à froid : Midnight


Cet article est originellement paru dans la rubrique « à froid » du Di6dent #3 (paru en 2011)

par Matthieu Carbon


a world of Darkness

Imaginez la scène… Des gars de Fantasy Flight Games doivent pondre un setting pour le système D20. C’est le moteur du moment ; la machine DD3 entraîne tout le monde dans son sillage ; le manuel des joueurs se vend comme des petits pains. Bref, il faut saisir la balle au bond ! Mais comment faire pour créer un monde médfan original, alors que quasiment tout a déjà été exploré ? Rien de tel que de se réapproprier les grands classiques ! Les gars font le plein de coca, de popcorn et enchainent les DVD du Seigneur des Anneaux, version longue. Plus de 10h de Tolkien ! Si avec ça ils ne trouvent pas… Et puis le Roi-Sorcier se fait trucider par un hobbit et une gonzesse ! N’importe quoi… Encore pire : sans la dévotion d’une demi-portion de jardinier, les Terres du milieu se seraient effondrées… Pffffff ! Mais oui ! Bon sang mais c’est bien sûr ! La voilà l’idée de tueur ! Sauron aurait dû gagner ! Un gars qui rumine sa vengeance depuis des millénaires, avec les pouvoirs d’un quasi-dieu, ne peut pas se faire avoir par quatre péquenots de la Comté et par un sans-abri qui sent le bouc à trois lieues !

Et ainsi naquit Aryth… Un monde perverti par Izrador, un dieu cruel, déchu, exilé par ses pairs dans le monde matériel au terme d’une guerre fratricide. Mais Izrador n’est pas la moitié d’un incapable : lors de sa chute, il s’arrangea pour que les ponts entre les dieux et les habitants d’Aryth soient coupés. Cette catastrophe porte le nom d’Eclipse. Elle ravagea tout le continent d’Eredane, réveilla les volcans et engloutit des terres entières. Seuls quelques êtres survécurent… Notre apprenti Sauron se retira dans le nord, pour recouvrer ses forces. La vie reprit alors doucement possession d’Eredane. Les civilisations elfes, naines et humaines se développèrent à nouveau. Bien sûr, Izrador étant ce qu’il est, il ne pouvait rester inactif et il se prépara donc à la guerre, menée par ses troupes fidèles : les orques. Par deux fois il fut vaincu. Mais la troisième fois, il pervertit les plus grands héros des races d’Eredane et… il écrasa l’alliance. Sans bavure ; un véritable massacre. Et cela fait maintenant cent ans qu’Izrador est devenu le maître incontesté d’Eredane ; les humains vivent sous son joug, celui de ses orques et de ses infâmes légats, les seuls prêtres dont les prières sont entendues. Les elfes et les nains se terrent dans leurs territoires respectifs, qui se réduisent à mesure que les orques progressent ; les gnomes et les halfelins font profil bas (ah, ah !) pour survivre. Nombreux sont les esclaves qui meurent chaque jour sous les fouets des orques ; rares sont les villages épargnés par la guerre, la famine et la peur. Les livres sont interdits, comme toute forme de connaissance. La magie est punie de mort. Les dieux restent muets. L’espoir s’est enfui. Bienvenue !

le grimoire  de base

Dans le pays de Pascal, c’est Black Book Editions qui s’est chargé de la traduction de ce formidable setting. Propulsé par le moteur D20 et un background impressionnant de richesses et de bonnes idées, Midnight figure parmi les meilleurs univers médfan qu’il m’ait été donné de jouer. Le jeu a donné naissance à deux éditions, toutes deux traduites en VF par BBE. La seconde édition du jeu, toujours disponible (il en reste quelques exemplaires papier ; sinon en PDF), est un superbe ouvrage de plus de 450 pages contenant tout le matériel nécessaire pour débuter (hormis peut-être le sacro-saint écran du meujeu). On y trouve ainsi : les races jouables (humains, nains, elfes, gnomes, halfelins, orques et trois races bâtardes), les voies héroïques, les classes de personnages et les classes de prestige, une description du monde et de la vie sous le joug de l’Ombre (près de 200 pages !), ainsi que deux scénarios (un court en guise d’introduction et un plus conséquent, la Couronne de l’Ombre).

Côté illustrations, la couverture est tout simplement superbe ; à l’intérieur cela varie du moyen-bof à l’excellentissime, avec une moyenne vers le bon. La maquette est agréable, lisible et comporte 95% de texte (appréciable pour du D&D, surtout quand on est allergique aux pages entières de listes et de tableaux comme moi !).

Côté règles donc, les classes de D&D ont été remaniées dans l’optique de ce nouveau background. Exit les classes de prêtre, de moine et de lanceur de boules de feu : ici, la magie est punie de mort et les seules prières qui sont exaucées sont celles adressées à Izrador… Pour pallier ce manque, on trouvera par contre la classe d’arcaniste, un lanceur de sort qui suit une certaine tradition : charismatique, hermétique ou spirituelle. Il s’agit sûrement de la classe la plus difficile et la plus risquée de Midnight ; en Eredane, tout a un prix et en général, il s’agit du prix fort. Impossible d’utiliser la magie devant n’importe qui, sous peine d’être dénoncé ; pas d’école de magie ou de guilde pour assurer un enseignement ; et surtout, la peur d’être traqué par un légat et son astirax, un compagnon proche du loup qui détecte la magie comme Rex les sachets de poudre…

Sont également disponibles les classes de Barbare, Guerrier et Roublard (quasi-inchangées) ainsi que celle de Protecteur, qui est un peu l’équivalent du Paladin dans Midnight, mais sans l’armure ou les prières et qui se bat généralement à mains nues (interdiction du port d’arme oblige). Les classes de prestige sont peu nombreuses, mais on en trouve davantage dans les divers suppléments du jeu, et chaque type de PJ peut y trouver son compte.

Si vous lisez attentivement cet article (et vous avez plutôt intérêt !), vous vous demandez sans doute ce que sont les voies héroïques dont je parlais précédemment. Le monde de Midnight étant impitoyable, la survie dépendra davantage de leur jugeote, de leurs ressources et de leur chance que de leur force de frappe. Et afin de donner un petit coup de pouce à ses héros, le monde d’Aryth leur octroie un surcroît de pouvoir. Chaque PJ pourra donc parcourir une voie héroïque, qui lui donnera des pouvoirs à mesure qu’il progressera en niveau. Bonus de sauvegarde, de compétences, de caractéristiques ou pouvoirs magiques, chaque voie est unique et permettra au PJ de se défendre mieux que n’importe quel individu lambda d’Eredane. Les PJ sont amenés à devenir les champions d’une résistance désespérée ; les règles leur en donnent les moyens.

la  gamme

Je ne vais pas ici vous faire un catalogue de toute la gamme de Midnight ; il vous suffit de surfer un peu sur le net pour l’obtenir. Côté VF, les indispensables sont : le livre de base (seconde édition), l’écran (de superbes illustrations, même si cela reprend les couvertures de quatre suppléments plutôt que de fournir un panorama  unique) et la Colère de l’Ombre (description des terres elfiques et avancement de la storyline du jeu : la dernière offensive d’Izrador contre les dernières terres libres va bientôt avoir lieu…). Ajoutons à cette liste le supplément Sous le règne de l’Ombre, qui décrit la ville du Promotoire de Baden et donne un excellent aperçu de la vie citadine en cette période de désespoir (à noter un scénario français gratuit, Ombre dans la nuit, disponible en PDF, qui se déroule dans cette ville). Les autres suppléments traduits restent anecdotiques et n’apportent pas grand-chose au jeu, à mon sens.

Avec l’arrêt de l’OGL de DD3, la gamme s’est brutalement arrêtée et ce sont de véritables bijoux qui ne sont disponibles qu’en anglais qui ont glissé entre les doigts de BBE. Les sourcebooks concernant les races notamment sont de véritables mines d’informations pour le rôliste anglophone. Je citerai ainsi les suppléments concernant les humains (Honor and Shadow, Star and Shadow, Destiny and Shadow), ainsi que celui sur les nains (Hammer and Shadow). Totalement dispensables pour jouer, ils sont pourtant une véritable mine d’informations pour les MJ désireux d’exploiter totalement l’univers de Midnight. C’est l’occasion de vous mettre à l’anglais : le niveau n’est pas bien difficile et les PDF pas très coûteux…

Signalons enfin l’initiative des fans français de Midnight (Zool et Dain notamment) qui ont permis la traduction du Tome of Sorrow, l’équivalent pour Midnight du Unspeakable Oath pour l’AdC. Disponible gratuitement en PDF (encore !) et augmenté d’un scénario inédit, c’est un travail de professionnel. La preuve, s’il en était encore besoin, que ce sont bien les fans qui font vivre un jeu…

alors,  on joue quand ?

À présent que vous êtes persuadés que ce jeu en vaut la chandelle, comment s’y prendre ? Procédons par ordre, si vous le voulez bien.

Étape n°1

Récupérer le manuel des joueurs de DD3.5, soit en dur en occase, soit en PDF à l’adresse suivante :

http://www.jeepeeonline.be/index.php?param=P2

il s’agit bien sûr d’un téléchargement tout à fait légal, puisque les règles sont en format OGL. À mon avis, il vous suffit d’imprimer les quelques règles nécessaires (création de persos, combat) ; le reste se trouve dans le livre de base de Midnight.

Étape n°2

Récupérer le livre de base de Midnight justement ! Seconde édition en VF, papier ou PDF sur le site BBE (http://www.black-book-editions.fr/) ; ou en occase sur un des nombreux sites de VPC pour JdR.

Étape n°3

Lisez avec grand plaisir l’aide de jeu et le scénario ci-après qui, en plus de mettre en pratique nombre de conseils argumentés dans notre thema Résistance, vous permettra de mettre en place une campagne sur d’excellentes bases. Les joueurs vont ainsi découvrir le monde par petites touches, en grandissant dans un village conquis par l’Ombre. En plus de pouvoir appréhender crescendo les dangers de ce monde, le groupe de PJ sera lié par autre chose que par un commanditaire dans une auberge et vous aurez l’occasion de développer des PNJ qui ont un passé commun avec ces derniers.

Étape n°4

Normalement, après avoir fait jouer notre scénario d’introduction, vous devriez être accroc à Midnight. Commencez par faire jouer la Couronne de l’Ombre et après… faites vous plaisir !