Petits Détectives de Monstres [critique]

Petits Détectives de Monstres est le deuxième jeu édité par les jeunes éditions de La Loutre Rôliste (après Blacksad et juste avant Hitos). Comme ces autres titres, il s’agit de la VF d’un titre espagnol tiré du copieux catalogue de NoSoloRol, prolifique et talentueux éditeur ibérique. Ce titre-là possède toutefois une caractéristique tout à fait unique : c’est un jeu dédié aux jeunes enfants.

La proposition de jeu de Petits Détectives de Monstres a le mérite de la clarté et est presque entièrement contenue dans son titre : les enfants forment une équipe de jeunes détectives chargés de résoudre les problèmes posés par toute une ribambelle de monstres gentils mais pénibles. Parmi eux, des monstres bien identifiés comme celui du placard ou celui de sous le lit. A leurs côtés, on découvre d’autres pénibles de service comme le monstre des dents sales ou celui des bruits bizarres.

Le scénario-type est volontairement très simple et très répétitif (les enfants adorent répéter ce qui leur plaît… parfois jusqu’à plus soif) : un monstre non-identifié met le souk quelque part / les enfants arrivent pour aider / ils trouvent des pistes et doivent les interpréter sans céder à la peur grandissante de la rencontre avec le monstre / ils identifient et localisent le monstre / ils le capturent ou mettent fin d’une autre façon au problème.

Côté système, c’est évidemment là aussi très, très simple. Les actions incertaines exigent un jet de 3D6 dont on gardera le résultat moyen : celui-ci doit égaler ou dépasser une difficulté exprimée de 1 à 6. Si le petit détective est dans une situation difficile (apeuré, mordu, etc.), il devra garder le résultat le plus faible des trois. A l’inverse, s’il est favorisé (notamment par la possession d’un gadget ad hoc), il conserve le meilleur résultat. Pas de calcul et une prise en compte simple et efficace de la difficulté de l’action : un système parfaitement adapté aux bambins.

De fait, Petits Détectives de Monstres est un produit rare. C’est en effet un jeu réellement dédié à la pratique du jeu de rôles avec des enfants. Il ne s’agit donc pas d’une sorte de jeu pour adultes simplifié pour convenir à des pré-ados faiblement lecteurs et/ou médiocres en calcul mental mais bel et bien d’un style de jeu adapté aux capacités des enfants en bas-âge (le jeu propose de débuter dès 3 ans, nous y reviendrons).

Cela veut dire que le jeu qui se met en place lors d’une partie de Petits Détectives de Monstres n’est pas vraiment le jeu de rôle que la plupart d’entre nous pratiquons, le JdR dit traditionnel. Ainsi, pour éviter à l’enfant de buter sur la notion de MJ à la fonction totalement séparée de celle des autres joueurs, le rôle de meneur du jeu est confié à un PJ vétéran. En pratique, l’adulte ou le grand frère/grande sœur remplit les fonctions usuelles du MJ mais est dans le même temps un des PJ de l’équipe. En général, l’enfant, habitué à être guidé dans ses jeux par un plus grand que lui (qui sait les règles, compter les points, etc.) ne s’en étonne pas et cela permet ainsi de faire face à une réelle difficulté de compréhension de ce qu’est une partie de JdR. Les auteurs n’ont pas hésité ici à puiser dans les jeux atypiques (comme Ryuutama qui donne aussi un rôle de PJ au MJ) ou expérimentaux (les story games sans MJ ou à MJ tournant) plutôt que de simplement tenter de simplifier les pratiques du JdR traditionnel.

De même, les PJ de Petits Détectives de Monstres ne sont pas vraiment des « personnages-joués ». L’univers de jeu explique joliment aux enfants que les monstres les attraperont s’ils connaissent leur véritable nom. L’enfant doit donc choisir un pseudonyme qui, ajouté à son équipement, suffit à décrire le « personnage ». On peut donc discuter du fait même de jouer un rôle dans Petits Détectives de Monstres. Clairement, l’enfant se joue lui-même. Si elle peut sembler conduire assez rapidement à une impasse (les enfants un peu plus âgés voudront sans doute créer un alter ego bien différent d’eux), cette solution est également très bien vue chez les enfants les plus jeunes qui ont assez peu les capacités d’inventer un personnage qui ne soit pas eux.

En ce qui concerne les fameux « Pex » de fin de partie, là aussi, les auteurs n’ont pas eu peur de dérouter le joueur adulte pour aller plus franchement à la rencontre des enfants sur leur propre terrain. Après une mission réussie, en effet, les détectives ne gagnent pas de niveau, de compétences en plus ou de points de vie (en fait, il n’y a rien de tout cela dans le système). Non, chaque enfant méritant gagne… une image. Un sticker en forme de médaille qui ne confère pas un +3 à telle action. Non, juste un autocollant à coller fièrement sur sa feuille de perso et qui ne sert à rien de plus. Là aussi, on devine que cela pourra frustrer les joueurs plus âgés (qui se projettent déjà dans la partie suivante) mais cela ravira à coup sûr les plus jeunes, déjà revenus de leur voyage imaginaire au pays des monstres et impatients de faire autre chose.

Enfin, et là n’est pas le moindre des mérites de Petits Détectives de Monstres, le livre lui-même a été conçu pour les enfants. Ce n’est nullement un manuel expliquant aux parents comment mener une partie. Il s’agit d’un élément du jeu lui-même. Il est indispensable de le feuilleter en cours de partie pour déterminer le monstre responsable des exactions sur lesquelles les Petits Détectives sont présentement en train d’enquêter. Les enfants devront donc, en cours de jeu, consulter le livre, magnifiquement illustré et mis en page dans le style d’un album pour enfants (et un bon !). Ils repèreront les caractéristiques du monstre, ses habitudes, les façons d’en venir à bout, etc. Comme on le constate, cette façon de jouer vient jeter le doute sur l’âge conseillé. Certes, un enfant non-lecteur pourra repérer les dessins de traces de pas ou identifier la silhouette d’un monstre entraperçu au loin. Il perd quand même tout le reste. Autant dire qu’il ne paraît pas possible de jouer à Petits Détectives de Monstres avec uniquement des enfants de 3-5 ans. Avoir dans le groupe un ou deux enfants lecteurs est indispensable pour que le livre de jeu prenne tout son sens.

Au titre des regrets, on pourra aussi s’étonner de la quasi-absence de missions prédéfinies dans le livre de base. Certes, écrire un scénario de Petits Détectives de Monstres ne demande que de noircir une page A4. Certes il existe des outils pour créer ses propres monstres. Mais cela n’aurait pas été superflu d’avoir une demi-douzaine de missions prêtes à l’emploi pour mieux cerner les spécificités du jeu (par exemple le rapport entre pistes et indicateur de peur).

Malgré ses spécificités, Petits Détectives de Monstres semble rencontrer un certain succès puisque le jeu, publié sans foulancement préalable (cela mérite d’être signalé !), est déjà épuisé et va faire l’objet d’un retirage dans les semaines à venir. Vous pouvez précommander votre exemplaire auprès de l’éditeur : http://www.petitsdetectivesdemonstres.com/

A noter que dans les pages de ce même « blog », vous pourrez aussi télécharger les indispensables fiches (de détective, de mission, de monstre, etc.) et même feuilleter un extrait du jeu au format PDF.

Bon, je vous laisse, j’entends du bruit à l’étage. Sûrement encore un coup du monstre du bazar…

2 pensées sur “Petits Détectives de Monstres [critique]

  • 6 mars 2017 à 00:03
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    merci pour la critique, j’étais très intrigué par ce jeu !

  • 4 mars 2018 à 11:17
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    Je susi quelque peu déçu par les défauts que vous avez invoqués car effectivement il est necessaire que ma fille de 4 ans connaisse par coeur chacun des monstres présent dans le livre pour qu’une enquète puisse avoir des suites logique…et il en va de m^me de chacuns des oobjets qui pourrait l’aider ! c’est un peu fouilli et plutôt mal expliqué dans le livre au point que j’ai du mal a concevoir la création d’un scénario.
    je m’attendai à des scénarios pré établie par l’auteur, des plans de maison pour chaque scénario etc … rien de tout cela et par conséquent le tout s’annonce bien laborieux… Je sais que désormais je vais avoir a utiliser photoshop pour crée les pièces et plan, lui fabriquer des cartes pour chaque objet parce qu’a 4 ans, feuilleter un livre à la recherche d’indices c’est ennuyeux et compliqué. Je précise que ma fille et moi créons des histoires d’aventure épique auquel je l’a fait participé, avec des golems, des scorpions, des araignées géantes, d’arc, de sceptre magique, de boule de feu et qu’elle est à fond ! qu’un dé 6 suffit ! J’attaque avec l’un des attribut d’un protagoniste ennemi et elle riposte en trouvant elle même une parade ( un drap magique par exemple ) elle lance le D6 ca passe ou pas … si ça passe c’est à elle d’attaquer et elle hésite pas ! Elle est à fond pendant 1H30 ! ET « schkling » et « schklang » les flêches volent dans tous les sens et vraiment sans aucun pépins, cauchemar !
    elle est inspiré par rien d’autre que par des jeux que l’on fait puisque pas d’écran pour elle ! parfois on utilise le jeu « histoire de hobbit » pour ses nombreuses cartes et ça colle à merveille !
    Je m’attendais donc à beaucoup mieux en investissant 33 euros dans un produit spécialisé qui conviendra bien mieux à des enfants de 8 ans je penses… j’aime autant dire que cet ouvrage va côtoyer pour un bon moment le monstre de la bibliothèque!
    J’espère que ce dernier appréciera la poussière …

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