Des tendances pour 2020 (1) : the kids are alright !

Alors, ami(e)s lectrices et lecteurs, que nous réserve de bel et bon cette année 2020 en matière de JdR, hein ?

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Bah, on n’en sait rien non plus. Sinon, nous serions des éditeurs à succès pleins aux as et pas là en train de rédiger les pages du Fix, banane !

Cela dit, rien ne nous empêche au moins d’essayer d’anticiper l’avenir. Alors, voilà le premier article d’une petite série destinée à dégager sommairement les grandes tendances de l’évolution du JdR francophone dans les prochains mois. Premier épisode : les jeux junior.

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Alors, je vous vois arriver direct : « ça existe depuis longtemps, nianiania, tu parles, les tendances 2010, oui, nianiania ».

Et bien vous avez tort.

Certes, les jeux à destination d’un public de jeunes joueurs ont connu une véritable flambée lors de ces 3-4 dernières années. Ils présentent pourtant tous le même angle d’approche : ils sont surtout destinés à permettre aux Maman ou Papa rôlistes de faire jouer leurs gamins et leurs copains. C’est l’approche de Petits Détectives de Monstres, Hero Kids, Tails of Equestria, Tiny, du peut-être un jour No, thank you evil ! (annoncé en VF chez BBE depuis… bah, c’est bien simple, ton petit dernier n’était pas encore né), etc.

Or, la tendance qui se dessine pour 2020, ce sont les jeux destinés aux joueurs junior ET aux MJ junior en même temps. Des jeux d’auto-initiation en quelque sorte. Voilà, pile comme nous autres, vieux, qui, par définition, ne pouvions être initiés que par nous-même ou des gens de notre génération à peu près aussi Béotiens que nous l’étions (« hey, copain, tu veux jouer à Rolemaster cet après-midi, tu vas voir, c’est cool ?! »).

Petite précision intéressante : sur ce coup, les rôlistes chevronnés semblent bien avoir un coup de retard puisque la tendance se dessine plutôt chez les éditeurs généralistes qui, sans doute, ont flairé le bon filon.

Première pierre à l’édifice, non pas un jeu mais la une de ce magazine, le Géo Ado (nan, moi non plus je ne savais pas que ça existait) estampillé janvier 2020. Là, on passe tout de suite la seconde avec carrément un dossier spécial et en une pleine page consacrée à notre loisir préféré. Alors, oui, pour les besoins de l’illustration mais aussi pour présenter le champ des possibles du JdR, le Grandeur Nature est présent mais il n’est pas le seul et le JdR sur table est, comme on le voit, largement représenté en pages intérieures.

Le point faible du dossier est de ne pas se fendre d’un mini-jdr genre un bout de scénario, des prétirés et des règles simplissimes, cela aurait été encore mieux. Mais, ne boudons pas notre plaisir, si le JdR peut à nouveau faire parler de lui dans la cour du collège, les choses se présentent pas si mal pour l’avenir.

Depuis la fin d’année dernière, nos grands enfants/jeunes ados disposent également d’outils de presque-JdR qui, à l’image des Livres dont vous êtes le héros de notre enfance, peuvent servir de passerelle pratique vers notre loisir.

Parmi ces produits tout récents, on peut citer la boîte éditée par Fleurus et qui porte fièrement la mention Jeux de rôles. Nous en reparlerons peut-être prochainement mais, attention, sans faire le vieux con, je peux l’affirmer : ce n’est pas vraiment du JdR (nomdidju !). Très clairement, il s’agit de murder party, très simples et avec des accessoires sympas sous forme de cartes donc bien adaptées à un public junior.

Le rapport avec le contexte, c’est que, quand même, il y a bel et bien une notion de rôle. Pour chaque enquête, il faut se répartir (grâce aux cartes) les rôles des protagonistes de l’histoire et s’appliquer à bien les jouer. En effet, parmi eux se cache le coupable. Donc, si le gamin ne se prend pas au jeu de rôle, littéralement, le jeu ne fonctionne juste pas (ce n’est pas un Cluedo). Donc, oui, à nos yeux, le titre de cette boîte, par ailleurs sympathique, est usurpé mais, oui quand même, elle peut servir de passerelle vers d’autres activités impliquant de jouer un rôle, interagir avec d’autres joueurs, résoudre des énigmes, etc. Suivez mon regard.

Il semble utile aussi de citer le coffret de l’éditeur de BD interactives Makaka, Sherlock Holmes, le jeu dont VOUS êtes les héros. Si on reste dans le domaine du LDVELH et de l’escape game réunis, la volonté de l’éditeur est tout de même d’émuler le genre JdR dans cette expérience de jeu assez inédite. Jugez plutôt.

On commence ici par choisir un personnage de la plus simple des façons : en choisissant entre quatre persos ayant chacun un livret dont le quatrième de couverture tient lieu de fiche de PJ avec illustration et description de ses qualités et défauts. Hop, c’est fait. Encore plus rapide que les playbooks des jeux PbtA !

A l’intérieur, ce sont quasiment les même BD pour chaque PJ sauf sur de minuscules détails liés aux capacités des PJ. Ainsi, un PJ agile verra dans ses cases de temps en temps la possibilité de se faufiler dans des endroits inaccessibles aux autres alors que le gros bœuf de service pourra régulièrement taper sur les gens. Seulement, par définition, les autres lecteurs ne peuvent pas le savoir. Il faudra donc que le joueur prenne la responsabilité de faire comprendre par la voix de son personnage (en évitant si possible de gueuler « tiens, j’ai un 32 dans ma case, pas vous ?! ») qu’il a, lui, cette opportunité et les autres devront débattre de l’intérêt de saisir celle-ci ou de laisser tomber.  Cela dit, l’usage par les jeunes enfants en autonomie semble bien délicat car le gameplay est fragile : il n’est pas rare que les jeunes participants ne comprennent pas ce que signifient les chiffres qui apparaissent dans leur case de BD et, surtout, qu’ils n’ont pas les mêmes que les autres.

Cela dit, si ça prend, vous vous retrouvez en effet à faire du roleplay et à chercher à optimiser les talents divers de l’équipe afin de réussir collectivement : une situation très JdR sur table, non ?

Mais tout ça, c’est sooooo 2019.

Non, 2020, c’est le temps des boîtes ou livrets de JdR dédiés aux enfants dès 8 ans afin qu’ils se débrouillent tout seuls, entre Kevin, pour monter leur propre après-midi JdR. Oui, sans que Papa vienne leur expliquer que c’est pas mal mais que c’est quand même pas du vrai de vrai de chez JdR et que, de toute façon, le JdR, c’était mieux avant. Ouf, tant mieux pour eux.

A priori, les deux éditeurs concernés, Fleurus (encore !) et 404, vont dégainer en même temps (magie de l’espionnage industriel ^^) vers février/mars avec des ouvrages aux titres quasi identiques. Et dans les deux cas, comptez sur nous pour vous tenir au courant en détail, tant la nouveauté nous semble ici digne d’intérêt pour le futur de notre loisir.

Du côté de chez 404, on mise sur la bonne vieille boîte qui rassure grâce à son format jouet et à ses petits gadgets rigolos : un poster recto/verso avec les lieux du mystère, 40 cartes, un livret de scénario et de règles (d’une quarantaine de pages, a priori) et même une bande-son pour immerger les enfants dans l’ambiance. Le tout pour… (un tout petit peu) moins de 10 euros. Ouch.

Le jeu est conçu pour 4 PJ et un mini-MJ. Les cartes servent à gérer la « feuille de perso » et l’inventaire. De temps en temps, des jets d’un D6 sont requis contre une difficulté de 2 à 6. Les talents des PJ sont inscrits sur leur carte à jouer et permettent de réussir plus facilement. Tout ceci permet d’avancer dans l’aventure qui sera visiblement essentiellement l’exploration de pièce en pièce d’un manoir mal fréquenté. C’est François Lévin qui est à la manœuvre. Déjà auteur des livres d’initiation au JdR chez 404, on peut s’attendre à du solide. Nous vous proposerons une interview de l’auteur dans les prochaines semaines.

Chez Fleurus, initiative plus inattendue, on mise sur des petits livrets tout maigrelets de 48 pages à prix très accessible (là aussi, autour de 10 e) mais qui risquent de subir la concurrence au même prix de la boîte de 404 qui présente, elle, des petits bouts de machin à manipuler. Cela dit, on n’apprend pas aux vieux singes à faire la grimace et Fleurus n’a pas omis d’inclure dans ses livrets des cartes et des pions mais à découper, eux. On retrouve aussi les QR Codes pour les extraits sonores (décidément…). Enfin, atout de ces livrets, leur couverture cartonnée est conçue pour pouvoir servir de paravent du MJ. Ah, Papa et Maman vont être fiers de vous, jeunes rôlistes !

Et, au cas où cela ne suffirait pas à emporter le morceau, la sortie d’un coffret « deluxe » avec des éléments en dur est programmé pour la fin de l’année 2020.

Nous vous détaillerons le fonctionnement de ce JdR junior dans un très prochain article mais on retrouve des principes similaires à la concurrence avec des cartes à jouer pour choisir son PJ et gérer son inventaire mais enrichies ici de pions pour les différents compteurs.

Autre différence intéressante, ces livrets de 48 pages (qui s’adressent visiblement à un public un poil plus âgé que celui de 404) comportent chacun pas moins de 4 scénarios (courts) dans un univers partagé. Pour le moment, le medfan classique et un univers Potter-like (avec une pointe de SF ?) sont les deux premières sorties de la gamme.

On a hâte de voir, dans quelques années, ce que pourrait donner une génération de rôlistes auto-formés, qui auront pu envisager le jeu selon leurs propres codes et envies, sans devoir assumer les vues préformatées des générations précédentes sur le roleplay, le simulationnisme, les scénarios, etc.

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