Le faiseur de lives tombé du ciel [Interview Samuel Ziterman]

Les actuals play les plus connus (Aventures, Game of role, Role’n Play) se sont tous bâtis autour de longues sagas d’héroic fantasy. Sachez pourtant qu’il existe une chaîne proposant des univers plus variés et des sessions de jeux plus courtes. Amateurs de science fiction (Eclipse Phase), de cyberpunk (The Sprawl) ou de macabre (Macadabre propulsé par Into the Odd), sachez que vous trouverez votre bonheur sur la chaîne Youtube de Samuel Ziterman.

Mais qui est ce Samuel Ziterman ? Quelle est sa démarche ?

Justement, c’est ce que nous allons découvrir ensemble. Interview.

I. Actual play

1. Salut Samuel, est-ce que tu peux commencer par rapidement présenter ton parcours et ta chaîne à nos lecteurs, pour commencer ?

Salut Benjamin, alors je suis rôliste depuis 19… Non je déconne. J’ai eu une pratique du JDR plutôt chaotique et erratique, j’ai commencé avec la V1 de Warhammer sans vraiment de table pour voir comment ça se passait, ni de réel mentor pour me transmettre la flamme mais j’avais une bande d’amis qui aimaient bien ça. J’ai eu d’importantes pauses à cause de ces satanés jeux vidéo et jeux de plateau. Ce qui est sûr, c’est que je suis un gros joueur quelque soit le support et l’époque, même dans mes études : du droit, à cause d’une certaine appétence pour les mécaniques juridiques.

Depuis 2 ans (premier épisode de D&D upload sur YouTube le 15 janvier 2018), je propose des lives JDR et je parle de JDR sur un peu tous les réseaux : Twitch, Twitter, YouTube, Facebook, Discord. Un éloignement géographique – important – et la découverte du JDR en ligne m’a réconcilié avec cet amour perdu.

Je suis aussi un grand passionné de science fiction et de fiction tout court et j’adore le JDR car il permet de vivre de la fiction interactive.

2. Tu as commencé par diffuser sur Twitch, qu’on connaissait surtout pour des actual play de jeux vidéos. Quels sont tes liens avec cet univers ? Est-ce que le jeu vidéo a une influence sur ta vision du jdr et la manière dont tu organises ton podcast ?

Alors officiellement l’activité a débuté par de simples mises en ligne sur YouTube de nos sessions de D&D enregistrées. Mais très rapidement je suis passé sur du live – Twitch et YouTube notamment – avec de la rediffusion. Je n’ai aucun lien avec le milieu du JV en live, je suis quelqu’un de curieux qui aime son époque alors forcément je regarde ce qu’il se fait de ce côté là. Pour mes actual play je regarde aussi ce qui se fait à droite et à gauche Mais le jeux vidéo j’ai tellement peu pratiqué ces derniers temps que je dirais pas que ça m’inspire indirectement. Par contre la communication, la dynamique et l’activité importante du streaming en général sont très inspirantes et le JDR aurait tort de ne pas y trouver sa place (ce qu’il est en train de faire).

3. Comment tu te positionnes, dans le paysage des actual play, par rapport aux collègues de Role n Play, Game of Roles, 2d6+Cool ou Aventures ? Qu’est-ce qui fait ta spécificité, ton angle d’attaque ?

Jouez comme vous êtes.

Je propose uniquement des lives, on lance la partie en même temps que le live du coup, il y a une certaine pression et un peu d’exigence, la table tente de ne pas trop piétiner et de jouer de manière « efficace ». Mais pour ça je n’ai pas besoin de forcer, car pour moi le jeu c’est sérieux, je suis bon joueur et plutôt agréable à une table (j’espère) mais quand je suis là pour jouer c’est pas pour autre chose (JDR ou jeux de plateau d’ailleurs).

Je recherche aussi une certaine authenticité et spontanéité, pour démontrer, notamment, qu’une partie de JDR c’est pas si sorcier, quelque soit le rôle que l’on a en tant que joueur autour de la table.

Un extrait des dernières vidéos publiées sur la chaine youtube.

4. Tu as commencé par du Donjon des famille et puis on a vu apparaître sur ta chaîne des apocalypseries comme The Sprawl, de l’OSR et même des jeux tout à fait confidentiels. Comment est-ce que tu choisis un jeu ? Quels sont tes critères ? Comment tu parviens à concilier toutes ces approches ?

De manière totalement égoïste. Le premier critère de sélection est mon propre plaisir et ma propre envie, ensuite il faut bien évidement une table avec laquelle y jouer. Comme dit plus haut, je suis curieux de nature et je suis vraiment satisfait de trouver la même énergie créatrice que l’on peut voir dans le jeux de plateau ou le jeux vidéo dans le JDR, pourquoi s’en priver ?

Je pense que j’arrive à concilier ces différentes approches car tout simplement je prends ces JDR pour ce qu’ils sont : des jeux. C’est pas plus compliqué que ça. Ce que j’aime aussi c’est découvrir et surtout faire découvrir d’autres manières de jouer qui pourraient convenir à diverses personnes. Il en faut pour tous les goûts.

Dernièrement, je me suis pas mal orienté vers des jeux qui demandent moins de préparation mais c’est surtout pour un aspect pratique, quand je peux me le permettre j’aime bien préparer aussi.

5. Quand on compare les premiers lives avec les derniers, on est frappé par le passage d’une bande de potes, blagues un peu grivoises comprises, à une mixité certaine. Que s’est-il passé entretemps ? Prise de conscience, évolution naturelle, pression du net ?

J’estime que quand on diffuse en ligne on a une certaine responsabilité. Au départ les D&D c’était vraiment sans prétention et entre potes et petit à petit je voulais plus d’ouverture, ça tient autant à ma personnalité qu’à une évolution naturelle de la chaîne. J’ai envie que lorsqu’on écoute ou regarde nos parties que n’importe qui puisse se dire : ah oui je pourrais y être ? J’ai juste envie de me dire que je fais les choses bien, même si c’est pas toujours évident et qu’il est nécessaire d’y insuffler une certaine énergie et volonté pour recruter notamment.

Truc tout bête, si je lance une annonce dans les 5 minutes j’ai 5 mecs. Alors pour féminiser les tables par exemple je suis obligé de passer des annonces ciblées ou de prospecter en envoyant des messages. C’est pas toujours bien perçu et ça peut décourager.

Mais bon je me plains pas et surtout, on peut toujours faire plus.

6. J’ai beaucoup parlé d’évolutions, mais il y a une constante. Tes émissions restent des lives. Tu n’as jamais été tenté par le montage ?

Alors, on a fait un peu de montage avec KaosPorthis qui monte les vidéos de la chaîne. C’est un ami IRL et on utilise les fonds du Tipee notamment pour rémunérer le montage des vidéos de la chaîne, mensuelle désormais. Il y passe du temps et pas de raison que ce soit gratuit, même si c’est pas foufou le principe est là. On a rapidement arrêté les montages de sessions JDR en épisode, trop long, trop chronophage, trop prenant, pour un retour sur investissement quasi nul. Les lives sont aussi regardés que les épisodes montés.

Sans réel projet de production et plus de soutiens ça me semble compliqué. J’ai trouvé un bon compromis et un bon rythme avec les lives, je propose les rediffusions sous formes d’épisodes d’une heure, une heure trente. Et j’aime proposer du live.

Peut-être qu’un jour on proposera une série montée mais ça sera pas sans un réel projet derrière, quelque chose de concret et produit a minima.

7. Tes émissions donnent le sentiment que vous cherchez à tester les mécaniques, à les décortiquer. Testes-tu les jeux avant d’en proposer un live ?

Non, où alors très rarement, il y a juste Eclipse Phase que je connaissais avant de lancer des parties en Actual Play. Par contre oui, j’adore tester les mécaniques, voir comment ça tourne et surtout constater si ça tourne bien. Pour moi, c’est vraiment essentiel, comme dit plus haut, je suis un joueur de tout bord et un jeu bien pensé, bien ficelé ça me semble essentiel. Je peux excuser quelques erreurs d’appréciations mécaniques lorsque le reste est très bon.

C’est pour ça que dernièrement j’adore les jeux propulsés par l’apocalypse et leur proposition ludique très ciblée. The Sprawl par exemple, il te dit : vous allez jouer à un jeu cyberpunk orienté action et à missions. Le jeu ne te ment pas, il essaie pas de vendre ce qu’il ne peut pas t’offrir.

Je veux dire, même dans les jeux old school c’est important, même s’ils te proposent d’ajuster et d’inventer des règles sur le pouce, il faut que la base soit solide, sinon ça fonctionne pas.

Je pense qu’il y a aussi ce souci d’authenticité, de réel, qui est un peu la ligne éditoriale de la chaîne. J’ai envie de proposer une expérience proche de ce que pourrait vivre une autre table avec ce jeu. On voit vite ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas en procédant comme ça.

8. En plus des actual play, ta chaine évolue vers des conseils de maîtrise. C’est quelque-chose que tu souhaites développer ? Sous quelle formule ?

Au départ je ne voulais vraiment pas donner des conseils aux MJ, je veux dire il y en a pléthores sur la toile, qu’est ce que je peux bien ajouter de plus ? Puis, petit à petit, une fois que j’ai dit tout ce que j’avais à dire concernant les outils en ligne (sur roll20 essentiellement), je voulais quand même conserver le rythme d’une vidéo mensuelle. Alors je fais des retours de parties, pour faire le bilan d’une campagne et d’un jeu c’est intéressant, mais très ciblé, je voulais un contenu plus généraliste. Alors je me suis dit pourquoi pas tenter les conseils aux MJ. J’y vais surtout de mon expérience, sans forcément poser des sacro-saints principes et je vais aussi m’aventurer sur des terres peu exploitées, peu traitées. Comme jouer à la sauce old school ou mener un jeu propulsé par l’apocalypse (bientôt , teaser)…

J’attends aussi la plate-forme de virtual table top qui me fera quitter roll20 et à ce moment là je ferais peut-être une nouvelle série de tutoriels dessus, mais je crains de manquer de temps.

9. Ton rythme de jeu est assez soutenu. Tu arrives encore à jouer à côté de tes lives ?

Je n’ai jamais été trop club ou association, on dirait pas comme ça mais en réalité je suis plutôt timide et réservé (mais je me soigne). J’arrive quand même à maintenir une campagne physique avec un rythme mensuel. A côté de ça, j’ai pas de temps pour les jeux vidéos mais on joue régulièrement à des jeux de plateau avec celle qui partage ma vie et / ou nos amis.

J’ai développé un réel plaisir à jouer en ligne, je trouve ça très confortable et il y a un tas de bons côtés, en physique c’est bien aussi, mais c’est plus chaotique, plus diffus, alors une fois par mois, ça me va bien.

Je ne cache pas que la chaîne et tout ce qui l’entoure est quand même très prenant, il faut faire des choix.

10. À la rédac’, Vincent est un de tes auditeurs fidèles. Il aime le choix des jeux et les histoires qui en découlent… mais la qualité du son l’empêche de prolonger ou de profiter pleinement de l’écoute. Est-ce que tu peux prévoir quelque-chose pour lui ?

D’abord, je lui dirais : Vincent, je suis totalement d’accord avec toi, en la matière le son c’est le nerf de la guerre. Puis, je lui proposerais d’écouter les premiers épisodes de D&D et les derniers épisodes sur The Sprawl (Luna), il y a eu une importante progression de ce côté là, je gère le son et les balances en live et depuis peu j’ai optimisé tout ça (sans compter le matos qui s’est lui aussi amélioré). Mais il y a toujours une marge de progression mais surtout, on est dépendant de la connexion du serveur discord (parfois) et surtout du matériel des divers participants. Petit à petit les personnes qui gravitent autour de la chaîne sont venues avec un bon micro et ou on changeait leur vieux micro, mais c’est compliqué et ce n’est pas forcément accessible à toutes les bourses. Je pense que sur les dernières séries ce n’est pas trop mal dans l’ensemble, après j’ai toujours à l’esprit d’améliorer le contenu et ce point là est clairement une priorité.

Je lui proposerais aussi de nous faire un retour et à quiconque lit ces lignes, car sans retour il est difficile de progresser.

Sinon, je me rappelle des conditions des premières parties enregistrées et des premiers live : ordinateur portable 13” avec micro intégré, connexion avec 0.7 méga d’upload, depuis nous avons fait un sacré bout de chemin. La chaîne se finance elle-même, alors évidemment j’ai mis un paquet de ma poche pour mon PC actuel mais je ne peux pas me permettre de tout financer. Heureusement il y eu des soutiens qui nous ont permis d’améliorer tout ça, mais il reste encore pas mal de chemin à parcourir. Tipee et les dons libres c’est bien pour ça, compter sur les grosses plate-formes comme Twitch et Youtube, c’est perdu d’avance.

Vincent, en 2020 il y aura moins de parties mais un meilleur son, promis.

II. Campagne

1. Tu quittes un peu le monde virtuel entrer dans le monde physique avec l’écriture et l’édition d’une campagne pour Dungeon World. Peux-tu nous en dire plus sur cette campagne ?

Tout est parti d’un actual play (sans déc ?), juillet 2018 je décide de tester Dungeon World après avoir écouté une session enregistrée et montée chez 2d6 plus cool (ben oui les AP c’est bien pour découvrir). Curieux de ce système, j’ai chopé quelques scénarios et je me suis lancé. Ce qui ne devait être qu’un test s’est transformé en table ouverte et en campagne de 10 séances (plus quelques sessions bonus). Les 3 ou 4 premières séances étaient basées sur le triptyque de scénarios de Joe Banner traduit par l’ami Acritarche, et ensuite je me suis senti à l’aise ce qui m’a permis de lâcher prise sur la fiction.

L’aventure a pris une tournure politique et épique via notamment les propositions des joueurs. J’ai invité Khelren – ou il s’est invité, je ne sais plus très bien – à la table et il a pris part à l’aventure avec une elfe dotée des pouvoirs psys. A la sortie de la campagne on s’est dit que l’aventure était plutôt chouette mais surtout qu’il manquait de contenu en français – hors traduction – pour Dungeon World. Banco, il me propose de bosser sur la campagne et de l’éditer, comment refuser ?

2. Tu définis ta campagne comme « épique et politique ». Comme tu as l’élégance de ne pas asséner trente-six clins d’œil à Game of Thrones, qu’est-ce que tu entends par là ? C’est quoi, jouer politique dans un univers medfan ?

Épique, car je pense que la campagne a le potentiel de monter en puissance des grandes aventures de l’heroic fantasy et surtout qu’elle respecte la proposition initiale de Dungeon World qu’il ne fallait pas perdre de vue, c’est un jeu pour jouer de l’héroïque.

Pour le côté politique, je dirais que ça tient en deux mots : pouvoir et influence. Les deux faces de la même pièce. Il y a une belle palanquée de factions avec des objectifs opposés ce qui promet de jouer sur ces deux thématiques comme il se doit. Jouer politique dans un univers medfan c’est bien évidemment se poser des questions très terre à terre, qui a le pouvoir ? Qui veut le pouvoir ? Qui tire les ficelles ? Qui a la capacité de prendre le pouvoir ? Mais il y a une échelle de puissance qui est propre à un univers medfan (high fantasy), on peut se lâcher en terme de pouvoirs magiques, divins, psychiques et ça change pas mal le jeu (des trônes).

3. Vous parlez beaucoup des apports mécaniques et de l’organisation de la campagne, moins des inspirations et de l’imaginaire. Tu peux nous faire rêver un peu ?

Il y a peu de temps lors d’un trajet en voiture je me suis rendu compte que l’une des inspirations principales était Ça de Stephen King, ahah, celles et ceux qui auront lu la campagne feront peut-être le lien, le titre est loin d’être anodin lui aussi. Je lis énormément de science fiction, un peu de fantasy et d’autres littératures, comme tout le monde je regarde pas mal de séries aussi. Difficile de dégager une inspiration principale, je pense que c’est un mix de tout ce que j’ai pu ingurgiter, sans compter qu’elle a aussi été inspiré par les personnes qui ont participé à la partie en ligne et que je remercie en passant.

Pour le côté politique Game of thrones est bien évidemment une inspiration forte, A Clash of King est excellent, tout comme Dune et plus récemment Luna, j’adore les grandes fresques sociales et politiques. Les révoltes, les chutes et les victoires.

4. Tu as d’abord fait jouer ta campagne avant de l’écrire. On en a vu, des auteurs réécrire un compte-rendu de partie plus que des outils de jeu, avec une catastrophe rigide au bout. Comment as-tu surmonté cette difficulté ?

Effectivement, c’était le risque, mais Khelren a veillé au grain. Lorsqu’il m’a proposé d’écrire cette campagne je lui ai envoyé une première mouture dans laquelle j’avais repris vraiment la campagne jouée telle quelle. En retour j’ai reçu un document relu et agrémenté de nombreux coups de stylo rouge. Mais cette mouture a tout de même servie de base pour les lieux, les factions etc. C’était clairement pas la bonne méthode, sinon on serait tombé dans l’écueil que tu décris. Il a fallu tout déconstruire, extraire les éléments essentiels, en ajouter de nouveaux. Le but était de faire en sorte que chaque campagne jouée donne une expérience unique à la table tout en ayant un canevas commun. Les premiers retours sur les parties nous dirons si on a rempli cette partie du contrat (et il y en aura bientôt, a priori).

5. Qu’est-ce qui t’a fait franchir le pas de l’édition ? Et pourquoi le pas vers le Studio Absinthe en particulier ?

Comme pas mal de monde, j’ai déjà griffonné des ébauches de jeux, des nouvelles et romans. J’aime bien écrire, j’aime bien imaginer et créer (merci le JDR qui sert d’exutoire pour ça). Le pas de l’édition n’était pas difficile à franchir du coup, j’avais déjà soumis des nouvelles à des revues, même si ça n’a rien à voir, c’est issu de la même volonté. La rencontre avec Khelren et le Studio Absinthe était un hasard, je l’avais contacté lorsque je lançais la première campagne sur The Sprawl sur la chaîne, notamment pour lui parler de la diffusion et aussi pour avoir des visuels et échanger un peu. Parfois on tombe sur des bonnes rencontres, cette fois ci, ce fut le cas. J’imagine que lorsqu’il a joué à Dungeon World avec nous et qu’il a vu l’énergie que je pouvais déployer ça l’a motivé à me proposer de travailler avec lui ? Et comme dit plus haut ce n’est pas le genre de proposition que l’on peut refuser (de mon point de vue en tout cas), surtout qu’on s’entend pas trop mal.

6. C’est ta première publication. Tu viens donc de découvrir la collaboration avec un éditeur, et Khelren est réputé exigeant. Alors, raconte-nous. comment te sens-tu ? Qu’est-ce que ça apporte, de travailler avec un éditeur ? Tu oserais encore montrer le premier jet ?

Il ne l’a pas volé sa réputation. Il est vraiment exigeant et j’ai dû mettre mon ego de côté à plusieurs reprises, mais attention, même si les critiques sont ciselées c’est toujours bienveillant et avec une volonté de mieux faire. Cela dit, je me sens bien et mon ego aussi. Travailler avec un éditeur ça change tout, j’ai adoré ça. Et je rajouterais que travailler avec un éditeur impliqué ça change tout, car le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’a pas chômé. Pour bosser sur la campagne on l’a découpé en plusieurs parties et certaines ont fait trois ou quatre fois la navette entre nous avant validation définitive, vraiment c’était top. Il m’a apporté la rigueur que je n’ai pas (notamment).

Et non, je n’oserais pas montrer mon premier jet à nouveau, je lui ai dit que si on bossait à nouveau ensemble je lui proposerais un premier jet plus propre et plus abouti (promis).

7. Une campagne Dungeon World, ce n’est pas une hérésie contre les Pbta ? Comment parviens-tu à concilier écriture de campagne et le principe de « jouer pour voir ce qui va se passer » ?

Je l’attendais celle-ci. J’ai horreur des postures toutes faites, du style : moi j’improvise toutes mes parties / moi j’ai pas besoin de scénario, un post-it suffit / moi je comprends pas les MJ qui viennent les mains dans les poches. Les gens, faites comme bon vous semble, vous laissez pas dicter votre manière de jouer ou ne vous sentez pas mal à l’aise si vous préparez plus ou moins vos parties. Personnellement, lorsque j’ai découvert Dungeon World j’étais bien content de trouver des scénarios pour ce jeu et ça m’a rassuré. Ne connaissant ni le système, ni cette dynamique, j’avais besoin de me reposer sur une trame. Alors je n’ai aucun souci à proposer une campagne pour Dungeon World et surtout que je trouve ça complètement compatible. Avoir une trame, un canevas n’empêche pas de jouer pour voir ce qu’il faut se passer, il faut juste respecter le fait que les PJ peuvent interférer avec le canevas, pour le bien de la table et de l’aventure. Laissez tout foutre en l’air mais avancez vos pions.

Pour concilier l’écriture d’une campagne et le principe de jouer pour voir ce qu’il va se passer, il suffit de respecter la construction d’une aventure pour Dungeon World (ou pour un PbtA en général), les fronts, dangers et autres horloges sont un excellent outil pour ça. Créer des fronts et des dangers bien conçus cela permet à n’importe qui de s’emparer de l’aventure. Par exemple, dans Le Tyran tombé du ciel, il est impossible de savoir qui deviendra le duc, ce n’est pas écrit. On sait juste qui peut devenir le duc. Si un duc est désigné ? S’il faut tout va brûler, tout va dépendre de comment la table s’en empare.

8. Bon, Dungeon World, c’est bien gentil, mais moi, je ne joue qu’à Pathfinder. Tu peux faire quelque-chose pour moi ou je peux mettre ta campagne à la poubelle ?

Toi là au fond, qui joue à Pathfinder, bien sûr que tu peux jouer au Tyran tombé du ciel, on aime tout le monde, viens! Sans rire, on nous a posé la question sur Twitter à plusieurs reprises, la campagne est pensée pour Dungeon World, mais la seule mécanique qui nécessiterait une adaptation c’est celle de la mise en place et encore que, même pas! C’est 2d6+ rien! Non en fait, tu peux la jouer sous n’importe quel système, ça implique juste d’avoir lu Dungeon World pour comprendre le fonctionnement des marqueurs, des impressions, des fronts et des dangers, mais c’est pas sorcier hein. Les horloges, fronts et dangers j’ai pratiqué sur d’autres jeux (comme beaucoup d’autres hein), c’est tellement flexible que ça passe partout, il faut juste lâcher prise.

9. Quarante-six pages de campagne ? Je ne vais pas te faire l’offense de dire que c’est court, mais pourquoi chercher à condenser autant ?

Moi je veux jouer, toi aussi je suppose ? Et toi qui lit ? Tu veux jouer aussi non ? Alors chaque page de lecture économisée c’est du temps de jeu. C’est un peu racoleur mais c’est l’idée. Et qu’on me sorte pas ces histoires de fainéantises etc, des pages j’en lis des dizaines par jour. Mais j’ai pas forcément envie de devoir lire 200 pages puis de préparer et synthétiser 200 pages pour jouer une campagne. Parfois oui, quand j’ai le temps et j’y prends du plaisir, mais plus ça va et moins j’en ai. Ce qui m’a frappé lorsque j’ai découvert Dungeon World c’est la concision des scénarios qui sont proposés, puis quand je joue à du old school je tape parfois dans des donjons en une page. Alors la concision on sait faire. Est-ce que l’expérience de jeu est amoindrie ? Est-ce que l’une des façons de faire vaut mieux que l’autre ? Pas vraiment, ce sont deux propositions totalement différentes et il en faut pour tous les goûts! Et on sait aussi que nos goûts, nos envies, varient selon les époques et les périodes de nos vies.

Liens :

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La page Lulu pour vous procurer la campagne Le Tyran tombé du ciel

3 pensées sur “Le faiseur de lives tombé du ciel [Interview Samuel Ziterman]

  • 2 janvier 2020 à 09:28
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    Super interview du Rising Sam, ça fait plaisir de te voir ici.

    Des questions hyper intéressantes et bien tournées qui lui permettent de répondre naturellement.

    Une bonne année 2020 qui commence et du JdR en pagaille à venir.

  • 2 janvier 2020 à 12:08
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    Interview bien intéressante !

    Toujours un plaisir de suivre les évolutions de S.Ziterman !

  • Ping : [Lecture de Rôle] Le Tyran tombé du ciel – Le Repaire de Gulix

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