Les Éditions Sans Retour ?

Sacré coup de tonnerre dans le paysage rôlistique francophone. Coup sur coup, les Éditions Sans-Détour viennent de subir deux annonces très négatives qui jettent un gros, gros doute sur la pérennité de l’entreprise.

Tout d’abord, c’est l’éditeur américain Chaosium, propriétaire des droits de l’Appel de Cthulhu, qui annonçait qu’il retirait la licence du jeu lovecraftien sur lequel SD avait assis l’essentiel de son succès et de sa réputation. Ouch.

https://www.chaosium.com/blogstatement-about-ditions-sansdtour?fbclid=IwAR3N-2EbJge1MsDBV2QdRXq06SskQPoH4_0QQ1y6-Wo3uyNgOSdq8vhno8k

En substance, l’éditeur US y affirme que SD ne lui a réglé aucun droit sur la licence depuis… 2016. Malgré le fait que SD ait engrangé plusieurs centaines de milliers d’euros suite à des CF à succès depuis cette date. Il est bien sûr impossible de confirmer cette information. On sait simplement que SD et Chaosium se parlait encore il y a peu mais que les choses se sont accélérées subitement avec l’attribution à un autre éditeur (pour le moment inconnu) des droits des VF de l’AdC et de Runequest. Sans mauvais jeu de mot cette fois-ci, il n’y a aucun espoir de retour sur cette décision, donc.

Pour prendre la mesure du trou que cela représente, rappelons que SD a publié plus de 80 produits estampillés AdC durant ces dix dernières années. Toutes les tentatives de diversification des gammes de l’éditeur semblaient vouées à l’échec et SD revenait encore et toujours vers la licence qui avait fait son succès et sa réputation d’excellence et de sérieux. Parfois jusqu’à la caricature comme quand, récemment (2017), SD proposait à nouveau un foulancement pour une nouvelle-nouvelle édition de la campagne Les Masques de Nyarlathotep. La campagne mythique avait pourtant déjà été rééditée en… 2012. On tourne un peu en rond, là.

Ayons au passage une pensée pour les près de 2000 souscripteurs de cette campagne qui n’ont pas encore été livrés. Le seront-ils ? A priori, les ouvrages sont en cours d’acheminement et SD a publiquement affirmé faire tout son possible pour finaliser ce projet sans dommage.

Hélas, telle une seconde lame, on apprenait dans la foulée que le jeu Aventures, signé du célèbre Mahyar Shakeri… ne se ferait pas. En tout cas, pas chez SD. Pourtant, l’éditeur avait réalisé un foulancement à grand succès pour ce projet, réunissant pas moins de 7 600 préventes de cette future boîte d’initiation au JdR.

D’un côté, Mahyar, qui tardait à rendre ses textes (pour faire pression sur l’éditeur à cause du conflit latent ? autre raison ?), invoque un différend contractuel. De l’autre, SD semble tomber de haut :

C’est avec stupeur et incompréhension que les éditions Sans-Détour ont appris, en même temps que les contributeurs, que, selon son auteur, le projet Aventures ne verrai pas le jour.
Nous regrettons et sommes déçus que l’auteur ai fait cette annonce sans nous en informer au préalable, ce qui aurait permis une information plus complète sur les discussions en cours.
Un communiqué sera réalisé dans les prochains jours.
Sans-Détour

Hier, ils en ont rajouté une couche en chargeant clairement l’auteur qui, selon eux, aurait surtout chercher à gagner du temps pour ne pas avoir à démêler un écheveau juridique complexe : https://fr.ulule.com/aventures-le-jeu/news/communique-201354/?fbclid=IwAR3-L7dzyoDvgQhRGzlrz44WhW0SZFfWXCALyXnCMhxD8W79bqVIbI-boTU

On notera donc que SD s’est aventuré (arf) dans cette histoire sans avoir réuni toutes les garanties juridiques nécessaires. Étrange.

Là aussi, les souscripteurs ont du souci à se faire pour leur pledge. Wow, belle image du marché pour ceux pour lesquels c’était la première incartade dans le JdR papier 🙁

Soyons clairs : nous n’en savons pas plus. SD n’a pas répondu à nos demandes de renseignements ou d’interviews et les communiqués publiés sont plus que laconiques.

La seule chose que l’on peut dire à ce stade, c’est que ces événements ne viennent que confirmer les difficultés éprouvées depuis quelques mois par SD, pourtant il y a encore peu un impressionnant pilier de notre hobby.

Au rang de ces indices, on peut citer :

  • des foulancements géants qui accumulaient les retards et donc les déceptions (dont celui des campagnes AdC, encore en attente de livraison)
  • des relations étranges entre SD et Mahyar Shakeri à propos de Aventures (pour tout dire, leur communication semblait se faire de façon indirecte, SD prétendant apprendre le report de la livraison des textes… en suivant l’activité de Mahyar sur les réseaux sociaux !)
  • des décisions peu cohérentes en ce qui concerne des gammes non-poulpiques (en particulier, Mutant : Année Zéro, laissé sans aucun suivi, pas même l’écran du MJ, malgré le succès critique évident de la gamme)
  • la fuite des talents de la création francophone vers d’autres éditeurs : on peut citer notamment Les Tribus Oubliées, désormais beau succès de foulancement chez les XII Singes sous le nom de Les Oubliés après avoir été annoncé pendant des années, en vain, chez SD. Même topo pour Byzance 800 dont le suivi espéré pourra, on l’espère, paraître ailleurs.
  • les errements dans les annonces de futures gammes : par exemple, la VF de Mutant Chronicles était annoncée en cours de traduction à l’hiver 2015 avant d’être abandonnée par la suite sans explication.
  • les problèmes liés à la faillite de leur partenaire Ludikbazar
  • les problèmes de distribution liés à la fin de Millenium qui les avait conduit voici peu à lancer leur propre plate-forme logistique
  • la tentative avortée de lever des fonds via Raizers
  • etc.

Tout ceci n’incite pas à la confiance pour les mois à venir et on tremble déjà pour les salariés, fournisseurs, auteurs mais aussi clients de Sans-Détour qui risquent tous d’accuser, à la veille des fêtes de Noël, des pertes sèches en cas de défaut de paiement ou de livraison de l’éditeur.

Toutefois, nous nous plaisons à garder espoir en l’avenir pour les fondateurs de cette maison d’édition qui, pendant des années, et alors qu’ils partaient pour ainsi dire de rien, livrer des ouvrages en quantité  et en qualité remarquables, faisant d’eux un des incontournables du milieu.

Or, si les finances fluctuent au gré des erreurs et des coups durs, le talent, lui, ne disparaît pas. Alors, espérons que, sous ce nom ou sous un autre, Sans-Détour continuera à exister d’une façon ou d’une autre et continuera de nous régaler à l’avenir de solides productions (et pourquoi pas dans le domaine de la création francophone déjà exploré avec brio avec La brigade chimérique, Bimbo, les Chroniques des Féals, Les Lames du Cardinal, etc. ?).

Bonne route à tous.

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