BBE trouve le chemin de D&D5

Oué, cela a été un peu long mais ça y est : on sait officiellement que, tels les plus purs Héros (& Dragons, bien sûr) de la nation rôliste, Black Book Editions assurera la VF et la distribution du plus connu des JdR.

Bah voilà, tout est dit, non ? Depuis que l’on sait qu’il y aura, suite à un changement de politique au sein de Wizards of the coast,  bel et bien une VF pour D&D 5, il ne pouvait en être autrement. BBE possède la notoriété, un réseau de distribution, un magazine, une équipe de traducteurs rodée (celle de Héros & Dragons donc), etc. Et puis, ainsi va l’économie : les gros (jeux) vont aux gros (éditeurs). Fin de l’histoire.

Bon, en cherchant bien, il y a quand même deux/trois petites choses originales dans cette histoire éditoriale des plus banales.

D’abord, il y a l’invraisemblable collision entre les plannings d’édition, définis avant le changement de politique de Wizards, et la situation nouvelle créée par cette annonce. En effet, Grand Ancien oblige, on ne parle pas de foulancement ou de délais interminables pour l’Ancêtre. Le manuel des joueurs se précommande dès maintenant et devrait être livré très rapidement (dans un mois ?). La suite est espérée pour cet été. Or, voici quelques mois, BBE avait lancé sa propre création autour du noyau libre de règles de D&D5 (le « SRD ») : Héros & Dragons. Grosse production francophone avec tout un enrobage autour de ce noyau dur de règles : campagne, cadre de campagne, bestiaire, recueil de scénarios, etc. Certes, les PDF viennent de sortir (une poignée de jours avant l’annonce officielle concernant D&D 5… hum) mais il reste des choses à produire et il est très vraisemblable que les souscripteurs obtiennent leurs ouvrages en dur bien après que les acheteurs de D&D5 VF puissent, eux, utiliser leurs nouveaux manuels autour de leur table de jeu. Sensation bizarre.

Comprenons-nous bien. Il ne s’agit pas ici de pointer du doigt le choix stratégique de BBE : quelle entreprise sensée refuserait d’assurer la publication du jeu le plus célèbre de tous les temps quand, semble-t-il, on la lui apporte sur un plateau d’argent (Gale Force Nine jouant les intermédiaires, pas de licence payante, etc.) ? Et de même, quelle entreprise sérieuse ne mettrait pas un petit coup de collier salvateur à un autre projet concurrent avant d’annoncer celui-ci ? Tout cela devait être fait et est bien fait.

Non, cet événement dans notre Landerneau nous fait simplement prendre conscience de cette folie (douce ?) qu’est devenu le financement continu de la publication de JdR à flux tendu à travers les diverses plate-formes de crowdfunding. Sur celles-ci, on ne vend plus des jeux mais des idées. « Cette idée est bonne, j’achète ! ». Or, mettre en vente une idée est rapide. Si c’est rapide, il faut le faire vite avant que quelqu’un de plus rapide encore (euh, Agate par exemple ?) le fasse avant nous. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec un nombre de jeux produits hallucinant sans rapport avec les besoins réels de la population rôliste francophone et soumis à des délais de production très étendus (il faut passer de l’idée de produit au produit).

Pour confirmer cette situation ubuesque, il suffit de jeter un coup d’œil au catalogue, actuel et futur de BBE. L’éditeur en noir assure donc désormais la production de D&D5 officiel, d’une sorte de D&D 5 alternatif goût jambon/camembert (Héros & Dragons), d’un produit phare dérivé de D&D 3.5 (Pathfinder), d’une création locale qui est un autre dérivé de D&D 3.5 (Chroniques Oubliées Fantasy), d’un dérivé OSR de D&D1 (Lamentations of the Flame Princess) et, pour la bonne bouche, de quelques jeux medfan avec des dragons dedans (L’Oeil Noir, Dragon, etc.). Oui, cela fait beaucoup pour un seul éditeur et on peut penser à des coupes claires dans un avenir proche (Pathfinder dont le planning est devenu soudain bien timide ?).

Enfin, pour la bonne bouche et parce que nous ne voudrions pas faillir à notre réputation de taquins, il est aussi intéressant de revenir sur la longue campagne peu amène menée par Casus Belli, le magazine publié par BBE, lors des playtests de D&D Next puis la publication de D&D 5. L’éditeur était alors sans doute à des années-lumière d’imaginer qu’il serait amené à publier lui-même le principal concurrent de son produit phare, Pathfinder (qui aurait pu l’imaginer ?). C’était donc un temps où on pouvait par exemple lire dans le #11 (septembre/octobre 2014) sous la plume de Damien Coltice, un des boss de BBE :

En terme de simplicité et de fun, Chroniques Oubliées Fantasy me paraît à la fois plus simple, plus fun et, surtout, plus équilibré que D&D5 où de nombreux bugs apparaissent (…) il y a bien des raisons de ne pas être très enthousiaste, surtout, si, comme moi, vous appréciez la richesse de la 3.5, de vos règles maison et de Pathfinder.

Comment on dit déjà dans la langue de Casus Belli, déjà ?

Ah oui : tempus fugit…

2 pensées sur “BBE trouve le chemin de D&D5

  • 22 mars 2017 à 11:14
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    Très bonne article qui résume bien la situation.

  • 22 mars 2017 à 12:29
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    Bonjour,
    J’aurais juste une remarque, Casus Belli a donné son avis, comme d’habitude, sans logique éditoriale liée à la politique éditoriale de BBE. On sait, c’est pas courant dans le monde d’aujourd’hui où i faut trouver un truc piquant à dire même si c’est pas vraiment vrai, mais nous sommes comme ça chez BBE et Casus. 😉
    Regardons les faits : le Playtest de D&D Next a commencé par être décrit comme très enthousiasmant, avant de devenir un peu n’importe quoi sur la fin (relisez le mag). Tout cela était lié au contenu, pas au positionnement de BBE.
    Ensuite, la critique principale de D&D5 a jugé le jeu excellent à un moment où ce n’était pas forcément bon pour BBE et Pathfinder par exemple, donc là encore, ce n’était pas lié au positionnement de BBE. L’encart dont est tiré ma remarque se voulait un second avis argumenté correspondant au profil de joueur que je représente et qui continuera de préférer Pathfinder à D&D à mon sens. Là encore, ce contrepoint me paraît toujours représenté cette catégorie de joueur, il n’y a rien à renier de ce côté là.
    Enfin, le suivi a bénéficié de bonnes critiques quand c’était mérité (Out of the abyss) et de moins bonne quand c’était mérité (Tiamat). Là encore, ce n’est pas spécialement lié à la politique de BBE, qui va sans doute être obligé de sortir des choses jugées super dans Casus et d’autres jugées pas terribles dans Casus.
    Merci pour l’article du Fix en tous les cas !

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