God save the Queen

Et oui, nous aussi, à note tour, nous rendons hommage à la Reine. Une Reine honteusement trahie par des dizaines de personnes, partie après partie. (…) Quoi ? Diana ? Camilla ? Pas du tout ! Vous regardez trop la TV. On parle là du JdR hybride For The Queen, habilement traduit en VF par Bragelonne Games sous le nom de Pour La Reine. Or, fort de son succès public (le jeu est très accessible pour peu que vous ayez envie de raconter des histoires à plusieurs), le jeu est en train de devenir une vraie gamme chez cet éditeur, avec plusieurs déclinaisons à son actif. La cheville ouvrière de celles-ci est, le plus souvent, Nicolas LeVif, traducteur de Pour la Reine puis auteur des déclinaisons Rituels, Donjons & Siphons et le Casse de trop. Bon, apparemment, il n’y est pour rien, en revanche, sur le dernier jeu sorti, Audimat, mais cela ne nous empêche pas de lui poser quelques questions sur l’ensemble de cette gamme que tout rôliste curieux de revenir à l’essence même de ce qu’est le JdR devrait essayer au moins une fois.

 

  1. Bon, on est tous les deux bien d’accord : les jeux du type Pour la reine, ce n’est pas *vraiment* du JdR, mmmmh ?

Je vais répondre à ta question, mais je me permets d’introduire très brièvement ce que sont les jeux Descendants de For the Queen (DftQ), pour les personnes qui seraient passées à côté de ce phénomène rôliste. Il s’agit d’une famille de jeux de cartes narratifs conçus pour faciliter l’invention et l’exploration d’histoires dans différents univers de fiction.

Chez Bragelonne Games, le premier jeu a été Pour la Reine (For the Queen) d’Alex Roberts, qui tourne autour de l’escorte d’une reine. La gamme s’est ensuite enrichie de mes jeux : Rituels, qui vous propulse dans le rôle de cultistes pas toujours loyaux mais souvent psychopathes, Donjons & Siphons, une campagne électorale entre créatures du donjon chargées de l’entretien des wc et le Casse de trop, un hommage aux films de braquage comme à GTA. Audimat, le dernier sorti écrit par Nicolas Carré, a pour thème la téléréalité. Chaque jeu a ses mécaniques propres, dont une centrale qui est de piocher des cartes à tour de rôle, de répondre aux questions du point de vue de son personnage, et de créer ensemble une histoire pleine de rebondissements.

Pour revenir à ta question, je pense que chacun devrait tenter d’y jouer avant de se prononcer. Les règles de ces jeux sont hyper permissives, et j’ai autant joué en mode jeu narratif proche d’un Il était une fois qu’en une succession de scènes de RP intenses qui auraient largement leur place dans le Monde des Ténèbres. Je crois que c’est la force de ce dispositif, d’ailleurs : être assez flexible pour pouvoir convenir autant aux débutants qui n’ont jamais touché un JdR qu’aux plus expérimentés qui veulent une séance de RP sans coupure méta pour gérer les règles comme dans la plupart des JdR. 

  1. Mais pourquoi les rôlistes qui ont déjà une pile de jeux bien velus qu’ils n’utilisent pas ou pas assez voudraient investir dans ces petits decks de cartes ?

Je pense qu’investir est un bien grand mot quand on voit les tarifs de ces jeux (autour de 16€), bien loin des tarifs de certains pavés recouverts de poussière oubliés dans pas mal de bibliothèques ! Pour ce prix, on a une proposition de jeu à la fois resserrée (chaque jeu de la collection a un thème fort et des mécaniques propres) et super rentable. Je veux dire par là que c’est un produit qu’on peut sortir à n’importe quelle occasion, qui ne demande aucune préparation, qui est compris par l’immense majorité des gens, avec ou sans connaissance préalable du JdR. Bref, un parfait kit d’initiation !

Si je prends l’exemple de Rituels, en combinant des cartes Contexte et Rituel fournies, on peut partir sur des tas de scénarios d’horreur différents : spatiale, med-fan, années folles ou hippie 70s ; invocation d’entité ancienne, vie éternelle ou armée démoniaque… sont juste quelques possibilités parmi toutes celles que le jeu propose.

  1. OK mais si j’ai déjà Pour la Reine, pourquoi aurais-je besoin d’autres jeux de ce type ? C’est toujours plus ou moins le même principe, non ?

Chaque jeu correspond à un thème précis et s’applique à le renforcer et le diversifier par ses mécaniques. Par conséquent, une partie de Pour la Reine n’a rien à voir avec une partie de Donjons & Siphons. Et deux parties du Casse de trop auront un thème commun (des braqueurs et un butin), mais l’histoire créée et l’expérience de jeu seront très différentes. J’ai à mon compteur environ 50 parties de Rituels et je peux te confirmer qu’aucune n’a été identique. Je conseille donc aux personnes curieuses de choisir le thème qui les intéresse le plus, à réunir des potes et à lancer une partie sans rien lire à l’avance. Puis à en faire une deuxième pour se rendre compte de la richesse offerte par le dispositif. Puis à jouer aux autres jeux de la gamme pour découvrir d’autres sensations !

  1. Ton dernier opus qui vient de sortir, c’est donc Le casse de trop. C’est quoi ses spécificités par rapport aux trois autres de la collection For the story ?

Avec le Casse de trop j’ai voulu offrir la possibilité de jouer dans les univers des grands films de braquage. En début de partie, on choisit chacun un personnage (Cerveau de l’opération, Porte-flingues, Experte en explosif, etc.) qui va nous donner un petit guide de RP avec des indications d’atouts et de défauts. On choisit aussi le butin qu’on a dérobé. Ça peut être le coffre-fort d’un casino pour faire du Ocean’s Eleven, la libération d’un parrain de la mafia pendant un transfert de prisonniers, des documents secrets dans une ambassade, une ogive nucléaire…

Le pitch de départ rappel Usual Suspects : on a réussi notre opération, mais on s’est fait coffrer par les flics 48h après. Le jeu consistera à revivre le film de ce qui s’est passé en flashback pour découvrir les détails de l’opération et essayer de voir qui a bien pu vendre la mèche. La partie se boucle sur un dilemme du prisonnier, où chacun est invité à trahir ses associés pour alléger sa peine, et sur des épilogues qui découlent de ces possibles trahisons. Au passage, le jeu a un look inspiré de GTA qui devrait pas mal plaire aux fans !

  1. Du coup, avec le jeu d’origine et tes quatre déclinaisons, cela fait déjà 5 jeux de ce type dans la collection. Bragelonne va s’arrêter là où c’est une histoire qui est destinée à se poursuivre ?

La collection se porte plutôt bien du côté des ventes ce qui a permis l’arrivée de certains titres dans des enseignes grand public, donc il n’y a pas de raison que ça s’arrête. D’ailleurs, ça continue déjà avec une petite opération pour les fans de Pour la Reine : à partir du 5 octobre, nous lançons une opération avec Bragelonne, l’éditeur de livres. Pour l’achat de 2 titres (illustré, grand format, moyen format ou poche), un lot de cartes inédites comprenant 3 Reines (Paris des Merveilles, the Witcher et Blood Song) et 11 questions que j’ai rédigées viendront enrichir le jeu de base.

Par ailleurs, j’ai d’autres projets de jeux dans cette veine en cours de discussion avec Bragelonne Games. Et l’éditeur bosse actuellement sur d’autres jeux aux mécaniques proches, comme Alibis, un jeu de Nephtali Dahan et Maxime Deschamps pour jouer une enquête émergente depuis la découverte de la scène du crime au procès, en passant par les interrogatoires.

Bref, cette nouvelle forme de JdR commence à bien s’installer !