Itras By the book

Ah, ça, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on aura eu le loisir de l’attendre celui-là ! Annoncé très précocement en compagnie d’autres projets fantômes par les vétilleux helvètes de 2D Sans Faces, le jeu Itras By aura donc mis de longs mois (années ?) avant de se matérialiser sous forme de livre physique.

Mais, ça y est, fin de l’attente. Il faut se rendre à l’évidence : le livre est là. Et même bien là. C’est en effet un magnifique ouvrage avec reliure solide, papier épais, vernis sélectif sur la couvrante et tout le toutim que l’on peut désormais tenir entre ses mains et acheter dans toutes les bonnes boutiques.

Pour mémoire, Itras By — « La ville d’Itra » en norvégien — est un jeu écrit par deux auteurs norvégiens, Ole Peder Giæver et Martin Bull Gudmunsen. Il se présente comme un jeu surréaliste (oui, oui, bel et bien inspiré du courant littéraire et artistique, pas comme votre collègue de bureau qui emploie tout le temps ce terme à la place de « irréel ») où l’action se déroule entre rêve et réalité. Très intrigués, nous vous avons déjà largement parlé de ce sujet, dans les pages de Di6dent ou sur le Fix :

http://lefix.di6dent.fr/archives/4402

Le mot de livre convient ici pleinement. Nous ne somme spas dans un manuel de règles mais bel et bien dans une œuvre de fiction à lire et à découvrir comme telle. Ainsi, Itras By s’ouvre sur une bonne centaine de pages de description de la ville éponyme présentée de façon pointilliste à travers des quartiers, lieux, PNJ, etc. Parfois, de petits encarts façon extraits de presse écrite viennent ajouter au flou ambiant entre rêve et réalité tangible.

Au final, seule une chronologie d’une page et une carte des plus imprécises offrent des outils d’appréhension globale du sujet.

Mais, attention, que l’on ne s’y trompe pas ! Ici, cette présentation littéraire est voulue et calculée avec mesure. Il s’agit d’immerger le lecteur dans l’ambiance du jeu bien plus que de lui donner du matériel utilisable directement en jeu.

Surtout, chose rare (unique ?), le texte est émaillé dans ses marges d’exercices à destination du MJ. Oui, oui, vous avez bien lu : des exercices. Conscients de la difficulté d’utiliser tel quel le matériel fourni, les auteurs proposent donc une série de petits trucs et astuces – parfois assez radicaux – pour s’approprier le contenu de ces 100 pages. Exemples : un passage vous fait tiquer ? Prenez un marqueur et barrez-le ! Vous ressentez quelque chose de fort à la lecture d’un lieu qui vous intrigue ? Détruisez-le et faîtes démarrer le prochain scénario sur ses ruines fumantes ! Etc.

Les conseils sont parfois plus de l’ordre de la farce provocatrice qu’autre chose (écrivez dans les marges, agrafez des trucs, etc.) et cela nuit à leur prise au sérieux. C’est dommage car cela ouvre des pistes très intéressantes sur la relation entre le MJ et son livre de règles et sur un problème commun à bien des jeux : comment s’approprier réellement le contexte exposé ?

Après cette partie littéraire, le jeu reprend ses droits avec un passage sur la création de PJ (y compris avec quelques exemples que l’on peut considérer comme des « prétirés » si cela a un sens dans ce jeu fort peu calculatoire) puis sur des conseils adressés aux joueurs. Là aussi, c’est joliment rare et peut inspirer pour tout autre jeu : pourquoi les MJ seraient les seuls à avoir besoin de conseils ?!

La mécanique de résolution est expédiée en 8 pages. Elle est suivie de nouveaux conseils, plus traditionnels ceux-ci, adressés aux MJ et/ou scénaristes cherchant à émuler l’esprit surréaliste du jeu. Classiquement, le livre se termine par deux scénarios complets qui occupent une quarantaine de pages.

Le tout est présenté dans une forme impeccable dans une sobre quadrichromie émaillée de dessins originaux et bien dans le ton.

La cerise sur le gâteau ? Il faut se rappeler que ce bel objet a été produit sans recourir au foulancement. C’est suffisamment rare pour être souligné. Bravo à 2D Sans Faces.

(…)

Bon, vous ne sentez pas poindre la chougne malgré tout, si ?

Si vous vous rappelez de notre article sur Mutant : Year Zero, on est là devant le même constat mi-figue, mi-raisin. Itras By dispose d’un système de jeu à base de cartes. Alors, bien sûr, ces cartes sont reproduites en fin d’ouvrage ou disponibles en PDF sur le site de l’éditeur et peuvent donc assez facilement être photocopiées sur du papier fort. Mais, avouons-le : ce n’est pas tout à fait pareil que de manipuler des belles cartes vernies.

Ces cartes existent. En anglais. On trouve facilement sur le web des decks d’une bonne cinquantaine de cartes format poker pour moins de 10 dollars. Hélas, la version francophone n’existe pas.

Mmmmh, ça aurait tellement fait un chouette bonus dans une campagne de foulancement, pas vrai ?

Du coup, on en vient à espérer l’organisation d’un crowdfunding permettant de financer ce deck, la VF du supplément La Ménagerie voire d’un écran du MJ inédit pour soutenir un jeu publié sans crowdfunding. Surréaliste, non ?

2 pensées sur “Itras By the book

Commentaires fermés.