Yno, réanimateur

Avec son nouveau jeu, Macadabre, Yno nous promet du sang, de la sueur et du foutre. Et nous, vous nous connaissez, ce n’est pas notre genre d’aller farfouiller dans ce genre de direction. Oh, non, ce n’est pas du tout, du tout notre genre. (…) Bon, OK : interview.

1. Alors, tu me connais, pas le style à propager des rumeurs, hein ? Mais là, j’ai entendu un truc dans les couloirs de la Redac6on et je me demande si ça n’a pas été un peu déformé par le téléphone arabe : notre Vincent t’aurait initié à la sodomie de façon cavalière et t’aurais bien aimé a priori, c’est bien ça ?

Très classe ! Alors, il est vrai que c’est après avoir lu la critique de Vincent, sur le Fix, concernant Chevalerie & Sodomie que je me suis décidé à l’acheter. J’avoue que la première fois que j’ai entendu parler du jeu, j’ai surtout entendu son titre et que ça m’avait suffit, très bêtement (la pancarte « jeu puéril » clignotant autour du titre) pour ne pas y regarder de plus près, et ce, d’autant plus que le jeu cultive une certaine aura de mystère (aura qui fait partie de son charme).

Du coup, oui, Vincent m’a initié, à l’insu de son plein gré, à ce jeu que j’ai trouvé aussi frais que provocateur. Ce que le Marquis y propose est outrancier et par un peu dans tous les sens niveau contexte mythologique. D’une certaine façon, c’était un peu déniaisant. Ça donnait envie de rendre la pareille et de faire « ma version ». C’est d’ailleurs ainsi que j’ai approché le Marquis, en proposant de livrer une alternative à son jeu. J’ai débuté en voulant modifier quelques éléments pour au final changer bien plus de choses – d’autant plus que j’avais l’univers de Macadabre qui attendait depuis plusieurs années sans parvenir à lui trouver « la bonne forme ». Hacker C&S m’a permis de le faire.

2. Quand tu dis que ce Macadabre est réservé à un public adulte et consentant, tu te fais un peu mousser pour le buzz ou c’est à prendre vraiment au sérieux ?

Je suis pas persuadé que j’ai besoin de ce buzz. Je propose déjà régulièrement des jeux que certain(e)s pensent un peu trop « extrêmes » (d’ailleurs, cette précision se retrouve déjà dans Patient 13, Notre Tombeau et Americana). Au contraire, ça pourrait plus me desservir car on peut imaginer y trouver des éléments qui n’y sont pas. Par contre, là, ça s’adresse vraiment à des joueurs qui savent à quoi ils jouent. Parce qu’il y a des choses étranges à accepter : comme le fait que son personnage a des chances de mourir avant la fin de la partie, que c’est un vrai challenge d’arriver jusqu’à la fin de la mission, que c’est cruel et parfois injuste. La vie quoi.

Je précise d’emblée « public adulte et consentant » pour que la maman ou le papa qui entre dans la boutique (ou achète en ligne) avec son jeune ado ne puisse pas s’offusquer après coup s’ils tombent sur certains passages un peu gratinés. Le jeu ne se vautre pas dans les excréments mais ces derniers sont cités à quelques reprises. C’est à mon avis, plutôt bien de le savoir avant d’acheter car je ne rembourse pas. D’ailleurs, si vous avez une plainte à faire, un e-mail spécifique existe et est indiqué dans l’ouvrage…

3. Patient 13, Notre Tombeau, Rushmore et maintenant Macadabre. (…) OK, t’as jamais entendu parler de Mireille Dumas ou quoi ?

Si. Et ? On arrête de s’amuser ? On propose plus qu’un ton consensuel ? On doit vivre et jouer d’une certaine façon parce qu’il y aurait peut-être un jour le risque qu’on soit grondés par quelqu’un qui n’a pas pris le temps de comprendre que c’était un jeu ?

Un loisir mature c’est un loisir qui propose des expériences multiples, différentes, en s’adressant à différentes tranches d’âge. Je ne dis pas que le « grim ‘n’ gritty » est forcément une bonne chose, ni même mieux qu’autre chose, mais c’est une proposition parmi d’autres. Et j’essaie de proposer des jeux, des expériences, qui me semblent manquer dans le paysage ludique et, surtout, auxquelles j’ai envie de jouer.

4. Batro’games sort aussi des jeux « réservés aux + de 18 ans » comme le futur Dossier Hommes-Porcs, justement motorisé par ton système Corpus Mechanica. Vous êtes en train de monter un mouvement ou bien ?

Ah oui, tu es au courant de ça ? Un mouvement de deux personnes, c’est quoi ? Une valse ?

L’occasion fait le larron : j’ai contacté Batro’games qui distribue Chevalerie & Sodomie pour obtenir l’adresse de la Forteresse du Marquis et lui demander les droits de hacker son jeu. Batronoban en a profité pour m’emprunter le système Corpus Mechanica. Échange de bons procédés donc !

5. Tu es aussi l’auteur d’un tout choupi Adventure Party chez les XII Singes ou d’un scénario pour Ryuutama. Alors, c’est lequel le vrai Yno ?

Et de Presque Minuit, un roman steampunk jeunesse, et des 13 Reliques, un jeu de rôle semi-pro où l’on joue des gobelins bibliothécaires. C’est lequel Yno ? C’est les deux, et plein d’autres qui ne se sont pas encore révélés (la faute au temps et aux opportunités).

Tu vois, toi qui me parle de Mireille et de mes jeux les plus énervés, j’ai aussi ça en boutique. J’adore « la grande aventure » ; le côté enlevé, naïf des histoires d’enfants ou d’ados ; le côté frais, coloré, découvrant le monde et hyper inventif (où l’on se soucie un peu moins de la crédibilité pour s’amuser). Ça me permet de couper avec les projets plus sombres, le contraste nourrissant chacun de deux versants et permettant d’être passionné par les deux, en alternance. Après, je te cache pas que le côté plus coloré fait quand même moins recette. Peut-être parce qu’il y a déjà pas mal de propositions ludiques dans le genre ou parce que maintenant « Yno » est attaché à « contemporain fantastique tordu ». Va savoir.

6. Pour Macadabre, tu cites énormément de références vidéoludiques : Dark Souls, Bloodborne, Darkest Dungeon, etc. Alors, ça y est, toi aussi tu penses que le jeu vidéo a vraiment gagné contre le JdR ?

Énormément, c’est trois, dont deux sont quasi les mêmes dans le fond (Dark Souls/Bloodborne). Le jeu vidéo n’a n’y gagné n’y perdu. C’est un divertissement parmi d’autres. Le jeu vidéo s’est inspiré du jeu de rôle, pourquoi le jeu de rôle ne pourrait pas s’inspirer du jeu video ?

Pour moi, tous les médiums sont et peuvent être des influences (films, séries, jeux vidéo, comics, romans et même la musique). Je trouve que c’est en regardant toujours dans le même médium que tu te scléroses. Toujours avoir le nez dans le JdR, déjà que je passe mon temps libre à y jouer ou à y écrire, je trouve ça étouffant. Alors oui, c’est important pour pas réinventer la roue (même si au fond, parfois, ça fait pas de mal de le faire) mais autant que possible, je trouve que regarder ce qui se fait à côté est le meilleur moyen de penser en dehors du cadre. J’adore les comics et les séries TV, je propose des Shooters et des Serials. J’adore les films d’horreur et les films fantastiques, je propose des « contemporain fantastique tordu ». Les inspirations sont partout, le jeu vidéo en fait partie.

Pour Macadabre, les trois inspirations citées le sont parce qu’elles véhiculent une ambiance (médiéval fantastique humide, sombre, où rode les monstres, et où les PJ meurent souvent) et parce qu’ils ont influencé certains choix de game design et de contexte.

7. Trois « shooters » et tu passes au « serial ». Trois épisodes d’un seul « serial » et tu passes à Macadabre. Alors, Mr. Frankenstein, hyperactif ?

 Hyperactif, je ne sais pas. Je crois que mon entourage dirait que oui, alors que moi non. Parfois, je me dis qu’il faudrait que j’arrête pour vraiment couper, mais dès que tu fuies l’inspiration, elle revient au galop. Disons que rien faire, pour moi, c’est travailler à un prochain jeu, une prochaine histoire, un projet. Glander, c’est imaginer un concept ou un univers. Et comme pour la plupart des auteurs du milieu, je fais ça sur mon temps libre, et donc ça sort un peu aléatoirement en fonction des opportunités, en fonction des envies. Exemple : quand je suis malade pendant deux semaines, je suis incapable de réfléchir à un scénario, à penser aux causes et conséquences d’une intrigue ; par contre, je suis capable de pondre des petits paragraphes de descriptions qui ne sont pas liés (Macadabre est en partie composé d’une carte à hexagone où chaque hexagone contient une description). C’est aussi bête que ça pour l’avancée ou non d’un projet en faveur d’un autre. Et comme j’aime énormément de genres et que je déteste faire toujours la même chose (du contemporain fantastique), j’essaie d’alterner autant que possible pour garder une fraicheur créative et être passionné à chaque fois par le projet suivant.

Et sinon Mister Frankenstein, ce n’est pas moi. C’est le nom de mon label, de l’entité avec laquelle je publie mes jeux. Et de mon site internet, c’est bien fait !

8. Bon, pour finir, c’est prêt quand ?

Au moment où je te répond, mes exemplaires test (papier « softcover » et « hardcover ») sont en cours d’impression chez Lulu. Dès que je les reçois et si je ne constate pas de problème, ce sera prêt à être imprimé à la demande ou acheté en PDF. Tu peux donc compter sur la fin de la première semaine d’avril !

Note : le jeu sera finalement disponible dès ce vendredi. Rendez-vous ici : http://www.lulu.com/spotlight/anthonycombrexelle