L’héritage de Saint Ferrand [interview Le Legs de Saint-Aymond]

Il existe des JdR qui peuvent intimider. Que ce soit par leur histoire (plusieurs éditions) et la richesse qui en découle (plusieurs suppléments). Et quand bien même, admettons que l’on maitrise l’univers sur le bout des doigts, il se pose toujours les questions : « par quels bouts prendre tout ce contexte ? Quelles factions mettre en jeu ? Où démarrer l’intrigue ? ». Et sur le podium de ces jeux, on peut facilement citer… non… gardons encore son nom secret pour le moment. Alors que pour certains rôlistes, cette tache semble infaisable, Cedric Ferrand répond à ces questions comme ça… une initiative personnelle, parce qu’il avait un peu de temps libre et qu’il avait envie d’écrire. Et le fruit de ce travail s’intitule Le Legs de Saint-Aymond et sera en souscription à partir 26/08/2024 18:00 jusqu’au 09/09/2024 23:00. Et pour en savoir plus, nous avons été poser quelques questions à Cédric. L’occasion aussi pour vous de savoir quel est ce fameux jeu dont on parlait un peu plus haut.

Le Fix : Bonjour Cédric. La dernière fois qu’on t’a interviewé, c’était pour la seconde édition de Wastburg. Comment ça va depuis le temps ?

Cédric Ferrand : Salut le Fix. Ben oui, avec Wastburg, tu m’as attrapé à un moment vraiment étrange où on a maintenu une campagne de financement alors que le monde était suspendu le temps du premier confinement. C’était vraiment étrange de vendre sa salade ludique alors qu’on ne savait pas de quoi allait être fait nos lendemains. On promettait une livraison des mois plus tard sans être sûr qu’on serait encore vivant pour livrer la marchandise si ça partait en mode peste noire ravageant le monde. C’est d’ailleurs pour fuir ces angoisses existentielles que je me suis réfugié dans l’écriture d’une campagne feel good, donc les deux projets sont liés, quelque part.

Le Fix : Encore une campagne Nephilim !?! Mais je n’ai pas encore fini de jouer celle de la saison 1 !

CF : Je sais bien, j’ai les trois énormes boîtes de la V5 dans ma ludothèque, et je n’ai même pas eu le temps de tout feuilleter tellement c’est massif. Et justement, le Legs de Saint-Aymond, c’est un peu comme si tu étais face à une série télé de 12 saisons que plein de monde te conseille, mais qui t’intimide, forcément. Tu ne veux pas te lancer dans un marathon et découvrir que tu n’aimes pas tant que ça cet univers. Moi, je te propose un film qui se passe dans le même univers et qui propose un début, un milieu et une fin. Tu aimes, tu peux enchaîner avec la série en confiance. Tu n’a pas tant apprécié ça ? C’est pas grave : tu as quand même eu une histoire complète, tu ne seras pas frustré d’avoir perdu ton temps.

Le Fix : D’ailleurs, sur le visuel de la boîte ou la page du financement, il n’est aucunement fait mention de Nephilim. Ou c’est secret et j’ai fait une boulette ?!

CF : Le truc, c’est qu’il y a des MJ cachotiers qui ne vont pas dire à leurs joueuses qu’elles vont jouer dans l’univers de Nephilim. Parce que dès qu’on te dit le nom Nephilim, ça vient avec une certaine idée. Tu t’attends à des trucs spécifiques, tu vas anticiper des choses, te mettre dans un certain état d’esprit… Alors que si on te ment amicalement, tu y vas sans chercher à expliquer le scénario par tes connaissances en méta-jeu. Évidemment, je me doute bien que certains vont tiquer dès qu’ils vont entendre des mots comme Templiers ou orichalque, mais il y a moyen de faire illusion avec pas mal de joueuses, je pense.

Le Fix : Peux-tu nous présenter le pitch de la campagne ?

CF : Les PJ sont des adolescents qui passent les grandes vacances à Saint-Aymond, un paisible village fictif que j’imagine dans la diagonale du vide (mais que vous pouvez placer dans votre coin de pays). Mais rapidement, nos héros vont être mis sur les traces d’un mystère qui va progressivement dévoiler le passé invisible du village. Et en plus de cet appel de l’aventure, ils vont être au cœur d’un drame familial. Bref, l’initiation des joueuses va se doubler de l’apprentissage des adolescents, qui vont grandir le temps d’un été hors norme. Promis, à la fin, ils ne découvriront pas que le vrai trésor, c’était l’amitié. Encore que…

Le Fix : Pourquoi avoir choisi un lieu fictif comme cadre de jeu ?

CF : Parce que c’est quand même bien pratique. J’ai basé cette histoire sur mes propres souvenirs de vacances chez mon arrière-grand-mère à Crapéou, un hameau niché au pied de la montagne de Tantenet. C’est pas que j’ai honte d’avoir grandi dans le Bugey, mais mon petit doigt me dit que plutôt que chercher à coller au réel à tout prix en vous décrivant l’église de Conzieu ou le lac d’Ambléon, il est plus efficace de rendre ça un chouille plus universel en créant un village archétypal que vous pouvez plus facilement vous approprier. De nombreux PNJ sont basés sur des personnes bien réelles (que j’ai déformées pour des raisons ludiques), mais que ce personnage de facteur qui fait le DJ les fins de semaine ait existé ou non vous importe peu. Saint-Aymond est fictif mais paradoxalement très tangible pour moi.

Le Fix : Est-ce que la campagne utilisera le dernier système Nephilim ?

CF : Non, comme les PJ sont des adolescents et qu’ils ne font pas de magie, ça aurait été contre-productif d’utiliser le moteur de jeu de Nephilim. À la place, j’ai phagocyté (avec l’accord de son auteur Côme Martin) l’excellent Deux Étés, qui est un astucieux jeu sans dé qui colle parfaitement à l’ambiance que je cherche à émuler, soit le Club des 5/le Clan des 7 de la Bibliothèque verte.

Le Fix : On m’a toujours dit que la meilleure porte d’entrée pour Nephilim, c’était Trinités. On m’aurait menti ?

CF : Je vais être honnête : j’ai lu le livre de base de la première édition de Trinités, dans le temps, et je n’ai pas tout compris. J’ai bien vu que le jeu essayait d’être une version plus accessible de Nephilim, mais je n’y ai pas retrouvé mes petits. Des tas de rôlistes semblent cependant avoir adoré ce jeu, donc il a clairement répondu à un besoin. Dans mon souvenir, les Trinités étaient très proches des Ar-Kaïm dans Nephilim. Or c’était déjà un concept que je n’avais pas apprécié dans le jeu d’origine, donc je n’étais clairement pas le public-cible.

Le Fix : L’univers de Nephilim est dense. Pour le rendre plus léger, il faut forcément enlever des trucs. Qu’as-tu enlever ?

CF : Tout. J’ai fait une liste des briques essentielles du jeu (les stases, l’orichalque, les Templiers…) et j’ai trouvé un moyen scénaristique d’introduire progressivement chacun de ses items dans l’intrigue, en expliquant au lecteur en termes simples ce qu’était cette chose. Dans les faits, je n’utilise qu’un infime pourcentage du livre de base de Nephilim car il ne sert à rien que j’explique ce qu’est, par exemple, un Selenim puisque ce n’est pas un des piliers du jeu. C’est comme si on devait t’initier à Magic: l’Assemblée. On pourrait te dire : vas-y, construis toi-même ton deck en sélectionnant des cartes parmi les 50 000 cartes uniques de la gamme qui ont été éditées en 30 piges. Tu serais perdu. Mais un pote pourrait te monter un deck pour bien débuter en te filant le bon nombre de terrains, un ou deux artefacts utiles, des créatures faciles à jouer pour une première partie… Ben ce Legs, c’est un peu ça : une sorte de deck de départ qui te permet de découvrir en douceur les mécaniques de base.

Le Fix : Comme on joue des adolescents, je me pose la question : à quels joueurs s’adresse la campagne ? Des jeunes rôlistes, des rôlistes débutants ou des rôlistes aguerris fan de Rolemaster ?

CF : À moins d’être vraiment allergique au diceless, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher n’importe quel rôliste de jouer au Legs. Les enjeux sont certes locaux (désolé, vous ne sauverez pas le monde), mais je pense qu’il y a de quoi s’amuser. Évidemment, comme on incarne des adolescents en vacances, ne vous attendez pas à trouver une table de dispersion des grenades (tu n’as pas honte, Nephilim 3e édition ?). L’histoire est solaire, c’est à dire qu’elle est assez lumineuse, malgré quelques passages un peu plus glauques. Le jeu fonctionne bien avec des rôlistes débutants ou bien des vieux grigous qui veulent goûter à l’Histoire invisible.

Le Fix : Admettons que ton initiation m’ait plu (en tout bien tout honneur). Avec quel ouvrage de la gamme Nephilim puis-je enchaîner ?

CF : Il se trouve que les Héritiers de Babel ont publié un kit de démarrage gratuit qui s’intitule Nephilim Quintessence. Il permet de découvrir la 5e édition de Nephilim en douceur. Et le scénario de ce kit a été écrit par… moi. Oui, désolé, l’initiation est une vieille marotte. L’intrigue se déroule dans Chambéry, la ville où je suis devenu adulte en partant y faire mes études. L’histoire est simple, assez didactique, et permet de faire le tour des incontournables de Nephilim.

Si vous accrochez, la prochaine étape naturelle me semble le livre de base de la 5e édition, c’est lui qui donne les clefs pour tout le reste. Et honnêtement, il n’est pas si intimidant que ça, j’ai réussi à initier ma table de jeu montréalaise avec. Il faut y aller une étape à la fois : pas besoin de lire de supplément, il contient de quoi jouer des heures et des heures. Avec ma complice Guylène Le Mignot, nous avons écrit une petite campagne intitulée Le Réveil des éléments qui permet de visiter plusieurs lieux iconiques de la région Rhône-Alpes, le tout avec une intrigue mémorielle. Là encore, pas besoin de maîtriser l’univers de jeu sur le bout des doigts, tout est basé sur des choses faciles d’accès.

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La page de la souscription (ouvre le lundi 26 Aout à 18h00)

Une pensée sur “L’héritage de Saint Ferrand [interview Le Legs de Saint-Aymond]

  • 6 septembre 2024 à 17:58
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    Ah… Crapéou… l’église de Conzieu magnifique… et le lac d’Ambléon…
    Merci, Cédric, d’avoir ravivé ma mémoire.
    Je me doutais bien qu’on allait trouver dans Saint Aymond, quelques ingrédients dont tu aurais le secret.
    Le projet devrait dépasser les 400 % (20 000 euros), je pense.
    Je suis très heureux que ce projet réussisse et je vais, de ce pas, y participer.

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