Runequest remet les Pégases [chronique Le plateau Pégase & autres histoires]
On ne va pas tout récapituler, par bonté d’âme, mais on doit quand même resituer le contexte : nous avons consacré une longue revue en plusieurs épisodes de la première (grosse) livraison de la gamme VF pour le nouveau Runequest chez Studio Deadcrows. Le bilan était, en substance : c’est bien mais cela manque un poil de scénarios one shot pour tester le jeu sans mettre le doigt dans l’engrenage de l’excellente mais ambitieuse campagne Les enfants de la flamme. Il y a bel et bien des scénarios dans le Kit de la meneuse ou même dans le Bestiaire mais tous n’ont pas su nous séduire.
Logiquement, la deuxième vague de suppléments VF, désormais disponibles, concerne… deux recueils de scénarios one shot. C’est ce qu’on appelle une politique éditoriale carrée-carrée ! On va regarder de plus près le premier d’entre eux, Le plateau Pégase & autres histoires, et vérifier s’il fait bien le job.
Sous sa magnifique couverture rigide, le recueil de 160 pages propose, aux mêmes standards de présentation que les précédents ouvrages de la gamme, pas moins de sept scénarios auxquels s’ajoutent quelques bricoles de contexte sur lesquelles on reviendra. Il n’y a pas de règles, de cultes décrits, de listes de sortes ou que sais-je : que du scénario. Il n’y a pas non pus vraiment de thème si ce n’est (vaguement) la localisation géographique des intrigues. Enfin, il n’y a pas non plus de fil conducteur permettant vaguement de relier les scénarios entre eux pour faire une vaste campagne (même si c’est toujours possible de relier deux ou trois d’entre eux à la suite via le clan des PJ). Du one shot, vraiment.
Cet aspect des choses est renforcé par le fait que ce sont plusieurs auteurs différents (parfois très prestigieux comme Steve Perrin ou John Wick) qui ont œuvré dans ce recueil, apportant chacun une touche très différente. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur le rappel du mantra gloranthien ici particulièrement bien venu : « Votre Glorantha peut varier ».
Le titre du recueil et sa couverture (il en fallait bien une) peuvent d’ailleurs induire en erreur sur ce point : le livre n’est pas spécialement centré sur le Plateau Pégase et les bêtes qui le fréquentent (qui, spoiler, ne sont donc pas du tout des chevaux volants…). Il s’agit seulement du premier scénario du recueil, pas forcément le plus long et pas forcément non plus le plus intéressant. IL reprend la tarte à la crème du festival/foire/rassemblement festif émaillé d’épreuves durant lesquelles les PJ vont devoir battre des PNJ en utilisant leurs compétences. Amusant à la lecture, ce genre d’intrigues est en général une misère à mettre en scène autour de la table avec un manque de rythme et un aspect répétitif. Ici, le contexte religieux et culturel de Glorantha donne fort heureusement une profondeur bienvenue à l’événement (qui n’apparaît pas comme une fête de la saucisse et de la bière lambda…) mais l’intrigue ne fonctionnera que si les PJ ne traînent pas de la semelle pour y participer.
Le reste des scénarios est bien trop varié pour être décrits ici, surtout sans spoiler. On peut simplement dire qu’ils se déroulent dans ou autour de la Passe du Dragon (l’un s’aventure assez loin dans Prax). Ils mettent systématiquement en avant la question culturelle autour des clans et des tribus ou, au moins, des communautés humaines installées sur les lieux (qui ont bien des problèmes visiblement !), ce qui semble le minimum quand on veut créer une intrigue dans Glorantha. A ce titre, La Grue grise avec ses implications religieuses mais aussi le thème de la présence et de l’éventuelle collaboration avec les Lunars m’a semblé particulièrement intéressant. De même, Les Pierres de mariage et son dilemme proposé aux PJ pour résoudre la question d’une histoire d’amour plus compliquée qu’elle n’en a l’air interroge tout particulièrement les conséquences des actes de PJ totalement intégrés dans l’univers fictionnel.
A ce titre, le point faible du supplément est forcément dans son présupposé : faire des one shot dans Glorantha reste difficile. Quasiment tous les scénarios se basent sur le fait que les PJ viennent aider les gens des communautés concernées à résoudre leurs problèmes sans pouvoir s’appesantir sur le pourquoi du comment ? On ne peut pas toujours tisser des liens de famille ou entre clans partout et, souvent, il reste l’impression que seul le modèle des aventuriers mercenaires errants à la D&D pourra permettre d’enclencher l’aventure prévue. De toutes façons, pour le début comme pour le reste, les scénarios nécessiteront du travail de la part du MJ pour être jouable par le groupe de PJ. C’est one shot, ce n’est pas plug & play.
Pour ceux qui, ne connaissant pas bien Glorantha, s’effraieraient un peu en pensant qu’il ne s’agit que de vagues histoires de tabous religieux et de relations claniques compliquées, qu’ils se rassurent ! Glorantha est aussi un univers très fantastique et qui sait se faire spectaculaire dans plusieurs de ces scénarios. Le vent cliquetant et Le creux de Sombresaule, en particulier, mettent en scène de redoutables manifestations du chaos sous la forme de morts-vivants de différentes formes qu’il faudra combattre par tous les moyens possibles, physiques et spirituels. Non, vraiment, il y aura son lot d’actions d’éclat.
A ce titre, un petit défaut récurrent de ce Runequest auquel n’échappe pas ce recueil : les stats blocks sont interminables et en plus mal pris en compte par la maquette. C’est long, confus (on repère mal où se terminent la description du PNJ, ses stats ou la suite de l’intrigue) et parfois cela s’étale sur des pages différentes, ce qui s’avère peu pratique en pleine action.
En plus des sept scénarios, le livre comporte une nouvelle tribu sartarite qui peut devenir la patrie des PJ. Elle est toutefois décrite avec bien moins de détails que les autres et son utilité n’apparaît donc pas vraiment flagrante.
enfin, le recueil se termine par la description d’un petit bourg peuplé de personnalités hautes en couleurs (y compris un Canard initié d’Humakt !). C’est un lieu intéressant à visiter mais sa taille très modeste et ses spécificités dans la région font douter de la pertinence, là aussi, de s’en servir (comme c’est proposé) comme lieu d’origine des PJ.
Est-la peine de la préciser ? Le livre est magnifique en termes d’illustrations (dans le même style que le reste de la gamme) et en cartes et plans. Ceux-ci sont d’ailleurs disponibles en tirés à part dans le cadre d’une pochette d’aides de jeu partagée avec l’autre recueil de scénarios (Les ruines fumantes & autres histoires) dont nous vous reparlerons prochainement. La pochette contient aussi des tirés à part des portraits des PNJ des scénarios. Un gadget, certes, mais plutôt sympathique et utile, surtout si vous avez l’intention de jouer nombre de ces scénarios.
Au bilan, Le Plateau Pégase & autres histoires ne fait pas tout bien ; ainsi, à titre personnel, il est certain que je ne ferai pas jouer certains de ces scénarios. Mais c’est certainement la loi du genre, le recueil de scénarios one shot. On peut au contraire se féliciter de l’existence dans une gamme encore jeune d’un tel recueil qui fait bien le travail qu’on lui demande : fournir à chaque MJ -quelles que soient ses préférences de jeu – 3 ou 4 scénarios assez faciles à mettre en œuvre tout en lui ouvrant les yeux sur les riches possibilités de jeu dans un monde tel que Glorantha.
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