Sur la piste de Deadlands [chronique Du sang sur la piste pour Deadlands]

La carrière VF de la présente édition de Deadlands continue de suivre son petit bonhomme de chemin avec la belle confiance accordée par Black Book Editions qui enchaîne les foulancements et les précos. C’est ainsi qu’arrive déjà une nouvelle campagne pour le jeu de cow-boys, d’indiens et… euh… d’autres trucs. Celle-ci s’intitule Du sang sur la piste. Après une simple préco, pouf, elle s’est matérialisée dans vos boutiques, vous offrant là de quoi jouer très largement en dépit du format assez modeste du livre (112 pages).

Les gros fans de Deadlands seront sans doute en terrain connu puisqu’il s’agit en fait d’une réédition enrichie et adaptée en SWADE d’une trilogie de suppléments parus en VO à l’époque de Deadlands Reloaded : Blood Drive (Bad times on the goodnight, High Plains Drovers et Range War). Là, c’est compilé, lissé et accompagné d’une série d’archétypes adaptés particulièrement au contexte de la campagne (Dresseur, Employée de Ranch, Cuistot…).

En effet, l’un des gros points forts de la campagne, c’est clairement qu’elle s’inscrit, peut être plus que toute autre campagne Deadlands, dans l’imaginaire le plus authentiquement Far West, a priori loin des délires quasiment high fantasy des derniers retranchements de l’Ouest Étrange (mais vous ne perdez rien pour attendre…). En effet, le pitch est limpide : vous êtes des cow-boys et vous devez faire votre job de cow-boys. (…) Non, non, pas aller défier des pistoleros dans une allée poussière d’une ville-champignon, pas ça ! Non, vous devez : escorter des vaches. Tel que.

Bon, comme vous l’imaginez aisément, ce n’est que le point de départ de la campagne qui va vite devenir le prétexte à toutes sortes de péripéties. Cela dit, ça vous pose une ambiance. Si dans Deadlands, ce qui a fait clic-clic dans votre cœur, c’est avant tout le contexte western (ce qui, quand même, ne serait pas si étonnant), vous êtes le bon client pour cette campagne. Cela peut aussi être une bonne option pour amener en douceur (enfin, pas trop en douceur tout le temps, à vrai dire…) des joueurs béotiens qui ignorent tout du contexte spécifique de Deadlands mais ont déjà vu 2-3 films avec John Wayne ou Clint Eastwood. C’est même, sans doute, le meilleur argument pour avoir recours à cette campagne autour de votre table de jeu.

Sans s’embarrasser véritablement de mise en contexte ou de règles supplémentaires, la campagne prévoit quand même le strict nécessaire pour que vous vous sentiez à l’aise en tant que garçons vachers. On a déjà parlé des profils de PJ fournis. Ils ne sont pas obligatoires mais, franchement, ça marchera quand même mieux qu’avec un groupe composé de deux savants-fous, un huckster et un sorcier indien. Forcément. Cette contrainte peut, à l’inverse, vous dissuader d’avoir recours à cette campagne pour entrer dans le contexte de Deadlands. Si vous cherchez le fun à outrance ou que vous voulez créer un groupe de PJ allant bien au-delà de cette seule campagne, vous pourriez trouver ce choix de départ un peu étriqué.

En dehors de cela, le livre prend juste la peine de décrire sommairement les corvées quotidiennes du ranche, de fournir une fiche spécifique pour en gérer le personnel PNJ et donne quelques précisions de règles sur comment diriger du bétail, en attraper au lasso ou encore dresser des broncos après un beau rodéo. C’est suffisant. D’abord parce que Deadlands sous SWADE, ce n’est pas Shadowrun. Ensuite parce que, vous vous en doutiez, mais les PJ auront bientôt d’autres chats à fouetter que d’attraper des bovins en fuite au lasso.

La campagne est ainsi bâtie pour que la vie du troupeau soit le fil conducteur d’une transhumance qui va amener les PJ à traverser une bonne partie de l’Ouest Étrange en se confrontant à chaque étape à toutes sortes d’événements, le plus souvent fâcheux, qui seront l’occasion d’égrener toutes les spécificités du monde de Deadlands.

Alors, on en vas pas se mentir : si vous n’aimez pas les campagnes tchou-tchou, vous n’apprécierez pas non plus les campagnes meuh-meuh. Les PJ sont (au moins au départ) de simples employés subalternes qui doivent répondre aux ordres du propriétaire du troupeau, effectuer les corvées demandées et leur liberté d’action est donc pour ainsi dire nulle.

La campagne est bâtie comme une série TV à l’ancienne (et, de fait, elle semble à l’origine inspirée par l’adaptation TV de Lonesome Dove) : un quotidien qui sert de toile de fond (un commissariat, un café new-yorkais, un collège, etc.) et des épisodes qui n’ont pas forcément beaucoup de liens entre eux qui se succèdent. Si on en accepte le principe, cela fonctionne plutôt bien et a le mérite de la simplicité pour le MJ. Cette campagne très scriptée semble en effet beaucoup plus facile à mettre en œuvre que la précédente, Horreur à Headstone Hill, chroniquée en ces pages. Le MJ peut se laisser guider comme les PJ guident les vaches et peut trier entre les péripéties celles qu’il veut vraiment faire jouer.

Il y a tout de même des arcs narratifs, bien sûr, et une progressivité donc, dans l’intrigue. On y trouve des méchants récurrents qui ne veulent vraiment pas voir ce troupeau arriver à bon port, des menaces grandissantes au fur et à mesure de l’avancée dans l’Étrange ou encore de simples échos à des péripéties précédentes. Tout cela peut, sans doute, donner l’illusion d’une braie campagne même si cela reste, donc, plutôt un serial.

Le principal obstacle, finalement, à la mise en œuvre de cette campagne peut venir du hiatus assez important qui apparaît au fur et à mesure de l’avancée de celle-ci entre la promesse de départ et la façon dont, finalement, les choses évoluent. On était parti sur l’idée de jouer enfin du vrai western avec des vaches, des Stetson, des Grandes Plaines, des marshalls véreux, etc. et, pourtant, il faut bien l’avouer… cela part rapidement dans tous les sens !

La campagne a visiblement aussi été conçue comme une sorte de showroom des spécificités de l’univers de Deadlands, ce qui peut en effet avoir du sens dans le cadre d’une campagne de découverte. Cela finit par faire quand même beaucoup pour l’amoureux des westerns crépusculaires : sorcier indien, véhicules steampunk, vermines diverses venues d’un autre monde, monstres griffus en tous genres, évidemment des morts-vivants pour rester raccord avec le titre, etc. Si cela fait beaucoup pour vous, vous pouvez trier un peu en coupant quelques branches mortes qui ne ruineront pas toute l’intrigue mais cela reste un pis aller. Donc, non, ce n’est pas une campagne « authentiquement » western, c’est vraiment et définitivement une campagne Deadlands !

Au bilan, le public cible me semble vraiment être les MJ qui veulent découvrir ou proposer une découverte de l’univers de Deadlands à leurs joueurs : on est au départ en terrain connu, c’est scripté, on ne peut pas avoir peur de prendre des initiatives malvenues sous prétexte qu’on en connaît pas l’univers de jeu, on voit par le menu tout ce que Deadlands a à offrir, il y a un maximum d’action, etc.  Un bon tour d’horizon.

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