L’ange d’Arkeos
Hum, je crois que je commence à tout emmêler dans cette trépidante rentrée niveau foulancements de JdR. Non, aujourd’hui, on va vous parler de l’homme qui tente de se cacher maladroitement derrière la boîte de 4 kg de Arkeos : Christian Grussi. Cette toute nouvelle édition du jeu pulp, désormais appelé Arkeos Adventures, est donc désormais en cours de foulancement sous pavillon de Rafiot Fringant. Un gros projet pour le jeune label d’auto-édition quand ben même son capitaine est largement blanchi sous le harnois. Il nous fallait donc aller oser quelques questions à l’homme de barre pour savoir comment il allait, seul, conduire cette très, très grosse embarcation sur les mers tumultueuses du foulancement.
1. Honnêtement, entre les petits livrets souples de la première édition et la grosse boîte qui se profile à l’horizon, il n’y pas moyen de voir la moindre filiation entre les deux Arkeos, si ?
La couleur, le format mook des livrets et l’illustrateur ? J’ai bon ? Ça te suffit comme explication ? Non ? Bon, on va aller un peu plus loin alors. Ouais. Il y a un gap. Même si je tenais particulièrement à garder le même format pour les livres, même si la pagination est plus importante. Après tout, ça a été la marque de fabrique de la 1ère édition.
Sinon, oui, on est sur système totalement différent. Bye bye l’EW-System, qui est ancré dans son époque. Bonjour à un système qui met la narration à l’honneur, au travers de la prise de risques. Quant au background, bien que très semblable et compatible, il a lui aussi évolué, s’est étoffé, et a gagné en cohérence.
On va retrouver les Grabräubers, la civilisation perdue des Arayans, la magie, les monstres, des organisations secrètes, et même des PNJ déjà présents dans la 1ère édition. Mais aussi des nouveautés, comme l’agence Dobbs, une petite organisation qui lutte contre les Grabräubers, genre à la Kingsman, que les héros pourront intégrer.
2. Je crois savoir que ça fait une bonne quinzaine d’années que tu peaufines cette seconde édition. A quel moment on sait que le jeu est prêt, en fait ?
Quand pour la première où l’on se relit et où on se dit « ça coule tout seul ! C’est moi qui ait écrit ça ? vraiment ? Ah, cool ! ». Et non, je ne plaisant même pas en disant cela. Il y a eu… voyons… au moins 15 moutures qui ont toutes finies dans les limbes de mes archives. Pour te donner une idée, la précédente mouture des règles, écrite avec amour et passion, m’a fait un drôle d’effet quand j’ai ouvert les fichiers après quelques mois à la laisser reposer. Ma réaction a été « Mais c’est de la merde ! En barre ! ». Véridique. En me relisant, je me suis ennuyé comme jamais, et je n’arrivais même pas comprendre les rouages de ce… truc. Alors j’ai ouvert un fichier vierge, j’ai pris une respiration, et j’ai tout recommencé. En étant drastique dans mes choix. En me posant mille et une questions pour chaque terme. En cherchant un ton… et au final, ça a été la bonne.
Des règles simples, intuitives, qui se lisent d’une traite, sans avoir à faire des aller retours pour comprendre.
Alors bien sûr je n’ai pas bossé quinze ans non-stop sur le bébé. Il a fait des grosses siestes. Mais à chaque fois, il revenait, s’enrichissait, s’affinait. Ou se refondait en grande partie. Un travail de longue haleine.
3. Mouais, du pulp en JdR, hein ? C’est vraiment possible, ça, un JdR pulp. Il ne va pas falloir découper chaque action héroïque en dix jets de brouettes de dés pendant 20 mn, hmmmm ?
Lancer des brouettes de dés, lire les résultats, faire des combinaisons, additionner une pléiade de chiffres, soustraire des malus… ; Il est où le pulp là-dedans, Ce qu’on veut, c’est « mais c’est que j’vais lui mettre un bourre pif à ce nazillon ! Il va apprendre à connaître Raoul », et crac, l’action prends vie ! On veut pouvoir sa balancer au bout d’une corde en évitant les fléchettes des indigènes, attraper la belle sans se défaire de la statuette en or, faire une pirouette et atterrir avec style en ayant un sourire en coin. Bref, du « Larger than life ».
Et pour faire ça, j’ai choisi de baser la mécanique sur la prise de risque et sur le verbe. On fait une mise en racontant ce que fait le héros. On peut même faire plusieurs mises en même temps, chacune correspondant à une action. Genre « Je me jette à terre pour éviter la rafale (4 points), tout en dégainant mon flingue et faire feu sur le grand blond à la sulfateuse (5 points) ». Il suffit alors de comparer la mise avec le niveau de danger que l’on dévoile pour savoir qui l’emporte. Si c’est le héros, le niveau de danger est réduit, et à l’inverse, s’il échoue, il perd des points d’Audace. Et on enchaine !
Et ce jusqu’à épuisement du niveau de Danger ou de l’Audace. On raconte, on mise, on s’adapte en fonction du résultat. Le héros dispose d’Atouts qui vont augmenter sa mise, et le meneur de Complications qui vont augmenter le danger. On est sur des calculs très simples, avec des valeurs faibles, et c’est très visuel : des jetons et des cartes qu’il est facile de regrouper, avec une lecture quasi directe.
Après un petit rodage, c’est rapide, et la mécanique s’efface au profit de la narration. En fait, elle ne s’efface pas, mais va venir l’enrichir, par du rebondissement ou des aléas.
Si un héros décide de prendre des risques, c’est-à-dire miser plus de la moitié de ses points d’Audace disponibles en une fois, il devra tirer une carte de Fortune, dont l’effet s’applique immédiatement. Celle-ci peut aussi bien lui donner un sacré coup de pouce, ou au contraire faire échouer son action de manière spectaculaire.
Et il y a les points d’Intrigue, qui permettent d’ajouter des éléments narratifs importants, comme ajouter un talent au héros quand il en a besoin (mais oui, je lis parfaitement le démotique. Tu ne le savais pas ?), ou lui permettre de créer un flashback à son avantage, et même lui permette d’appeler la cavalerie à la rescousse.
C’est très dynamique et immersif, et ça, c’est pulp !
4. Il y a beaucoup de jetons et de cartes (à jouer) dans le système de jeu. Ça fait presque un peu boardgame des fois. Tu peux me parler des cartes de Danger, par exemple ?
Ouais… ok, j’avoue, y a un parfum de boardgame avec le matos. Et c’est totalement assumé. Ça renforce l’immersion dans la partie : on passe son temps à manipuler des jetons, à poser des cartes pour appuyer une action, à se demander si la prochaine carte de Fortune va être l’incarnation de la poisse… Ce qui de prime abord semble être loin du JdR devient un véritable support qui t’entraîne dans la partie, en créant un lien physique. La parole se concrétise sur la table.
Les cartes de Danger ? C’est le seul niveau que vont affronter les héros. Elles peuvent représenter aussi bien un adversaire, qu’un éboulement, un piège ou une momie vengeresse. Ou même le brouillard épais qui enveloppe la vallée, le bruit de pas que l’on distingue à peine.
Elles permettent de définir un niveau de Danger que vont affronter les héros. Mais au moins une de cartes doit être posée face cachée (ce serait trop facile, faut avouer). D’une part il y a la difficulté, qui est le score à réduire à zéro pour vaincre, et il y a les complications, qui viennent compliquer la vie pour y parvenir. La difficulté peut être le grand méchant, et les complications une horde de sbires qui le protègent. Ou juste son fidèle bras droit. Ou une aggravation de la situation (ex : il sort une lame en plein combat à mains nues).
En un mot : elles matérialisent tout ce qui passe par la tête du meneur et qui est là pour rendre la tâche un tantinet ardue à nos chers héros.
5. Pffff, va en falloir des trucs en cartons pour jouer apparemment. Cette fameuse boîte de 4 kg de matos : elle va avoir un coût certain, non ?
Oui. Avec 3 livres qui feront entre 130 et 200 pages, un écran 4 volets, près de 200 cartes, les jetons… Sans compter les bonus qui seront débloqués, ça va faire son p’tit poids, en effet. La bonne nouvelle, c’est qu’on va être sur un tarif assez classique pour une gamme de jeu de rôle : 156 € le tout, ma brave dame ! Si on décortique, ça fait dans les 35 € en moyenne le livre, 20 à 25 € l’écran, et donc entre 20 et 25 € pour les accessoires.
Quoi ? c’est trop cher ? Attends, regarde la suite !
6. C’est quoi l’offre 50/50 ? Tu fais la moitié du taff et le futur MJ l’autre moitié, c’est bien ça ou j’ai mal compris ?
C’est tout à fait… pas ça du tout ! L’offre 50/50, c’est tu payes 50% lors du financement, et 50 % lors du retrait dans la boutique que tu as sélectionnée lors de la campagne ! Un paiement en deux fois, soit 78 € durant la campagne et 78 € en allant chercher le pledge. Alors, non seulement ça permet de lisser le budget, mais en plus ça fait vivre ta boutique préférée qui perçoit son écot dans le processus. Et j’ai gardé le meilleur pour la fin : tu économises les frais de port ! Elle est pas belle la vie ?
Il y aura aussi deux autres spécificités à ce foulancement :
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Ceux qui ont acquis le kit découverte en version papier, disposent d’un code qui va leur permettre de se rembourser les 15 € de leur achat du kit. Enfin du moins pour les 100 premiers qui profiterons de cette offre.
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En choisissant une offre « Golden Ticket » (limité à 150), vous aurez peut-être la chance d’être parmi l’un des trois élus qui recevront tous les titres Arkeos Adventures à paraître, gratuitement.
Et devine quoi ? Il sera possible de cumuler les deux : se rembourser le kit découverte ET participer au Golden Ticket. Va pas falloir lambiner pour en profiter !
Et le premier qui dit que je suis fourbe, je lui répondrais « j’ai été et suis un MJ ».
7. Au niveau univers, on est plutôt sur du Indiana Jones ou sur du Au cœur des années 20 ?
Ni une, ni deux : Indy ! On est sur des années 1930 fantasmées, hautes en couleur. On est dans du pulp et pas de l’Appel. Ce qui n’empêche pas de se faire un plaisir d’aller exhumer des éléments historiques croustillants, intéressants et fun. Chaque aventure sera complétée par son chapitre « Les coulisses de l’Histoire », façon le petit documentaire à la fin des épisodes des Mystérieuses cités d’Or, histoire d’en apprendre plus, et d’avoir de quoi étoffer l’aventure. Comme c’est déjà le cas dans le kit découverte avec « Dans les Griffes du Chacal ».
Je n’ai aucunement envie de faire des trucs assommants, blindés d’infos qui ne servent pas le propos. Mais aller à l’essentiel, tout en apprenant des choses de manière ludique.
8. Il y a un truc qui m’a marqué dans les visuels que tu diffuses en amont : Arkeos est sûrement la seule gamme de JdR dans laquelle on vend l’écran du MJ avec un visuel de l’intérieur de l’écran (et non de sa façade illustrée). Tu es un peu fier du travail de mise en page effectué sur le jeu, pas vrai ?
Ah, t’as remarqué, toi aussi… Fallait bien que je flatte le graphiste qui sommeille en moi, et la centaine d’heures de boulot sur l’écran. Tu m’as percé à jour ! Et surtout, avec Mike, le talentueux illustrateur qui est mon comparse sur le projet, on a décidé de réviser la première mouture de l’illustration face joueurs, qui ne nous convenait plus. Le visuel sera dévoilé pour le foulancement.
Ouais, on est comme ça. On n’hésite pas à reprendre les choses si le résultat ne nous convient pas.
9. Tu procèdes à un lancement très en amont du jeu avec des news très étoffées depuis des mois, la sortie du kit de découverte, en PDF et même en version imprimée et, enfin bien sûr le foulancement tant attendu. Tu peux bien le dire maintenant que tu travailles en indépendant : trouves-tu que le milieu du JdR en France manque parfois de professionnalisme ?
Comme pour tous les milieux : oui ! Mais il y a aussi des gens merveilleux qui font des trucs de dingue avec passion et de manière super carrée.
Ce que je n’aime pas, c’est l’industrialisation (qui n’est pas forcément faite de manière pro, ou inversement). Les grosses machineries qui produisent à tout va, c’est pas ma came. J’aime la fait main, qui fleure bon l’amour des choses bien faites. Même avec ses défauts, ou son apparent amateurisme. L’important, c’est que ce soit une démarche sincère. C’est ce qui me touche le plus.
10. L’échec du foulancement de Wushu en 2023 a eu quel impact sur le projet Arkeos au final ?
Si on excepte le retard engendré par ce chemin de traverse, l’effet a été bénéfique. Je pose le décor : en pleine préparation du projet Wushu, mega grosse galère de santé, sur laquelle on rajoute la tuile cosmique côté financier d’un point de vue perso… Bref. Les conditions optimales pour préparer un projet. Et je crois que ça s’est vu, puisque le foulancement allait droit dans le mur. Alors j’ai préféré tout stopper, et en tirer les leçons. Car c’est ça le truc : un échec, ça permet d’apprendre.
Alors oui, ça a apporté beaucoup. Une grosse prise de recul, une envie de me plonger à fond dans Arkeos pour en faire le bébé de mes rêves, tout en veillant à chaque détail.
11. Revenons à cette histoire de 4 kg de matos. Trois gros livrets avec une bonne douzaine de scénarios dedans. On est d’accord que la gamme s’arrêtera là, hein ? Rien besoin de plus ?
Comment ça ma brave dame, vous en reprendrez bien une louchette ! Ne me dites pas que vous en avez déjà assez !
Si j’te dis que j’ai quelques dizaines de fichiers, de dizaines de pages chacun, truffés de notes plus ou moins avancées ou détaillées…. Eh ouais ! Bingo. Va y avoir du matos à venir !
Déjà, y a de l’aventure qui se construit petit à petit. J’ai très envie d’écrire une campagne sur l’Atlantide. Alors oui, ok, c’est le classique. Mais franchement, y a de quoi faire une aventure qui sort des sentiers battus. Mais vraiment ! Et puis, Dans les Griffes du Chacal annonce une suite, car là aussi, l’histoire de Salomon et de son anneau, y a du lourd, et de quoi en faire voir du pays aux héros !
Côté matériel de contexte, j’ai accumulé des piles de notes sur le monde l’archéologie des années 20 et 30. Et en écrivant le chapitre sur les pièges dans le livre de règles, je me suis mis à imaginer de quoi créer et mettre en scène les vieilles pierres et leurs trésors cachés, et comment ils sont gardés. Et il manquerait quelque chose si je ne développais pas les Grabräubers et autres grands méchants… Bon, on va s’arrêter là avant d’avoir le vertige. Ça fait déjà quelques kilos de rabiot, non ?
12. Les temps sont durs et pour moi, ce sera un seul jeu pulp en octobre 2024 : alors, je prends Arkeos ou Broken Compass, hein ?
Prends ce qui te plaît le plus ! Si, sérieux. C’est pas à moi de dire ce qui est bien pour toi. T’es grand maintenant, tu sais, tu peux faire tes choix toi-même désormais.
Perso, Broken Compass ne m’a pas convaincu. Trop générique, et une mécanique qui ne me séduit pas, car je passerais trop de temps à faire des choix entre les dés, etc. Mais ce n’est que mon avis. Il y a des tables à qui ça conviendra parfaitement, alors que la mécanique d’Arkeos, ça ne sera pas du tout leur tasse de thé.
Mais si vous voulez un univers riche, des aventures à foison, du matos à faire craquer votre musette fétiche, vous savez quoi choisir ! J’dis ça, j’dis rien…