Question pour Sethmes, l’auteur de Kémi – Aventures en Égypte ancienne

Depuis son annonce dans notre rubrique « le lundi, c’est gratuit« , on ne cache plus notre amour pour Kémi – Aventures en Égypte ancienne. Nous en avons publié une critique, mais pour aller encore plus loin, nous avons été poser quelques questions à Sethmes, l’auteur du jeu pour en apprendre plus sur sa conception et, surtout, sur son éventuelle suite.

Le Fix : Quinze ans pour arriver à publier Kemi… C’est la malédiction des pharaons, ou quelque chose de plus prosaïque ?

Je crois que c’est le lot d’innombrables projets des années 2000-2010 qui ne bénéficiaient pas encore de l’accessibilité des outils de diffusion, de production et de financement dont nous disposons aujourd’hui. Kémi était initialement un projet Dartkam, l’éditeur qui a lancé les Histoires à Suivre avec Loups des Steppes, Secretum Templi… Il s’agissait de proposer dans un format court un roman, un univers et un jeu de rôle très facile à prendre en main. Dartkam était déjà dans une démarche de promotion du jeu auprès d’un jeune public, valorisait la dimension pédagogique du propos, et c’est finalement une approche que la tendance actuelle valide.

Malheureusement, Dartkam a fermé en 2006 et Kémi était encore dans les tiroirs. Tout était prêt : roman, univers, jeu, illustrations. Il manquait seulement une solide relecture et la mise en forme. Le projet est passé entre les mains d’Archéon/Oriflam puis de Caravelle mais il ne put pas trouver sa place chez ces éditeurs.

Finalement, c’est Hicham des éditions du Matagot qui manifesta son intérêt pour le roman Sennefer et permit sa publication en 2013. C’est aussi grâce à cela que Kémi resta si présent à mon esprit. Pendant ce temps, le jeu et l’univers couvaient sagement. Après quelques tentatives de reprise de ce texte, pas mal de réflexion sur la gamme qui était censée le prolonger, les choses se sont accélérées. Début 2019, la période m’a paru propice. Les outils à disposition, les modalités de communication et de diffusion m’ont convaincu de finaliser ce projet et de le diffuser sous forme de PDF puis, bientôt, au format papier.

Le Fix : Qu’est-ce qui t’a aidé à ne pas laisser tomber ? L’esprit d’Osiris ou l’esprit du d6 ?

Le goût d’inachevé a bien sûr été une forte motivation personnelle. Mais également la conviction qu’un petit livre clé en main, avec règles, personnages, scénario pouvaient aujourd’hui avoir sa place malgré l’apparente aridité du sujet. Car je suis persuadé que malgré nos envies rôlistiques de liberté et la sensation que l’Égypte est un univers contraint et aseptisé pour ses habitants, il existe une énorme marge de manœuvre qui mérite d’être exploitée. J’ai été encouragé dans ce sens, conduit à aller plus loin et à structurer la production autour de Kémi. Je ne suis plus seul à soutenir ce projet et ses développements. C’est une grande différence.

Le Fix : Les JdR historiques traînent parfois la réputation d’être des carcans pour l’imagination et, donc, pour le plaisir de jouer. Tu disposes de cinq lignes pour me persuader du contraire !

Deux choses : l’aspect fictionnel de l’univers et la présence du surnaturel.

L’histoire serait un carcan ? La plupart des jeux dotés d’un univers construit s’efforcent d’émuler la précision historique. On connaît le niveau d’exigence d’un fan de Rokugan ou de la Terre du Milieu. C’est simplement un cadre, marqué par un style, créateur d’opportunités de jeu et doté de limites qu’il ne faut pas sacraliser. Ce n’est pas un cours, il ne faut pas craindre les « erreurs ».

Se pose en suite la question du surnaturel et du merveilleux. Peut-on vraiment jouer en Égypte sans magie explicite ? Les histoires de monstres nocturnes sont-elles vraies, les pouvoirs des morts avérés ? L’ambiguïté est en soi un moteur d’ambiance et les croyances des personnages se mêlent à leur expérience du réel. Dans de nombreux cas, cette approche trouble et mystérieuse donne un relief particulier à une enquête, tout comme Maléfices pouvait manier le doute et l’angoisse métaphysique dans un environnement très familier. C’est ce que Kémi propose pour l’instant : la vision de l’homme du commun pétri de croyances.

Mais il y a une voix médiane de la relecture, de l’uchronie, de la double vue. Tout l’occulte contemporain recycle notre univers réel et lui applique un traitement, un filtre, une dynamique surnaturelle. Cette couche supplémentaire n’invalide pas l’histoire mais introduit un développement parallèle qui interagit avec elle. Elle permet de jouer librement avec des thématiques fantastiques sans pour autant ostensiblement contredire le réel.

Le Fix : J’avais demandé cinq lignes, mais je me rends compte que je n’avais pas précisé que chaque ligne ne devait pas faire le tour de la chambre funéraire de Pharaon ! Blague à part, merci de la générosité de ta réponse. Passons à un autre aspect. Un univers historique peu souvent traité en JdR, pour un jeu qui se veut accessible aux néophytes. Tu t’es lancé un double défi ? Ou bien tu espères que les néophytes auront moins de réticences que les vieux briscards ?

L’Égypte ancienne a une place toute particulière en France et cet univers nous est à la fois familier et lointain. Nous ne voyons que les ors des tombes et le gigantisme des temples alors que l’Égypte était une nation incroyablement vivante et attachante. Nous avons beaucoup en commun avec certains aspects de la mentalité du Double Pays.

Je pense en effet que les néophytes peuvent spontanément avoir envie de faire un tour en Égypte ancienne, de s’immerger et d’être surpris par sa richesse. Magouilles, espionnage, exploration, trahisons, expéditions militaires, enjeux religieux et politiques, tout y est. Quant aux vieux briscards, ils ont l’habitude, je crois, d’une Égypte qui épice et agrémente toutes sortes de jeux. L’Égypte est une valeur sûre pulp, occulte, épique et elle a une place finalement assez convenue dans notre imaginaire. L’idée est de montrer que cette civilisation fourre-tout a une légitimité comme contexte et ne se résume pas à une poignée de gimmicks.

Le Fix : J’aimerais bien me mettre à Kémi, mais je ne suis pas tenté d’engloutir L’Égypte antique pour les Nuls. Que me conseillerais-tu pour m’imprégner un peu de l’univers de Kémi avant de jouer ?

Faire comme les Égyptiens : privilégier l’image. La superbe série de BD d’Isabelle Dethan, Sur les Terres d’Horus incarne exactement l’approche de Kémi : un contexte qui se veut crédible, des personnages réels, une vision du quotidien loin des mythes, mais des intrigues, mystères et doutes surnaturels. Je conseille également de se perdre dans les incroyables aquarelles de temples et de villes égyptiennes de Jean-Claude Golvin [Ndlr : ruez-vous sur son site].

Pour la période exacte du jeu, un très bon docu-fiction de Channel 4 sur Touthmôsis III et la bataille de Megiddo propose une immersion radicale dans le quotidien et les guerres du grand pharaon de Kémi.

Le Fix : Le livre de base de Kémi contient un scénario qui amener joueurs et PJ à la découverte de quelques aspects de l’univers du jeu : un cadre urbain, les rivalités de pouvoir, des rites sociaux. Envisages-tu d’écrire et publier d’autres aventures ?

Kémi a toujours été vue comme une première brique : celle de la référence historique assumée. Et dans ce cadre, oui, il y aura d’autres aventures.

Le Fix : Et pour ces autres aventures, tu ouvres la porte à des contributions d’autres calames que le tien, ou souhaites-tu rester le Grand Scribe unique ?

Concernant les aventures, les contributions sont bien sûr possibles. Qu’elles soient externes et spontanées ou estampillées « Kémi » dans un cadre plus contraint, toutes les ressources seront rendues visibles si elles respectent quelques règles simples.

Le Fix : J’ai vu, sur la TNT, un reportage qui démontrait – preuves à l’appui, bien sûr – que les pyramides avaient été bâties par des extraterrestres. Tu prévois un supplément sur les ET, pour la suite de la gamme ?

Démasqué. La suite de Kémi évoque ce qui se passe de l’autre côté du miroir, sous la surface, dans les profondeurs. La dénomination « Double Pays » prend ici tout son sens et ceux que la dimension purement historique rebute trouveront ici quelque chose de… très différent. Et là, on s’adresse beaucoup plus clairement aux briscards évoqués plus haut.

Le Fix : J’ai du mal à lire et utiliser des jeux en PDF. Dois-je engager un scribe pour transcrire le fichier sur papyrus, ou puis-je espérer une solution moins radicale ?

Le livre sera diffusé au format papier en impression à la demande POD sous peu, au format A5 en noir et blanc avec une couverture souple en couleur, dans une version finale et corrigée, avec sa nouvelle couverture. Le PDF de Kémi disponible sur le site bénéficie en direct de ces mises à jour régulières et sera identique à la version print définitive. Les derniers détails sont en train d’être réglés. L’objectif est fixé au mois de juillet. Le livre sera vendu à 19 €.

Le Fix : S’il y a plus de deux fans du jeu, vers quel site ou quel forum les aiguillerais-tu pour qu’ils échangent entre eux et avec toi ?

Ils peuvent se battre en duel sur le forum dédié du site www.sethmes.com qui diffuse également le jeu de rôle antique Etherne.

Le Fix : Rendez-vous est pris, en ce cas !

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