Argyropée part à l’aventure
Il y a deux ans, un jeune auteur lançait une souscription pour son propre jeu ; Argyropée. Souvenez-vous, à l’origine, les plateformes de financement participatif servaient à ça… Fort de ce succès, Frédéric Marin nous revient aujourd’hui avec une nouvelle souscription consacrée à la suite d’Argyropée. A cette occasion, nous lui proposons une nouvelle interview. Soyons témoins de cette nouvelle gamme en train de naitre.
Le Fix : La première fois qu’on s’est parlé, il y a maintenant deux ans, on ne s’est pas vraiment présentés. Nous c’est Le Fix, on aime l’argent et la lumière. Et toi, t’es qui ? Et comment es-tu arrivé au JdR ?
Frédéric Marin : Et bien ma foi, nous allons nous entendre car le JdR dont nous allons parler s’appelle Argyropée, sous-titré les Sentiers d’Argent ! Je suis Frédéric Marin, alias Guliver (le pseudo de mes jeunes années de rôliste) et si je reviens cette année, c’est justement pour parler de mon nouveau financement participatif. Je suis l’auteur du JdR de Renaissance-fantasy urbaine Argyropée, ainsi que l’auteur du livret Speedrun RPG, qui permet de speedrunner (finir le plus vite possible) vos vieux scénarios de JdR déjà joués et qui dorment sur vos étagères, à la manière des jeux vidéos. Je suis rôliste depuis mes quinze ans, ayant fait mes armes sur D&D édition 3.5, puis sur bien d’autres univers et systèmes de règles depuis. J’ai une bibliothèque bien fournie et presque entièrement lue, ce qui m’a permis d’expérimenter de nombreux moteurs de jeux et univers, et de faire le tri entre ce que j’aimais et ce que je ne souhaitais pas autour de ma table. Ce travail ludique s’est cristallisé en un JdR dont il est question ici : Argyropée.
Le Fix : La souscription pour Argyropée a été un beau succès. Pourtant tu étais tout seul et n’avais pas un nom connu dans le milieu ? Qu’est-ce qui d’après toi a fait le succès de la souscription ?
Frédéric Marin : J’ai lancé la gamme Argyropée l’année dernière, en mars/avril 2023, grâce à un financement participatif sur Game on Tabletop. L’idée était de réunir l’argent nécessaire pour payer les frais d’impression et d’envoi des livres de base, de l’écran et des premiers suppléments d’aventures. Les illustrations et les autres coûts étaient de ma poche. J’ai engrangé bien plus qu’espéré pour un sans-nom, un type qui débarque de nul part dans le microcosme du JdR, et j’ai pu me rembourser intégralement et livrer tous les livres en temps et en heure. Bref, ce fut un succès inespéré dont je m’étonne encore maintenant. L’accueil a été génial pour un JdR qui va à contre-courant de ce qui sort aujourd’hui : jouer dans un univers positif, low-fantasy, axé sciences, arts et politique (non sans oublier tous les bas côtés de l’humain). C’est probablement ce qui a fait le succès de cette gamme, le milieu rôliste étant saturé de dark fantasy pessimiste et de combats contre des dragons herculéens. Un autre aspect qui a peut-être contribué à décrocher un tel succès est que tous les livres proposés étaient déjà prêts à être imprimés, ce qui m’a permis de livrer dans les mois suivants.
Le Fix : Les possibilités qu’offre Argyropée nous paraissent riches et variées. Mais du coup, on a du mal à savoir ce que l’on peut jouer concrètement. Est-ce que tu peux nous éclairer sur ce point ?
Frédéric Marin : C’est bien là ce qui est chouette, on peut presque tout faire. Le supplément 0 « Anarchitectures » permet de jouer un scénario de revanche / lutte des classes avec un ton résolument divertissant. Le supplément 1 « Premiers pas » est une enquête urbaine sans violence afin de découvrir en douceur l’univers et les règles. Le supplément 2 « Clair de lune » est un drame humain sur fond d’astronomie et d’art. Enfin, le supplément 3 « Fripouilles » est un scénario de mafieux dans le monde du sport aéronautique, écrit d’une manière très spéciale. Mais ce n’est pas tout, il est possible de jouer des aventures politiques, horrifiques, occultes, humoristique… bref ce que vous voulez. Argyropée est une cité gigantesque où presque tout peut arriver. Vous incarnez des gens du commun, ni héros ni anti-héros, aux prises avec des intrigues complexes. Ce sont des aventures à échelle humaine, sans manichéisme.
Le Fix : Tu vas lancer une souscription le 3 septembre. Ce sera l’occasion de proposer plusieurs « gros scénarios ». Pourquoi pas une campagne ?
Frédéric Marin : Qu’est-ce qui différencie un scénario d’une campagne ? C’est le nombre de pages ? Ou alors la durée de jeu ? Question difficile. Je propose, lors de ce second financement participatif, deux suppléments d’aventures qui dépassent les 120 pages et les 30 heures de jeu chacun. Je les appelle des gros scénarios, mais à chacun sa définition. En tout cas je souhaite proposer des aventures qui ne demandent pas deux années de jeu intensif pour être finies. Mais peut-être que cela arrivera dans le futur, allez savoir ?
En ce qui concerne les suppléments de ce financement participatif, le supplément 4 « Rêve de néant » (128 pages) est un thriller psychologique haletant soutenu par un scénario dense et complexe, tandis que le supplément 5 « Les Crépusculaires » (148 pages) est au contraire un immense bac à sable non scripté où les joueurs incarneront des espions du Grand-Empire venus dérober un secret militaire à Argyropée. Construits sur des oppositions (Gyropéens/Impériaux, linéarité/monde ouvert), ces deux suppléments sont unis par une même volonté ludique : explorer la violence et ses conséquences dans les Sentiers d’Argent.
Le Fix : Est-ce qu’on sortira de la cité franche d’Argyropée ? Où le jeu se veut résolument urbain ?
Frédéric Marin : En ce qui concerne les suppléments 4 et 5 (ainsi que le supplément 6 déblocable durant ce financement participatif), non, on restera à Argyropée. Pourquoi ? Et bien comme vous l’avez si bien dit, c’est un JdR essentiellement urbain. Il y a une raison intradiégétique à cela (que l’on appelle la Mélancolie, voir livre « Univers & Secrets »), néanmoins le supplément 7 (à venir en 2025) proposera de jouer dans la campagne gyropéenne, histoire de varier les plaisirs. Mais ne vous attendez jamais à parcourir le monde d’Argyropée, ce n’est pas le but de ce JdR qui possède déjà assez de secrets urbains pour vous occuper pendant une décennie de jeu. Et puis sinon, ce ne serait qu’un énième décalque de D&D, alors autant se focaliser sur les spécificités de ce jeu, non ?
Le Fix : De la même manière, Argyropée se distinguait par son ton lumineux au milieu d’une production saturée de jeux à l’ambiance sombre ? Est-ce que tu vas continuer dans ta voie ou céder à la facilité et rajouter Cthulhu ou des Elfes Noirs ?
Frédéric Marin : Je persiste dans cette voie, pour les raisons déjà explicitées dans les deux livres de base « Univers & Secrets » et « Règles & Bestiaire ». Nous sommes dans un univers où les elfes, les orques, les dragons et les horreurs cosmiques n’existent pas (notons tout de même l’existence d’un petit bestiaire fantastique propre à l’univers), où le progrès social, artistique, religieux et scientifique guide la cité franche, où l’on peut se balader la nuit sans craindre un coup de dague.
Bien sur, tout n’est pas rose dans la cité, mais les spécificités de cet univers (Châtiment vermeil, Mélancolie, règles sur le port d’armes…) font que l’on doit aborder le jeu d’une manière différente de d’habitude. Néanmoins, cela n’empêche absolument pas d’aborder des thèmes matures et complexes qui ne se régleront pas aussi simplement qu’avec un coup d’épée.
Le Fix : Au Fix, on a loupé la première souscription. Est-ce qu’on pourra se rattraper ?
Frédéric Marin : Oui, les ouvrages déjà publiés de la gamme seront achetables lors de ce financement participatif, mais en quantités très très limitées. Ce sont les fins de stock et je ne prévois pas de réimprimer tout ça, tout du moins pas dans un avenir proche. Si vous voulez acquérir la gamme et les nouveaux suppléments, ne tardez pas.
J’en profite pour annoncer aussi que tous les supplément achetables ou déblocables de ce nouveau financement participatif ont déjà été écrits, illustrés, relus et maquettés, comme lors du premier financement. Ainsi, les contributeurs recevront leurs PDF dès la fin de la campagne et les livres physiques dans les mois suivants (le temps de l’impression en Belgique et de l’envoi par Mondial Relay / Colissimo).
Le Fix : En lisant entre les lignes de ce que tu communiques sur ta future souscription, on a l’impression que tu as une idée assez précise du développement de la gamme d’Argyropée, on a bon ou c’est du bluffes et tu improvises au fur et à mesure ?
Frédéric Marin : Je n’improvise rien, tout bonnement parce que les suppléments 7 à 10 sont déjà entièrement ou partiellement écrits/illustrés à l’heure où nous discutons. J’ai des histoires à raconter et ça va me prendre des années. Pour autant, Argyropée n’est pas un jeu avec un fil rouge (comme COPS par exemple), vous pouvez jouer le supplément 7 puis le 2 puis le 4 et ne jamais jouer le 3 et le 5 si vous le souhaitez. Tous ces scénarios sont indépendants, même s’ils possèdent des références aux autres suppléments sans pour autant que ce ne soit dérangeant. Le but est que vous vous appropriiez la cité. Ce n’est pas à moi de vous dire ce qu’il doit s’y passer. Je propose des aventures, vous disposez de ce dont vous voulez.
Le Fix : L’expérience de ta première souscription ne t’a pas refroidi et t’as même incité à continuer au point de sortir Speedrun RPG ? Comment es-tu passé d’Argyropée à ce projet ?
Frédéric Marin : Ces deux projets étaient dans le coin de mon esprit depuis fort longtemps. L’un parce que j’ai des choses à raconter, l’autre parce que je voulais m’amuser. Speedrun RPG, qui consiste à appliquer les codes du speedrun des jeux vidéo aux JdR, c’est-à-dire finir le plus vite possible un scénario déjà joué en s’appliquant des contraintes supplémentaires (sans se faire toucher, sans se faire voir, avec des glitchs de règles…) est un petit projet unique. Ça a été un pur moment de fun à développer, tester et publier. Je suis ravi d’avoir été le premier à proposer ce genre d’expérience formelle à la communauté JdR, mais je souhaite me concentrer sur Argyropée pour les années à venir.
Le Fix : Derrière chaque rôliste, il y a un créateur qui rêve de faire connaître son super jeu ou sa campagne maison ? Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer ?
Frédéric Marin : Il y aurait beaucoup de conseils à donner tant le parcours est long et complexe. Mais, si je ne devais en retenir qu’un, ce serait que vous fassiez relire par de nombreuses personnes que vous ne connaissez pas. Vos amis, votre famille et vos contacts sur les réseaux sociaux n’oseront sans doute pas vous le dire si ce que vous proposez est mauvais. Vous aurez peut-être des conseils, des suggestions et des encouragements, mais ce n’est pas suffisant.
Ce qui va améliorer votre jeu est de le confronter à la critique froide, chirurgicale et sans filtre de gens qui ne vous connaissent pas et qui peuvent vous dire franchement ce qui est nul, bon ou à améliorer. Ça peut faire mal, très très mal. C’est potentiellement décourageant, mais vous devrez passer par là si vous souhaitez proposer un projet de qualité à la communauté. Bien des projets échouent auprès du grand public car ils n’ont été jugés que par des amis bienveillants qui ne voulaient pas froisser leur copain/copine.
LIENS
– La page de la souscription (du 27/08/2024 au 29/09/2024)
– Notre première interview de Frederic, à l’occasion de la souscription du livre de base
Le lien pour le financement participatif : https://www.gameontabletop.com/cf2051/argyropee-supplements-d-aventures.html