Stellamaris garde le cap

Nous vous en parlions il y a quelques temps dans le Fix. Stellamaris est un nouvel acteur dans le petit monde de l’édition du jdr francophone. Ils affichent un planning ambitieux qui intrigue par sa diversité et sa créativité. Cela valait bien une rencontre avec Michel Chevalier, le capitaine de ce fier vaisseau.

 Michel, tu dis avoir découvert le jdr en 2008… sérieusement ? Comment on fait pour tomber sur du jdr en 2008 ? Le hasard ?

Ce sont mes enfants qui ont découvert le jeu de rôles à l’adolescence et qui m’y ont initié une fois devenus adultes… et qui m’ont passé le virus. Comme je le dis toujours, je suis «rôliste de fils en père depuis une génération».

Tu es avant tout un éditeur de poésie qui se lance dans le jdr. Pourtant, quand je regarde mes joueurs habituels, le lien entre poésie et jdr ne me saute pas aux yeux… Tu peux me convaincre ?

Je suis poète et éditeur de poésie… et rôliste. Longtemps en effet, je n’ai pas fait le lien entre ces deux activités, qui me passionnent autant l’une que l’autre. Ceci étant dit, qu’est-ce que la poésie, si ce n’est un langage qui permet d’exprimer des sentiments tellement intenses qu’il serait difficile de les exprimer autrement ? Au fur et à mesure que j’avançais dans la pratique du jeu de rôles, il m’a été donné de vivre de rares moments tellement forts que, arrivé chez moi, j’étais quasiment poussé à les traduire en poèmes. C’est ainsi que j’ai publié un roman illustré de poèmes, Xura, qui n’est autre que le compte-rendu d’une campagne que j’ai masteurisée dans les Contrées du Rêve de l’appel de Cthulhu.

D’ailleurs, H.P. Lovecraft, qui a inspiré tellement de rôlistes, n’était-il pas un immense poète ? Je suis en train de finaliser l’adaptation en vers français de son recueil de poèmes, Les Fungi de Yuggoth, en vue d’un financement participatif à l’été pour les publier sous forme d’un «beau livre» intégralement illustré.

Une première immersion dans l’univers du jdr a été faite en publiant les Chroniques Héossiennes, un recueil de textes situés dans l’univers du jdr Shaan. Comment est né ce projet ?

Ce n’est pas la première immersion, mais la deuxième, la première étant Xura, dont je parlais ci-dessus.

Pour les Chroniques Héossiennes, ça s’est fait tout simplement, Igor Polouchine (l’auteur du jeu de rôles Shaan renaissance) envisageait de sortir ce recueil au format pdf, je lui ai proposé d’en faire une édition papier, il a accepté…

Plus généralement, que penses-tu des univers de jdr partiellement développés sous forme de nouvelles et de romans ? Est-ce quelque chose que tu souhaiterais développer chez Stellamaris ?

Alors là, j’en suis fan ! Mis à part le cas des systèmes génériques, comme FU dont je parlerai tout à l’heure, un des principaux intérêts d’un jeu de rôle est d’immerger les joueurs dans un monde dont le MJ s’est préalablement imprégner. Et quelle meilleure moyen de s’en imprégner que par un roman, un recueil de nouvelles, voire une BD ? C’est bien pour cela que la plupart des jeux de rôles comportent a minima une nouvelle introductive, et souvent bien plus… Appel aux auteurs, si certains souhaitent voir publiés un jeu de rôles avec un roman ou un recueil de nouvelles associé, qu’ils n’hésitent pas à m’en parler, c’est un concept qui me parle tout particulièrement ! D’ailleurs, n’est-ce pas celui des Chants de Loss, dont je viens de sortir le kit d’initiation ?

Tu as lancé une souscription pour la VF du système générique FU (Freeform/Universal RPG). Je connais déjà ce système grâce à Wastburg (XII Singes). Quel est mon intérêt de me procurer ce livre ?

Comme tout système de jeu de rôles, le système FU induit une certaine ambiance, qui est parfaitement adapté à certains univers, comme Wastburg, mais qui peut l’être moins pour d’autres. Mon projet n’est donc pas de publier une simple traduction en français de FU, mais une boite à outils avec des pistes de réflexions sur comment bâtir son propre système, basé sur FU, mais adapté à l’univers dans lequel on veut faire jouer et à l’ambiance dans laquelle on veut jouer.

Par ailleurs, ce projet se veut collaboratif : si j’ai déjà intégré dans l’ouvrage un certain nombre de réflexions en ce sens, l’objectif de ce financement participatif est aussi de bâtir une communauté autour de FU ou chacun pourra faire ses propositions. Celles qui pourront être intégrées dans le livre de base le seront, celles qui ne le pourront pas, notamment pour des questions de volume, seront  mises à disposition du public soit sous la forme de pdf téléchargeables soit sous la forme de suppléments ultérieurs.

Stellamaris a déjà édité environ 200 ouvrages de poésie et autres littératures. Pourquoi alors solliciter un crowdfunding pour financer ce premier projet 100 % jdr ?

Le modèle économique d’un ouvrage de littérature ou d’un jeu de rôles est complètement différent : Pour un ouvrage de littérature il n’y a quasiment pas de frais fixes, s’il se vend bien, l’auteur touchera des droits d’auteur, sinon, il n’en touchera pas ou très peu… Par ailleurs ce sont des ouvrages de faible format (généralement du A5), en noir et blanc, couverture souple… On trouve aujourd’hui des imprimeurs capables de faire des prix intéressants pour ce genre d’ouvrages même pour de faibles tirages, il n’y a donc aucun besoin de financement préalable à l’édition.

En jeu de rôles, au contraire, le format des ouvrages est plus important, ils sont en général en couleurs, le public apprécie qu’ils aient une couverture rigide, et enfin, et surtout, il faut dans le cas général payer un illustrateur. Ceci implique un besoin en financement important pour pouvoir lancer le projet, et l’assurance d’un volume de ventes non négligeable pour ne pas travailler à perte. Autant de caractéristiques qui justifient totalement le recours au financement participatif.

Par ailleurs, autant le public pour la littérature générale est étendu mais dispersé, ce qui rendrait très difficile le montage d’un plan de communication visant à toucher les cibles d’un éventuel financement participatif, autant le milieu rôliste est beaucoup plus resserré et échange beaucoup, ce qui rend un tel plan de communication beaucoup plus aisé à monter.

Ceci étant dit, cet été je lancerai un financement participatif pour un ouvrage de littérature générale dont les contraintes éditoriales se rapprochent de celles d’un jeu de rôles, il s’agît de mon adaptation en vers français des Fungi de Yuggoth, de H.P. Lovecraft :

Je souhaite en faire un «beau livre», donc avec les mêmes contraintes techniques que pour un livre de jeu de rôles

Comme pour un livre de jeu de rôles, je fais appel à un illustrateur

Comme pour un livre de jeu de rôles, il cible une communauté restreinte mais active, celle des fans de Lovecraft (qui se recoupe d’ailleurs largement avec la communauté rôliste).

L’autre actualité jdr des éditions Stellamaris, c’est la sortie du kit d’initiation pour Les Chants de Loss. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ? Quand le jeu complet devrait-il voir le jour et quelle forme prendra-t-il ?

C’est un projet très ambitieux de Axelle «Psychée» Bouet qui comprend tout un cycle de romans dont le tome 1 est déjà paru, et un jeu de rôle complet. Dans un monde original, «Da Vinci Punk», il aborde des thématiques très variées, comme la manipulation mentale, l’intégrisme religieux, mais aussi la soif de progrès, l’héroïsme,… L’objectif est un financement participatif à l’automne pour une parution début 2016.

On en parlait dans un précédent Fix : le planning jdr de Stellamaris est donc plutôt chargé. Alors, nous disons… un système générique (FU), un jeu humoristique (L’Agence barbabre), un jeu coquin (Fripon(ne)s RPG), un jeu pour enfants (Les contes de Katpatt)… OK? Je vois ce que c’est : tu as décidé de relever tous les défis impossibles de l’édition du jdr, c’est ça ?

mc C’est par un concours de circonstance que tous ces projets sont venus à moi, mais ils m’enthousiasment tous autant les uns que les autres. Je ne vois pas du tout en quoi ce sont des défis impossibles ! Je vous parlerai plus en détail de chacun en son temps…!