Mordiou!

Note : cette chronique a été réalisée à partir du PDF du jeu.

Mordiou! est la dernière production de la prolifique maison Chibi. Poursuivant ses productions de jeux minimalistes (Nanochrome, Dragon de Poche, White Lies, etc….), Chibi s’attaque à présent à un nouveau « genre », les aventures de capes et d’épées.

Mordiou! se présente sous la forme d’un livret souple de 140 pages au format A5, illustré, et entièrement en noir et blanc. La maquette aérée en rend la lecture facile et agréable.

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Niveau Jeu, Mordiou! est un jeu « Historique » sans « fantaisy »,  l’auteur déstabilise donc dès le début le lecteur en faisant un pari atypique pour un jeu « historique », celui de ne pas se conformer à l’Histoire du tout. Il délaisse volontairement la réalité historique au profit d’une réalité qu’il qualifie lui-même « d’archétypale ». Ainsi les détails de l’Histoire sont abandonnés au profit des grandes références historiques ou romanesques « communes ». Les personnages historiques, sont, eux fusionnés, pour devenir des PNJ archétypaux, comme Le Roi, La Reine ou Le Cardinal. Ce choix, qui peut paraître tout d’abord choquant, se révèle ensuite être une des vraies bonnes idées de Mordiou!. En effet il ne reste au final que les « références » historiques qui font le charme du style cape et d’épée sans se prendre la tête sur telle ou telle dates ou événements. La fusion des personnages, elle, permet de ne retenir que ce qu’il y a de plus intéressant niveau jeu, dans chaque souverain par exemple, pour ne garder au final, qu’un Roi, qui sera la synthèse de toutes les accroches scénaristiques que peuvent apporter à la fois Louis XIII et Louis XIV.

Bien sur rien n’empêche les fans d’Histoire de jouer sur une base plus réaliste tout en conservant le système de jeu qui est complètement distinct du choix éditorial. Mais Mordiou! a surtout l’intérêt de ne pas intimider les MJ qui ne se sentiraient pas à l’aise avec les ambiances historiques soit par le travail que cela demande, soit par peur d’être contredit par un joueur qui maîtriserait plus qu’eux une époque ou un sujet.

La création du personnage quant à elle est très simple. Il est défini par quatre grands aspects descriptifs (rang, combat, social, défaut)  qui peuvent être choisis ou tiré au sort, et quatre adjectifs librement choisis par le joueur qui sont censé « résumer » ces aspects. Le joueur répartit ensuite quelques bonus (entre 0 et +3) dans six styles qui interviendront lors des jets de dés, et voilà c’est terminé. Le jeu ne tient absolument pas compte de l’équipement ou des possessions matérielles, il n’est pas non plus prévu de progression des personnages à base de XP comme c’est généralement la norme. L’auteur conseille plutôt de faire régulièrement le bilan et de faire évoluer les alliés et soutiens des personnages, car le jeu se veut clairement politique et complotiste, et un protecteur à la cour aura  clairement plus de valeur qu’une bonne paire de pistolets.

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Le système de jeu, à l’exception des combats sur lesquels je reviendrai plus tard, est tout aussi simple et une poignée de D6 suffira à simuler toutes les actions et interactions entreprises par les personnages.

Concernant les combats, nombreux sont les systèmes qui ont tenté de traduire ludiquement toutes les possibilités qu’offre un combat d’escrimeurs, et nombreux sont ceux qui s’y sont cassé les dents.  Malheureusement, pour moi, Mordiou! ne fait pas exception. Alors que l’auteur à clairement fait le choix d’un système de jeu ultra-lights, teinté de narrativisme, les combats eux semblent en comparaison relativement complexes. Ils introduisent de nombreux éléments supplémentaires  au système afin de tenter de couvrir toutes les situations que l’on peut rencontrer dans de tels affrontements.

Au final ce système hybride risque de ne satisfaire ni les simulationnistes, ni les narrativistes, tant il comporte de détails qui alourdissent le système général sans totalement, me semble-t-il, apporter des garanties en terme de réalisme.

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Malgré le choix audacieux de se déconnecter de la réalité historique et la taille réduite de l’ouvrage, l’auteur n’a pas négligé pour autant « l’ambiance » du grand siècle et les informations sur Paris (cadre principal du jeu) permettant ainsi aux MJ d’avoir à leur disposition de nombreux éléments immersifs afin de renforcer  « le décor » de leurs aventures. Comme mentionné plutôt, le jeu propose aussi de nombreuses accroches d’histoires, et de complots, toutes centrées autour des nombreux PNJ principaux, permettant d’explorer toutes les intrigues de l’époque.

Enfin l’ouvrage dispose de quatre synopsis détaillés d’aventures quasiment prêtes à l’emploi qui explorent différents aspects de l’époque et qui devraient permettre aux MJ les moins préparés d’improviser une partie sur le pouce.

En conclusion, bien que pas  complètement convaincu par le système de combat je ne saurais que trop recommander l’achat de Mordiou!, un jeu minimaliste mais certainement pas un « petit jeu ».  Il s’adressera plus à ceux pour qui le cadre de jeu compte plus que les règles. Mais comme ses prédécesseurs chez Chibi, il apportera  surtout aux fans d’une époque un cadre de règle léger à apprendre et à maîtriser. Il pourrait même donner de bonnes idées de jeu ou de scénarios à ceux, qui comme moi, ont choisi pour cette époque d’autres règles. A 6€ ou 12€ (le PDF ou le livre sur Lulu.com) ce serait vraiment dommage de s’en passer.

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