdfunding du petit monde du JdR francophone. Alors, depuis cette date mémorable, on s’accorde à la Redac6on, c’est vrai, le petit privilège de jeter un regard, mi-amusé, mi-attendri et re-mi-agacé derrière sur le chemin parcouru depuis par le foulancement rôliste. Autant dire que quand Jérémie Coget nous a proposé le fruit de ce gros boulot réalisé sur les chiffres de 6 ans de CF à la française, on a bondi sur l’occasion pour vous en faire profiter. Allez, on laisse parler le maître es-foulancement, Jérémie.

Seconde partie : une analyse thématique

Proportion du nombre de souscriptions par éditeur.

1 – Black Book Editions : 16 souscriptions soit 12,5 % des souscriptions.
2 – 500 nuance de geek : 13 souscriptions soit 10,2 % des souscriptions.
3 – Ludopathes : 10 souscriptions soit 7,9 % des souscriptions.
4 – Icare : 7 souscriptions soit 5,5 %.
5 – Batrogames : 7 souscriptions soit 5,5 %.
6 – Agate : 5 souscriptions soit 3,9 %.
7 – JDR Editions : 5 souscriptions soit 3,9 %.
8 – Sans Détour : 4 souscriptions soit 3,1 %.
9 – Game Fu : 4 souscriptions soit 3,1 %
10 – Scriptarium : 4 souscriptions soit 3,1 %.
Total 58,7 % pour 10 éditeurs.

Une majorité de porteurs de projets (éditeurs, associations ou auteurs auto-édités), 28 sur 50, n’ont mené qu’un seul financement participatif. Finalement, seule une minorité passe le cap d’un deuxième projet et 10 éditeurs représentent à eux seul près de 60% des souscriptions.

Certains éditeurs vont descendre dans ce classement, comme les Ludopathes qui n’ont plus effectué de souscription depuis avril 2014 ou encore Icare (Würm, par exemple) qui a annoncé la fin de son activité.

Dans le même temps de nouveaux éditeurs actifs émergent ces dernières années : les XII Singes avec 3 projets (dont 2 en partenariat avec le Manoir du Crime) ou encore Arkhane Asylum (2 projets).

500 Nuances de Geeks et Batrogames sont deux micro-éditeurs qui utilisent depuis les débuts (2011 pour l’un et 2012 pour l’autre) les souscriptions pour financer la quasi-totalité de leurs projets. Néanmoins, les sommes récoltés sont bien loin des plus grosses souscriptions et des éditeurs ayant collectés le plus d’ €…

Répartition par éditeur des € récoltés.

1- BBE : 1 467 759 € soit 34,5 % des € récoltés.
2 – Sans Détour : 891 289 € soit 21 % des € récoltés.
3 – Agate : 321 551 € soit 7,5 % des € récoltés.
4 – Arkhane Asylum : 221 422 € soit 5 % des € récoltés.
5 – Raise Dead Editions : 142 754 € soit 3,4 % des € récoltés.
6 – AKA Games : 122 232 € soit 2,9 % des € récoltés.
7 – Ludopathes : 108 622 € soit 2,5 % des € récoltés.
8 – Matagot : 98 687 € soit 2,3 % des € récoltés.
9 – 500 nuances de geek : 95 144 € soit 2 % des € récoltés.
10 – Game Fu : 78 876 € soit 1,85 % des € récoltés.

Total : 82,95 % des € récoltés pour 10 éditeurs.

500 Nuances de Geeks, est deuxième éditeur en nombre de souscriptions : 13 au total, mais il n’arrive qu’à la 9ème place. Il est dépassé par plusieurs éditeurs ayant très peu de souscriptions à leur actif. Seul Black Book Editions conserve sa première place dans tous les cas de figure.

On s’aperçoit également qu’un petit nombre d’éditeurs collecte une écrasante majorité des €. Les 10 premiers éditeurs représentent 85,95% et les trois premiers représentent à eux seuls 64%, plus que la moitié !

Néanmoins, contrairement au nombre de souscriptions, ce classement est encore difficilement représentatif. En effet on y trouve 3 éditeurs avec une seule souscription (Raise Dead Editions, AKA Games et Matagot) et un autre avec deux souscriptions (Arkhane Asylum). Il suffirait d’une seule souscription d’un de ses éditeurs pour modifier sensiblement le classement (ce qui va arriver en 2017, puisque deux de ces trois entreprises ont annoncé d’autres financements cette année). Mis à part les 2 premiers, solidement installés, les éditeurs suivants se suivent dans un mouchoir de poche.

La prédominance des deux premiers éditeurs (Black Book Editions et Sans Détour) n’est plus a démontrer : ils représentent plus de la moitié des € récoltés (55,5%), c’est à dire plus de 2 millions d’€ de chiffre d’affaire brut !

Top 10 des souscriptions en € récoltés
1 – L’Appel de Cthulhu, V7, 402 985 €, 3766 participants
2 – Héros & Dragons, 328 626 €, 1413 participants
3 – Laelith, 202 949 €, 1031 participants
4 – Appel de Cthulhu : Contrées du Rêve, 201 140 €, 1920 participants
5 – L’Appel de Cthulhu : les 5 Supplices, 196 861 €,1485 participants
6 – Pavillon Noir, 156 691 €, 874 participants
7- Vampire l’Age des Ténèbres, 153 899 €, 2225 participants
8 – INS-MV, 142 754 €, 1 179 participants
9 – Dragons, 134 959 €, 2213 participants
10 – Symbaroum, 122 232 €, 683 participants

Ce top 10 des souscriptions vient confirmer l’importance du “déjà connu” : les licences célèbres dans le milieu du jeu ou de la culture geek sont largement favorisés par les souscripteurs.

En effet hormis Symbaroum, 10ème, nous n’avons affaire qu’à des rééditions ou suites de jeux déjà implantés : V7 de l’Appel de Ctlhulhu, 2 variantes de D&D 5 (Héros et Dragons et Dragons), INS/MV 5ème édition, Pavillon Noir deuxième édition, et Vampire l’Age des Ténèbres édition 20ème anniversaire. Ajoutons Laelith, la ville mythique développée par Black Book Editions, et nous avons tout le top 10 !

Ces souscriptions amassent des sommes considérables. Alors que la moyenne sur 127 souscriptions est de 33 398 €, on dépasse allégrement les 100 000 €, trois fois plus que la moyenne sur ces univers ! On atteint des sommets avec la septième édition de l’Appel de Cthulhu avec 402 985 € récoltés. Rien de surprenant : tout comme avant, ce type de jeux étaient bien plus vendus que d’autres. Aujourd’hui les souscriptions sont visibles par tout le monde, et pas seulement par les éditeurs.

Répartition des souscripteurs par éditeurs.

1 – Black Book Editions : 20,8 % des souscripteurs.
2 – Sans Détour : 20,5 %.
3 – Agate : 11,2 %.
4 – Arkhane Asylum : 6,3 %.
5 – 500 nuance de geek : 3,8 %.
6 – Ludopathes : 3,6 %.
7 – Raise Dead Editions : 2,8 %
8 – Scriptarium : 2,5 %.
9 – Game Fu : 2,1 %.
10 – Lapin Marteau : 2,1 %

Total : 75,7 % pour 10 éditeurs.

Au total on dénombre 41 666 souscripteurs, que l’on peut minorer par l’effet des souscriptions multiples d’Ulule. Néanmoins la plate-forme Ulule a annoncé récemment 21 000 souscripteurs différents pour le jeu de rôle (https://fr.ulule.com/newsletters/181/detail/), ce qui couplé avec les 28 536 souscriptions Ulule permet de penser que la minoration est minime.

Le top 10 du nombre de souscripteurs par éditeur se rapprochent des € récoltés par éditeurs, du moins pour les 5 premiers.

On peut aussi remarquer que la moyenne des souscripteurs par souscriptions (328) est loin d’être représentative de la majorité des financements participatifs. En effet, encore une fois les grosses souscriptions viennent tirer à la hausse cette moyenne, alors que seulement 70 % des souscriptions attirent moins de 300 souscripteurs (et près de 60% ont aussi moins de 200 participants !).

Ces chiffres viennent tempérer l’impression de réussite des souscriptions, et finalement, même si les sommes amassés représentent plusieurs dizaines de milliers d’€, le nombre de ventes est assez bas… l’augmentation du panier moyen explique ces sommes.

Paniers moyens

1 – Aka Games, 179 €
2 – Black Book Editions, 169 €
3 – Matagot, 164 €
4 – Raise Dead Editions, 121 €
5 – Sans Détour, 104 €
6 – XII singes (+ Manoir), 96 €
7 – Game Fu, 88 €
8 – Arkhane Asylum, 84 €
9 – JDR Edition, 83 €
10 – Lapin Marteau, 78 €

Sur ces six années passées, le panier moyen d’un souscripteur est de 76 €. Celui-ci n’a fait qu’augmenter d’année en année pour atteindre plus de 90 € en 2015 et 2016. Avec de telles sommes on en vient plus souvent à financer des gammes (entières ou partielles). Soit les éditeurs prévoient cela à l’origine (comme Polaris), soit ils augmentent le nombre de pages ou d’autres éléments qualitatifs et quantitatifs par le jeu des bonus débloqués.

Encore fois cela tire à la hausse la moyenne des paniers. S’il on regarde de plus près, plus de 60 % des souscriptions ne dépassent pas les 76 € et prêt de 75 % ont un panier inférieur à 100 €.

Le classement du top 10 des paniers moyens nous montre des sommes très élevées ! Le trio de tête dépasse les 160 € par souscripteur. Par contre, trois éditeurs de ce top n’ont encore qu’une seule souscription à leur actif (Aka Games, Matagot, et Raise Dead Editions). Du coup, difficile de penser que leur moyenne restera aussi élevée. Seul Black Book Editions présente un panier très élevé (169 € en moyenne) doublé d’un nombre de souscriptions important (16).

Conclusion

En 6 ans le financement participatif s’est installé dans le paysage rôliste français. 127 souscriptions ont récolté plus de 4 millions d’€. Avec plus de 40 000 souscripteurs au compteur, dont plus de 20 000 différents, cela nous permet d’entrapercevoir une portion non négligeable des rôlistes francophones. Pas moins de 50 éditeurs différents ont utilisé les souscriptions pour sortir leur projet…

Néanmoins nous n’en sommes qu’aux prémices : 2015 et 2016 représentent à elles seules près de 80 % des sommes récoltées et plus de 75 % de tous les souscripteurs. Deux éditeurs (Black Book Editions et Sans Détour) représentent 55,5 % des € récoltés (2 359 048 €), d’ailleurs Black Book Editions est le chef de file du financement participatif, le plus gros utilisateur (16 souscriptions), ayant même créé sa propre plate-forme (qu’il propose aux autres éditeurs)…

Si vous voulez allez plus loin, vous trouverez ici la totalité des chiffres récoltés par nos soins !

Jérémie Coget

PS : nous remercions tout particulièrement Jérôme Larré pour avoir donné quelques infos que nous avions ratées.

8 pensées sur “Le foulancement : une histoire française (2ème partie)

  • 4 février 2017 à 17:21
    Permalink

    Toujours intéressant, mais la prise en compte des souscripteurs est biaisée pour la plateforme Ulule: un même souscripteur peut être compté plusieurs fois s’il prend plusieurs options : pledge de base + 2 options payantes par exemple, il est compté 3x

    • 4 février 2017 à 17:46
      Permalink

      Oui c’était précisé dans l’introduction de la première partie. Néanmoins ça entre surtout en jeu lors des grosses souscriptions qui proposent des options.

  • 4 février 2017 à 17:24
    Permalink

    En tant que MJ de Knight je regrette que vous n’en parliez pas. C’est le ldb Français et original ayant fait la plus grosses soucription. Dommage.
    Sinon excellent article.

  • Ping : Financement participatif – Jeu de role : Fred Pixel partage avec les rolistes

  • 5 février 2017 à 11:21
    Permalink

    Jolie article mais il ne parle pas des retards abyssaux de certains éditeurs, ni le fait que d’autre, comme les Ludopathes, n’ont jamais livré certains de leurs produits sur Ulule. C’est bien beau le crowfunding, mais ça a ses limites. Dommage de ne monter que le bon côté.

    • 6 février 2017 à 18:30
      Permalink

      Vous avez bien raison. Cela dit, on ne peut pas vraiment dire qu’on fasse les timides quand il s’agit de brocarder les retards des livraisons de foulancement, hein. C’est juste que là ce n’était pas le sujet abordé.

  • 16 février 2017 à 16:49
    Permalink

    Autant je suis partant pour utiliser le foulancement pour les nouveaux jeux dont on peut douter de la rentabilité qu’ils soient édités en « amateur » ou par un éditeur classique autant j’ai de plus en plus l’impression qu’il sert aujourd’hui à certains éditeurs d’éviter une prise de risque même pour des jeux déjà bien installés voir pour des traductions de jeux à succès en version originale.
    J’attends le jour où un éditeur à engrangé un joli foulancement mais coule avant de sortir le produit. Il suffit de voir que c’est ce qui a quasiment coulé chaosium avec un foulancement de la 7ème édition de l’appel de cthulhu visiblement mal maîtrisé et obligé à une reprise en main par les fondateurs de la marque.
    Et je ne parle pas des jeux qui deviennent plus des objets de collection que des utilitaires pour jouer.
    Et encore sur la pérennité des nombreuses gamme de jeux qui ont été ouvertes ces dernières années. C’est bien de sortir un livre de base mais si ce n’est pas pour en suivre la gamme c’est inutile à moins de devoir faire un foulancement à chaque nouveau supplément.
    Et pourtant je me laisse souvent avoir à mettre la main dans le pot de miel !!! Surement à cause d’une certaine propension à la collectionnite aigüe.

  • Ping : Le foulancement, par Jérémie Coget – JDR Café Bordeaux

Commentaires fermés.