Orages au désespoir ?

Non, a priori pas. Au contraire, même : le chef de file des Coureurs d’Orages, Jean-Baptise « Islayre d’Argolh » Durand nous a eu tout l’air en pleine forme et plutôt fier d’avoir réussi après un long travail d’ajustements à publier son jeu idéal chez Chibi. Cela dit, ne jurons de rien. Comme vous le savez, 10 mn avec notre meilleur (??) intervieweur peuvent vite virer au cauchemar.

1. Tu présentes Coureurs d’Orages comme un jeu minimaliste. Et c’est vrai qu’il ne fait qu’une soixantaine de pages petit format. Pourtant, il prend pour base Searchers of the unknown de Nicolas Dessaux qui faisait… une page. Oh, c’est quoi cette escroquerie-là !?

En fait je me suis rapidement rendu compte que ce n’est pas en sortant des jeux en une page que j’allais me payer un coupé SP sport pour impressionner les geekettes en convention… À partir de là j’ai décidé de rajouter 59 pages totalement inutiles pour pouvoir augmenter le prix du jeu et me faire de la tune.

Plus sérieusement, tu devrais essayer de faire une partie de Searchers of the unknown avec uniquement les règles en une page, tu vas rapidement te rendre compte d’un problème : en réalité SotU n’est utilisable qu’accompagné d’un module D&D de l’ancienne école, genre le B2 the keep on the borderlands ou, bien évidemment, le B1 in search of the unknown dont le jeu tire son nom. Autrement dit, pour que SotU soit réellement jouable il faut une page de règles + trente-deux pages de module… Ça ne fait toujours pas 62 pages, je te l’accorde bien volontiers, mais la comparaison est moins en la défaveur de mon travail !

Coureurs d’Orages est un vrai tout-en-un avec les règles, le bestiaire, des conseils et un module : il suffit d’avoir le bouquin et une bourse de dés bizarres pour pouvoir se programmer quelques belles séances de jeu.

2. Dans ton jeu, il y a beaucoup de passages « notes d’intention ». En fait, tu rêvais d’écrire un ouvrage de jeuderôlogie, c’est ça ?

Non vraiment pas ! Et je t’avoue que toutes ces notes m’ont été un peu imposées par l’équipe de relecteurs et de playtesteurs… Je me suis réveillé un matin avec une tête de cheval mort dans mon lit et une note cryptique du genre « explique mieux ton jeu, gros naze ». J’ai préféré m’exécuter, ne serait-ce que pour faire baisser mes notes de teinturerie.

3. Quand même. Ces passages sont très fréquents et alourdissent fatalement le texte : ce n’est pas un peu antinomique avec l’ambition d’un jeu minimaliste ?

En toute franchise, quand j’ai vu la taille du texte exploser à cause de ces fameuses notes j’ai eu l’impression de tuer mon projet ! Au final, CdO reste un D&D complet parmi les plus courts du marché (j’aime le comparer à la version originale d’Into the Odd, qui fait 48 pages avec tout ce qu’il faut s’amuser) et ces notes sont plébiscitées dans les quelques critiques que j’ai pu lire. Il faut croire que le reste de l’équipe a eu raison de me mettre la pression… Du reste ce n’est pas le seul point sur lequel j’ai mis de l’eau dans mon vin suite aux remarques des relecteurs, toujours pour le bien du jeu, alors j’en profite pour remercier une nouvelle fois la dream team Coureurs d’Orages.

4. Tu as précédemment publié La Cité Sans Nom avec Le Grümph aux illustrations. Là, tu publies chez LG (Chibi) et encore avec lui aux illus et à la maquette. Tu ne peux pas te passer de lui, en fait ?

Je m’en suis rendu compte aussi ! C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier en m’invitant sur l’écriture du bestiaire et de la deuxième édition du dK system en 2008 et depuis je traîne toujours dans son sillage, le sollicitant pour mes projets les plus importants. Pour Coureurs d’Orages j’ai décidé d’accepter mon statut de sidekick et de publier directement sur son label Chibi : c’est un peu un retour à la maison ! J’ai d’ailleurs bien fait puisque sur ce projet il est passé en mode super-sayan pour les illustrations : c’est, à mon humble avis, une de ses meilleures séries de dessins et le rendu final dépasse mes espérances.

5. Dragon de Poche, Pits & Perils, Diceless Dungeons… rien que chez Chibi, il y a pas mal de jeux medfan au format court qui semblent faire le même job que Coureurs d’Orages. Pourquoi c’est le tien que je dois choisir ?

De mon point de vue Dragon de Poche et Pits & Perils (je ne connais pas Diceless dungeons) sont des jeux de rôle au format poche, pas des jeux de rôles de poche. Ce que je veux dire par là, c’est que j’ai conçu Coureurs d’Orages pour qu’il soit le plus court, le plus ramassé possible : c’est avant tout un exercice d’épure et pour ce faire j’ai sacrifié pas mal de vaches sacrées. Un jeu de poche, tel que je le conçois, doit pouvoir être lu et utilisé à son plein potentiel en moins d’une heure. Pour autant il ne s’agit pas d’un one shot ou d’un burst : c’est un jeu complet, adapté aux campagnes et avec un vrai potentiel de rejouabilité au fil des mois et des années.

J’ai mis deux ans à l’écrire pour essayer de trouver la meilleure balance possible entre simplicité et potentiel de jeu, je ne compte plus le nombre de versions de travail que les relecteurs ont dû se fader : ça n’a pas été simple.

Le jeu a été largement playtesté, pas uniquement à ma table, et je peux affirmer qu’il est mécaniquement irréprochable. À partir de là il faut aussi reconnaître que ce n’est pas le jeu de tout le monde : il faut aimer voyager léger.

6. Tu as un programme de publication de suppléments jusqu’en… 2019. Tu te prends pour BBE ou quoi ?

Je me prends surtout pour un mec qui travaille très lentement ! J’ai l’écriture laborieuse alors je préfère annoncer tout de suite la couleur : Coureurs d’Orages sera le point de départ d’une gamme complète, toujours dans la dynamique du jeu de poche, mais ne soyez pas trop pressés ! Je me laisse un an pour écrire chaque « gros » » supplément à venir et comme j’en ai deux dans les tuyaux ça nous renvoie à octobre 2019 pour le deuxième… Ceci dit j’espère que les lecteurs verront aussi ça sous l’angle de la qualité : les règles optionnelles supplémentaires qui seront présentées dans Coureurs d’Arcanes, le deuxième supplément en question, ont déjà commencé à être playtestées ! Mais l’équipe autour du jeu est très motivée pour occuper un peu le terrain entre chaque mois d’octobre et nous allons essayer de vous proposer régulièrement des modules de jeu sur le même format que le module du livre de base. De quoi patienter confortablement.

7. D’ailleurs, tu considères CdO comme un accomplissement en tant que créateur de jeu ou bien tu as d’autres projets ? Pour dans 4 ans.

Les deux mon capitaine ! Avec la Cité sans Nom j’ai essayé de concrétiser pas mal de mes théories sur l’écriture d’un univers de jeu, Coureurs d’Orages c’est ma synthèse personnelle d’années de réflexion sur le d20 et D&D… Dans les deux cas, j’ai l’impression d’avoir dit ce que j’avais à dire. Mais de nos jours, des D&D-like il y en a plus d’une centaine en circulation… Même si je suis convaincu du sérieux de mon travail au niveau du design du jeu, CdO n’est jamais qu’un tout petit poisson dans une marre bondée. Si je veux que le jeu se distingue, il faut que je le fasse entrer dans le cercle beaucoup plus restreint des « presque D&D » ayant un suivi de qualité sur le long terme. Voila donc mon projet : continuer à faire vivre CdO sur les années à venir, en faire un rendez-vous ludique notable pour ceux qui aiment Donj’ sous toutes ses formes.

 

Liens :

http://legrumph.org/Terrier/?Chibi/Coureurs-d%27Orages

http://www.lulu.com/shop/john-gr%C3%BCmph/coureurs-dorages/paperback/product-23365817.html

 

Une pensée sur “Orages au désespoir ?

  • 22 novembre 2017 à 21:30
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    Le meilleur de l’OSR depuis la sortie du biotifoule La Lune et Douze Lotus, foncez !

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