Titre obscur, ligne claire

Aaaah, ça faisait un moment qu’on n’avait pas eu un petit Chibi, non ?

Enfin, un moment… 2/3 mois, en fait depuis le recueil de plans modulables De Chorographia. En temps de Le Grümph, oui, ça faisait un moment. En temps du commun des mortels, c’était avant-hier, en fait.

La livraison de cette fin d’hiver porte un nom plutôt bizarre : Aux seuils d’Abysses très-anciens, traduction maison du titre original du jeu de Olde House Rules, Stalkers of the Elder Dark. Jolie tentative de faire plus long que Le métal froid des anneaux de Cerbère mais, pas de chance, le défi échoue à 2/3 caractères près.


Bon, OK, mais c’est quoi, en fait ? Le titre n’est pas limpide, la couverture est très sobre et les jeux OSR de Olde House Rules pas très connus par chez nous. Un pitch s’impose :

Horreurs cosmiques pour une sword & sorcery moderne…

Et si, face à l’horreur cosmique qui envahit les années 20, tout n’était pas perdu d’avance… Et si une bande d’aventuriers intrépides se dressait pour botter les fesses aux xénoïdes indicibles qui rôdent aux frontières de la réalité !

Bref, c’est une sorte d’Appel de Cthulhu ultra-simple avec des préceptes OSR qui tiennent en une soixantaine de pages aérées. L’idée est clairement de pouvoir se lancer illico dans des aventures à la Lovecraft pulpisées sans avoir à se taper les bouquins de la pantagruélique 7ème édition du jeu.

Outre des règles très simples (2D6, difficulté 7, pas de jet pour toucher en attaque mais directement les dégâts, etc.), le jeu se paye même le luxe de décrire une cosmologie spécifique avec ses dieux abominables, ouvrages impies, etc. Bon. OK, c’est compatible avec le background de Blood of Pangea et The Opherian Scrolls (des mêmes auteurs et à paraître chez Chibi) mais à l’heure où Lovecraft est tombé dans le domaine public et où 90 % des joueurs de JdR ont déjà entendu parler de Azatoth et du Nécronomicon, l’utilité de les remplacer par des ersatz ne saute pas franchement aux yeux.

Ce qui, par contre, ne manque pas de sauter aux yeux, c’est la beauté formelle de l’ouvrage. Comme à son habitude, LG illustre lui-même et avec grande générosité l’ouvrage. Pour l’occasion, il a eu l’excellente idée de mâtiner sa touche habituelle d’une grosse louche d’inspiration Tintin ou Blake et Mortimer. C’est original, très évocateur et surtout parfaitement adapté à la proposition de jeu pulp.

Générosité toujours. Le jeu est à peine sorti que LG propose sur son site perso des compléments gratuits à télécharger : des règles de création de personnage alternatives, une gestion de courses-poursuite ainsi que 100 portraits de figurants. C’est si bon qu’on se demande bien pourquoi cela n’a pas été intégré dans le jeu lui-même (refus des auteurs ?).

Chibi ne semble en tout cas pas se lasser des jeux Olde House Rules : Blood of Pangea et The Opherian Scrolls sont traduits tous les deux et n’attendent plus que Retrospace pour une édition commune en un seul volume. Annoncé pour le printemps.

Comme d’habitude, c’est en PDF ou en POD sur Lulu et à vil prix ici : http://www.lulu.com/spotlight/ChibiLG

6 pensées sur “Titre obscur, ligne claire

  • 10 mars 2018 à 11:34
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    A propos de l’utilité d’une cosmogonie alternative… (pas d’un ersatz) – l’humble avis du traducteur :
    Si, effectivement, le mythe de Cthlhu est tombé dans le domaine public, le tout et n’importe quoi le concernant aussi. On le bouffe à toutes les sauces. Mais, entre les ultra-puristes (façon djihad tolkiennien) et les pantalonades mal digérées, sans compter tout ce qui n’est pas encore dans le domaine public, c’est un salmigondis bien embêtant à démêler quand, justement, on n’est pas un spécialiste. Ce qui est mon cas. Le mythe de Cthlhu jidéresque m’est indifférent. J’en aime l’ambiance mais pas les détails. Pour prendre l’affaire d’un autre côté, personne ne reproche à Mignola d’avoir sa propre approche dans Hellboy.
    Je trouve beaucoup plus facile d’avoir cette nouvelle cosmologie, qui ressemble mais qui n’est pas. Plus facile pour improviser, plus facile pour insérer du matos sword&sorcery (avec la lointaine Pangée, des démons, des atlantes et tout ce qu’on veut en plus de quelques très anciens bine définis). A ma table, je me sens bien plus libre et léger – d’autant que j’ai pas envie de me taper par coeur les 700 pages du Monstrum Malleficorum ou équivalent.
    Nan, vraiment, c’est pas la première fois qu’on reproche à ASATA d’avoir une « cosmogonie de pacotille », mais je trouve que c’est un mauvais procès. ASATA n’est pas l’Appel de Cthulhu, ni dans son ambiance profonde, ni dans son approche. On n’est pas là pour témoigner du naufrage de l’humanité face à l’inéluctable tout en devenant fou. Aucune raison donc de jouer avec le mythe lui-même, qui est devenu un cadre formel rigide et aussi chiant que la zombie fashion.
    Pour finir, comment vraiment surprendre ses joueuses si on leur sort, encore une fois, les mêmes trucs éculés ? Je préfère improviser de nouvelles créatures, de nouvelles menaces, que d’avoir des regards outrés genre « Ouais, mais les Chiens de Tindalos, ils ont pas ces pouvoirs là. »

    • 11 mars 2018 à 10:05
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      Merci, LG, pour cet avis argumenté. Je comprends mieux, en effet.

      • 14 mars 2018 à 19:01
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        Bonjour à tous,
        Merci de la précision en effet. Pourtant je rejoins Narbeuh. Je suis sorti de ma lecture quand j’ai pu lire les Anciens qui rappelle que le jeu est en fait une déclinaison du genre et dont les noms font pastiche à la Weird Tales. A les lire on cherche à qui ils ressemblent et les joueurs feront de même je pense. Le jeu s’adresse à des connaisseurs/euses du Mythe et ils trouveront leur bonheur avec ce qui existe. C’est le seul reproche de ce jeu que je trouve au demeurant excellent (notamment la section sur les talents que l’on regrette de ne pas voir incluses dans les règles) . Une petite perle.

  • 16 mars 2018 à 13:00
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    Toujours sur la cosmogonie alternative… je suis 100% sensible aux arguments du Grümph. En fait, j’adore Lovecraft et j’ai toujours trouvé l’Appel de Cthulhu, malgré ses qualités, beaucoup trop détaillé. Pourquoi? Une des grandes trouvailles littéraires de Lovecraft est l’imprécision. L’indicible. Un monstre détaillé dans un Manuel avec des caractéristiques définies, c’est une démarche anti-lovecraftienne au possible. Je ne connais pas encore ASATA, mais il me semble que la règle n° 1 quand on veut faire du Lovecraft-like sur table, ce n’est pas de multiplier les références à Cthulhu et Yog-Sothoth mais donner à voir et ressentir des horreurs sans origine connue ni explication sensée. Rien à faire que les chiens de Tindalos aient 23 points de vie, je veux de l’horreur non récurrente. Un jeu comme Lamentations of the Flame Princess, par exemple, avec ses conseils sur les monstres uniques et l’absence (ou presque) de bestiaire participe de cette démarche que je trouve plus proche de Lovecraft que beaucoup d’autres.
    Maintenant, la ligne claire par-dessus tout ça, c’est intéressant aussi (et très beau).

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