Une envie d’un gros kawaïens ? [chronique]

« Saleté de Kawaïens !

Cela fait maintenant 30 ans que ces créatures mi-animales, mi-élémentaire sont arrivés sur notre chère Prima. Je ne comprends pas pourquoi certains humains sympathisent avec elles. Soi-disant que leur faculté magique les aide dans leur quotidien. Foutaises ! ça les abrutit plutôt qu’autre chose…

Là ! J’en vois un au milieu de la prairie. Il est seul. Bizarre. D’habitude, ils se déplacent en bande. Tant mieux, ça me facilitera sa capture. Je sens l’excitation de la chasse monter en moi. Je vérifie juste une dernière fois que mes doses du sérum d’obéissance soient bien à portée de main. C’est le cas. Parfait. La chasse peut commencer. »

Cette situation, vous allez à coup sûr la vivre en jouant à Kawaïens. Mais, dans le jeu, vous n’êtes pas le chasseur, mais le chassé.

Kawaïens est le jeu d’un seul homme : Mickael Ryers. Disponible sur Lulu (le jeu, pas Michael), ce JdR indépendant a beaucoup fait parler de lui à sa sortie fin 2021. Et, autant le dire tout de suite, à raison. Tant dans son approche originale que dans sa mise en œuvre, Kawaïens est une réussite. Bien sûr, le thème ne plaira pas à tous les rôlistes, mais soyez juste assez curieux pour vous y intéresser un minimum, à travers cette chronique par exemple, avant de vous faire un avis définitif.

Mais Kawaïens, c’est quoi ?

Kawaïens est souvent présenté par cette phrase : « C’est un JdR dans lequel on joue des Pokemons« . Ce qui est une affirmation un peu vraie, mais surtout inexacte. Vraie, parce que – oui – on joue des créatures mi-animales, mi-élémentaires aux noms chelous qui font fortement penser à des Pokemons. D’ailleurs le jeu regorge de jeux de mots et de références à son modèle (et encore, ne connaissant pas trop cet univers, j’ai dû passer à coté de beaucoup de clins d’œil). Mais la comparaison s’arrête là. Car l’univers proposé est assez original pour se démarquer de son modèle.

Et je parle bien d’univers. Car on retrouve dans Kawaïens les « éleveurs », la notion d’évolution et une place importante des combats. Mais le monde bénéficie d’une vraie histoire. L’origine des Kawaïens, pourquoi ils sont arrivés sur Prima, a une raison d’être. Et tout cela, vous pourrez l’apprendre – en tant que joueur – à travers les 3 scénarios inclus dans l’ouvrage.

Mais présentons d’abord le monde en quelques mots : le jeu se joue sur Prima, une version très verdoyante de la terre, parsemée de villages ayant un niveau technologique proche de notre monde des années 1940. Cette planète se compose d’un seul continent – le royaume de Hume – dirigé par une impératrice qui est favorable au fait de vivre en harmonie avec les Kawaïens (ce qui va à l’encontre de la guilde des éleveurs).

Voilà pour les grandes lignes. Et tout le reste vous est décrit de manière très générale mais suffisante. L’auteur vous parle du niveau technologique de Prima, du mode de reproduction des Kawaïens, de leur place parmi les humains, ou encore comment fonctionnent les éleveurs. Beaucoup de notions sont abordées fournissant juste ce qu’il faut comme information pour que le MJ soit à l’aise dans la description de son monde, sans le noyer dans une masse d’informations à retenir. Efficace.

Le seul bémol, le seul point – pour moi – qui n’est pas très clair, c’est la taille des Kawaïens. Certes, plus votre créature évolue, plus elle gagne en volume au point, parfois, d’atteindre une taille titanesque. Autant le texte est clair, mais c’est plus les visuels qui instaurent le doute. Jugez par vous même :

Ce potentiel PJ fait vraiment la taille d’un asticot ou la branche est énorme ?

Alors que certains Kawaïens, ayant atteint leur dernière évolution, c’est clairement autre chose…

Mon Kawaïen est plus fort que le tien !

Dans un jeu où l’on incarne des monstres qui sont sensés s’affronter, forcément les combats ont une place importante dans le système de jeu. Mais avant d’en parler, il faut noter que le jeu reste bienveillant. Les principes qui régissent le monde expliquent qui les Kawaïens ont le droit d’attaquer ou pas. Ou encore qu’un Kawaïen vaincu est juste assommé mais pas mort.

Et le fait de jouer du coté des Kawaïens est un parti pris qui va aussi dans ce sens. On joue pour libérer nos compagnons et non pas pour capturer des créatures et les faire combattre entre elles. Encore un point positif pour le jeu.

Le système de règles

Le système de règle prend une place importante dans l’ouvrage. Non pas parce qu’il est dense, mais parce qu’il est bien expliqué et très détaillé.

Votre Kawaïen est défini par 4 Attributs (Corps, Esprit, Parole, Sens) dont la valeur à la création oscille entre 7 et 13. Pour réussir une action, il faudra lancer un D20 et obtenir un résultat inférieur ou égal à la valeur de cette attribut.

S’ajoutent à cela cinq compétences secondaires comme des points de concentration, à dépenser pour relancer un dé par exemple.

Ou encore des valeurs de défense ou d’esquive. Arrêtons-nous quelques instants sur ces deux dernières notions, car elles ont leur importance dans la mécanique de jeu. Tout d’abord, il faut savoir que toutes les compétences secondaires font partie des règles avancées, et par conséquent, sont optionnelles. Vous pouvez très bien faire votre première partie sans. D’ailleurs, c’est même conseillé.

Chaque Kawaïen, en tant que demi-élémentaire appartient à une « famille » (eau, feu, air, terre, lumière ou ténèbre), représentée par une icône. En plus de jouer sur vos compétences et vos types d’attaque, cette notion de famille joue aussi sur votre défense et votre esquive. Exemple : la défense d’un Kawaïen de feu ne s’applique pas contre une attaque d’un Kawaïen d’eau.

C’est une petite gymnastique de l’esprit à apprendre, mais ça évite (1) de faire des jets d’armure ou autre et (2) ça donne un coté tactique aux combats (en tant que Kawaïen de feu, je vais m’orienter vers un autre adversaire que le Kawaïen d’eau, parce que je sais que je vais m’en prendre plein).

Je ne vais pas tout vous lister ici, mais le jeu regorge de petites subtilités comme celle-ci offrant un système simple, original et efficace.

La création de personnage existe, fonctionne, mais l’auteur suggère plutôt de choisir parmi ceux proposé dans l’encyclopédie Kawaïenne (117 entrées !). On est d’accord, du coup, qu’en créant votre propre Kawaïen, vous avez ainsi de fortes chances de vous rapprocher d’un déjà existant et listé dans l’encyclopédie.

Un jeu sérieux qui ne se prend pas au sérieux

Un dernier point que je souhaite mettre en avant : l’approche très didactique du jeu. De par sa simplicité, son ambiance bon enfant qui ne se prend pas au sérieux, Kawaïens est parfait pour initier les jeunes aux JdR, comme il y en a beaucoup maintenant. Mais, chose plus rare, c’est aussi un jeu idéal pour les jeunes rôlistes qui souhaitent tenter l’expérience de meneur de jeu. Le système est simple et très bien expliqué. Le monde est clair. Et les scénarios sont très très accessibles. A tel point que je le rangerais à coté de Ryuutama dans le rayon « jeu de rôle idéal pour débuter en tant que meneur de jeu ».

Conclusion

Mickael Ryers a trouvé l’équilibre parfait entre jeu qui ne se prend pas au sérieux dans son ambiance, mais qui, en terme de livre de base, est très soigné. Système de règles, l’approche très didactique, univers et campagne (3 scénarios plus quelques synopsis) : l’ouvrage est complet.

Alors à qui s’adresse-t-il ? Aux jeunes surtout, bien évidemment. Même si son thème « Pokemon » peut refroidir certains vieux rôlistes, je ne m’étonne plus de rien depuis que des rôlistes jouent à My Little Poney RPG de leur plein gré.

Kawaïens est effectivement une bonne surprise. Un très bon jeu, en particulier si vous souhaitez faire jouer vos enfants.

Et il mérite aussi un prix exceptionnel du Fix : celui du nombre de jeux de mots par page. Au Fix, on adore les jeux de mots. Et là, on s’incline.

 

LIENS :

La boutique LULU

La boutique Drivethru

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