Abstract Donjon – critique du livre de base

Pour moi, les XII Singes ont toujours été des marchands d’histoires (gamme « clé en main », collection « 6 ») et d’univers (Trinités, les Intégrales, Tenebrae…) basés sur des systèmes de jeu discrets, basiques mais efficaces (D6, Dk, ect…).

Mais depuis peu, cette ligne éditoriale évolue, car l’éditeur propose également des systèmes de jeu originaux qui portent une proposition ludique forte. C’était le cas avec Into The ODD ou encore avec Abstract Donjon, le jeu qui nous intéresse ici. Bien évidemment, plus qu’une simple traduction – et grâce à une souscription réussie (496%) – l’éditeur propose une série de suppléments regroupant une multitude d’histoires et d’univers prêt à jouer. Que voulez-vous, on ne se refait pas.

Tu vois; un bon joueur, il lance les dés alors qu’un mauvais joueur, il lance les dés

Il est facile de présenter le système d’Abstract Donjon en quelques mots : « Dans Abstract donjon, tous les joueurs lancent leurs dés en début de partie, stockent les résultats obtenus et les dépensent à bon escient tout au long de la partie pour contrer les obstacles, les ennemis, les défis et les boss ». Mais il serait réducteur de le réduire à ce simple concept, aussi original soit-il, car le jeu offre une vraie richesse ludique.

Mais commençons par vous présenter les bases. Votre personnage est décrit par quatre caractéristiques (Force, Dextérité, Intelligence et Sagesse). Très orienté « Med-Fan », ces mots-clés peuvent changer pour mieux coller à l’univers du jeu pratiquer (par exemple, sagesse peut être remplacer par « volonté » dans un contexte plus moderne). De plus chaque caractéristique est accompagnée, sur la feuille de personnage, par une série de verbes, facilitant l’utilisation (et la description) de chacune d’entre elle. A la création, le joueur choisit combien de dés il affecte à chaque caractéristique (1D, 2D, 3D ou 4D – sachant que chacune de ces possibilité ne peut être utilisée qu’une seule fois).

Viennent se rajouter, toujours à la création, trois traits (chacun d’une valeur de 1D à la création) qui sont représentés par un mot ou une petite phrase descriptive. Ils peuvent représenter un trait de caractère (« pour la frime« ), un métier (« cartographe« ) ou une compétence (« ambidextre« ). Le choix peut être libre pour les rôlistes ayant un peu de bouteille mais le livre de base propose également des listes de traits pour orienter les joueurs plus novices ou moins inspirés.

Chaque joueur bénéficie à la création d’un dés bonus (d’une valeur de 6) qu’il peut dépenser à tout moment comme si il provenait de l’un de ses pools de caractéristique.

Feuille de personnage issue du kit de découverte.

Comme expliqué plus haut, en début de chaque partie, les joueurs lancent tous les dés correspondant à chaque caractéristique et trait.

Voilà à quoi ressemble une feuille de perso en début de partie.

Un système qui tient la route, mais qui déroute

En quelques minutes, votre alter ego ludique est créé. Et il vous en faudra tout autant pour expliquer la mécanique du jeu.

Durant leur aventure, les joueurs sont susceptibles de rencontrer 3 types de menaces :

  • Des obstacles
  • Des défis
  • Des combats

Pour les représenter, le meneur lance un certains nombres de dés (selon la difficulté ou l’adversité rencontré) et les joueurs devront dépenser leur pool de dés à bon escient.

Exemple : Le meneur souhaite proposer un défi à ses joueurs. Ce dernier est une épreuve qui se résout comme un combat (en terme de règle), par conséquent, les joueurs ne peuvent dépenser que 3D maximum : 1D de carac, 1D de trait et 1D autre (objet, etc.).
Dans un japon de l’ère féodale, à l’entrée d’un village, les PJ sont interpellés par une femme portant un enfant. Elle demande à l’un d’entre eux d’admirer son enfant et de le porter. Si un personnage accepte, le défi débute et le meneur lance 3D, obtenant : 6 – 2 – 5. Le MJ décrit que le bébé est lourd. Pour supporter le poids du nouveau né, le porteur dépense 1D de caractéristique de valeur 5 issue de son pool de force.
« Surpris par le poids du nouveau né, tu mets tout ton poids de corps sur tes talons afin de renforcer tes appuis, mais tu constates que le poids du bébé augmente encore. Tu commences à transpirer ».
Comme le défi n’est pas résolu, le personnage faisant l’action va subir des dégâts. Par conséquent, il va devoir diminuer de 1 la valeur de ses dés en force ou en dextérité (les défis sociaux impactent, eux, la sagesse ou l’intelligence). Ainsi, son dé de valeur 4 passe à 3. Ne voulant pas trop se fatiguer pour cette épreuve, le porteur demande de l’aide à l’un de ses compagnons. Chacun d’eux dépense 1D de valeur 5 et 3 permettant ainsi de contrer les deux derniers dés du défi. La femme récupère son enfant, disparaît avec un air apaisé et souriant, tel un esprit maintenant libéré. Le joueur ayant mené le défi gagne 1D de bonus.

Cette simplicité offre un coté libérateur et pulp pour les joueurs. Après quelques scènes, les joueurs réalisent le potentiel narratif qu’ils ont entre les mains et ils se lâchent dans leurs descriptions (pour cela, les verbes d’exemples suggérés en dessous de chaque caractéristique permettent de mettre le pied à l’étrier). Bien évidemment, le meneur est aussi là pour montrer l’exemple par ses descriptions. Le but n’est pas de dire « J’utilise mon 5 pour annuler les dés de valeur 3 et 2« , mais plutôt, « je glisse à genoux sur le sol et je donne quelques coups de bâton bien placés pour éliminer les deux gardes« . Vous voyez l’idée ?

Ce qu’il faut bien comprendre avec cette mécanique, c’est que vos joueurs vont incarner des héros. Par conséquent, ils réussiront toutes leurs actions (à partir du moment où ils souhaitent les réussir). Mais à force de surmonter les épreuves avec panache et réussite, leurs réserves de dés vont fondre comme neige au soleil. Il faut donc que les PJ gèrent leur fatigue, représenté par ces pools de dés, pour ne pas se retrouver devant le boss final en slip. Car c’est à ce moment du scénario qu’il y a un (gros) risque d’échec pour les personnages. Bien évidemment, le jeu offre la possibilité aux personnages de se reposer pour recharger l’une de leurs réserves… mais ce ne sera pas sans conséquence dans l’histoire (à vouloir trop se reposer, les cultistes ont réussi à invoquer le terrible démon – alors que si les PJ n’avaient pas perdu tout ce temps, ils seraient arrivés pendant ou avant l’invocation).

Pour les joueurs, c’est donc du tout bon.

Coté meneur, le système offre également une grande liberté, mais il nécessite un peu plus de temps pour être apprivoisé. Difficile en effet, si l’on souhaite faire jouer un scénario de son cru ou adapté d’un autre jeu, de doser la difficulté ou de savoir quand lancer les dés. Heureusement, l’ouvrage inclut ENORMEMENT d’encadrés intitulés « note des traducteurs » qui expliquent comment gérer tel point de règle ou comment mener un partie d’Abstract Donjon. ça ne remplace pas la pratique, mais ils sont tous utiles et permettent de nous accompagner dans ce changement d’habitude en douceur.

Une fois que vous êtes à l’aise avec le système, vous pouvez vraiment jouer avec :

Exemple : Pour un combat, les joueurs peuvent dépenser jusqu’à 3 Dés : 1D de carac, 1D de trait et un dernier dé (un objet par exemple). Dans la situation d’une bagarre de taverne, le meneur de jeu peut lancer quelques dés (2 ou 3) pour représenter le décor. Ainsi, les joueurs peuvent utiliser comme troisième dés l’un de ces dés de décors, sous réserve que la description soit belle !

Et des bonnes idées comme celle-ci, le jeu en propose plein.

Et maintenant, jouons

Le meilleur système au monde (s’il existe), ne serait rien s’il n’est pas joué. Et les XII Singes l’ont bien compris puisqu’ils accompagnent le jeu de pléthore de suppléments (que nous détaillerons dans de futurs articles).

Sachez néanmoins que le livre de base propose un contexte de jeu – médiéval-fantastique – suivi de quatre scénarios prenant place dans ce cadre.

En conclusion, Abstract Donjon est un excellent système compatible avec tous les univers possible, sous réserve que vous souhaitez le jouer de façon « pulp » (Super héros, SF, Japon médiéval, Viking, etc.). Si vous êtes joueurs et que vous avez l’occasion de l’essayer, foncez !

Si vous êtes meneur et que la mécanique vous tente, attendez-vous à devoir changer vos habitudes sur la manière de devoir résoudre les actions des PJ, mais ce changement se fera au bénéfice de la narration et du dynamisme autour de la table.

En tout cas, depuis ma première partie en tant que meneur, il m’arrive régulièrement en lisant un scénario du commerce de me dire « ça, ça tournerait bien sous Abstract Donjon« . Ce qui est plutôt bon signe.

Photo de famille : le livre de base et ses suppléments

2 pensées sur “Abstract Donjon – critique du livre de base

  • 5 juin 2019 à 13:59
    Permalink

    Un jeu qui a bouleversé mes habitudes. Je ne connais pas d’autres systèmes où il soit aussi facile de donner des « jouets » aux joueurs.
    -Le combat se passe dans votre auberge, voilà les dés du décor, mais vous détruisez votre propre propriété…
    – » Comme c’est un monstre avec une hache énorme, je fuis vers la salle des colonnes. Il sera handicapé pour donner de grands coups tranchants et moi avec ma rapière je serai avantagé.
    -Ok voilà 6 dés de décor.
    -Super !!!
    (ce que le joueur ne sait pas c’est que les 6 dés dépensés , il risque fort de finir dans un éboulement complet de la salle…)
    -« On prend l’astronome avec nous.
    -Oki il a deux dés en Observer les étoiles, et trois en péniblement obtus…
    (trois dés qu’ils ont fini par utiliser à leur faveur.)
    -« On libère d’abord les esclaves pour qu’ils nous aident.  » Une poignée de dés et pas besoin de s’embarrasser de règles d’escarmouches..
    – « On vole un engin agricole et on s’enfuit avec.  » Et voilà une poursuite avec un véhicule qui a trois dés en solide et deux en Balancer des bottes de pailles derrière lui…

    En plus, c’est le système rêvé pour l’équilibre entre les personnages. Un mage ou un guerrier ont autant d’impact sur la partie puisque s’ils ont le même niveau , ils ont le même nombre de dés… (Après certains ont tiré des meilleurs jets que d’autres, mais au fil des parties, ça s’équilibre, probabilité oblige…).
    Pour les mêmes raisons, deux super héros ont la même « puissance » qu’ils aient choisi « regard laser » ou  » rebondir comme une balle de caoutchouc » ou encore « parler aux insectes ». (bien sur encore faut il être inventif pour savoir se mettre en scène…)
    La résolution est rapide, les débutants saisissent en quelques minutes.
    Bref, c’est top.

  • 5 juin 2019 à 23:25
    Permalink

    ça a l’air excellent.
    j’ai hâte de le tester.
    merci pour l’article.

Commentaires fermés.