Ah, une dernière chose avant ce week end.

Il n’aura échappé à aucun des électeurs qu’il y a le second tour des élections législatives ce dimanche.

Or, la possibilité qu’un nombre important de députés et députées d’extrême-droite viennent siéger à l’assemblée est, selon les sondages, assez élevée. Face à l’enjeu, des syndicats, des personnes émanant du monde des arts et du spectacle, jusqu’aux footballeurs de l’équipe de France, de nombreux secteurs de la société française se sont positionnés contre l’extrême-droite.

Le JdR qui a désormais cinquante ans et fait l’objet de séminaires et de recherches universitaires, n’a pas encore le statut de « dixième art » (réclamé en leur temps par Frédéric Weil et Stéphane Adamiak dans le numéro 109 de Casbé). Mais c’est un hobby qui implique un nombre important de personnes. Et parmi elles, nombreuses sont celles qui assument d’avoir une voix et un regard sur le monde. C’est précisément ce qu’ont voulu faire les initiateurs et les signataires de la pétition « Jet d’initiative contre l’extrême Droite ».

En effet, cette pétition mise en ligne à l’initiative de Simon Li, dit Angeldust, et relayée par Nicolas Le Vif (du site La Fabrique Imaginaire), nous paraît représentative du fait que notre passion rôliste est désormais sortie des chambres, des caves, des greniers et des salles de MJC pour prendre sa place au grand jour et participer de la réaction de la société face à ce qui peut – potentiellement – être un changement politique majeur et inédit sous la Veme République.

Le texte assume que le JdR est « un espace de créativité, de partage et d’inclusivité », en tous points opposé à ce que peut être un programme politique d’extrême-droite. On rappellera d’ailleurs que même si la majeure partie des acteurs rôlistes se définissent comme apolitiques, une grande partie de la génération initiée dans les années 1980 et 1990 se souvient des conséquences de l’affaire de Carpentras où les représentants du Front National et l’avocat Gilbert Collard avaient lié les profanations du cimetière juif de la ville à l’activité d’un groupe de rôlistes. Ce mensonge – un écran de fumée destiné à détourner du FN l’engagement militant de plusieurs des profanateurs –  avait largement contribué à noircir la réputation de notre passe-temps. A l’époque, la plupart des voix s’exprimant au nom de la communauté rôliste avaient dénoncé cette manœuvre et ceux qui se souviennent de la différence de ligne éditoriale, voire politique, entre Chroniques d’Outre-Monde et Casus Belli avaient été forts surpris de voir les deux journaux publier un communiqué commun.

Si la pétition « Jet d’initiative contre l’Extrême-Droite » nous paraît s’inscrire dans cette histoire contrastée de la relation entre le JdR et l’extrême-droite en France, elle va plus loin. En effet, les auteurs du texte en appellent explicitement à « voter contre l’extrême droite » et à choisir « les candidats qui incarnent le mieux la solidarité et le progrès social ». Dans l’esprit des auteurs, il est clair que jouer est, en soi, un acte militant qui s’oppose aux thématiques mises en avant par l’extrême-droite. Le texte définit donc l’acte de jouer comme un acte politique, ce que le milieu n’assume généralement pas. Nombreux sont en effet les forums et les associations rôlistes qui préfèrent proscrire le militantisme politique ou se prétendent « apolitiques ». De ce fait, l’initiative nous paraît donc remarquable au sens où elle traduit un nouveau rapport au politique qu’on a cependant pu voir sourdre lors de certaines polémiques ou, plus globalement, lors des débats de fonds sur l’inclusivité et le féminisme qui agitent régulièrement le milieu.

Une pétition est un acte éminemment démocratique, dans le sens où elle témoigne d’une volonté émanant de simples citoyens soucieux de faire part de leur point de vue et d’influencer le débat. Les plus de 850 signataires de ce texte (à l’heure où ces lignes sont écrites) représentent, de fait, un panel extrêmement divers de personnes impliquées dans la création rôlistique. Qu’ils soient joueurs, créateurs, vidéastes ou bloggeurs, qu’ils fassent figure de célébrités ou que leur renommée soit plus modeste, les signataires sont très représentatifs de la pluralité de la scène rôlsite. Indés ou liés à des éditeurs ayant pignon sur rue, OSR ou post-modernes,  les noms figurant sur la liste dessinent un mouvent d’union qui transcende les chapelles ludiques et les querelles d’ego fréquentes dans ce milieu. On notera au passage que certains des collaborateurs du Fix ont, sur leur initiative personnelle, ajouté leurs noms à cette liste.

Le Fix n’entend pas dire à ses lecteurs pour qui voter, et chacun est libre de ses opinions – si celles-ci s’expriment dans le respect de la loi, s’entend – mais l’événement nous paraissait devoir être souligné. Rappelant que le JdR n’est pas un passe-temps apolitique (et le texte de la pétition explique bien pourquoi), l’existence de cette pétition montre à quel point une partie des rôlistes entend concilier leur passion avec leurs idéaux politiques.

20 pensées sur “Ah, une dernière chose avant ce week end.

  • 5 juillet 2024 à 20:12
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    La tribune est à l’initiative d’Angeldust (Manon et Simon Li), même si Nicolas le Vif a été parmi les premiers relais.

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  • 5 juillet 2024 à 20:17
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    Merci pour l’info ! Je suis de celles et ceux qui pensent qu’en définitive tout est politique (à des degrés divers bien sûr) et en tant que rôliste (surtout dans l’âme car j’ai désormais beaucoup moins souvent l’occasion de jouer), cette initiative m’interpelle et me touche.

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  • 5 juillet 2024 à 21:30
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    De la politique ?
    Si vous pensez qu’il y a des opinions politiques et pas seulement un pragmatisme raisonnable univoque sociolibérale, ça veut dire que les réseaux sociaux vous ont entraîné vers les zexrtêmes.

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  • 5 juillet 2024 à 23:08
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    Merci le Fix d’avoir mis en avant cette tribune! c’est cool, tout engagement demande du courage et c’est tout à votre honneur

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  • 6 juillet 2024 à 07:05
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    C’est sain de voir ce genre de démarche ! Les discours sur l’apolitisme dans une période d’avancée du fascisme sont toujours professés par des soutiens plus ou moins assumés de l’extrême-droite. Généralement parce qu’ils se satisfont de la situation, de manière plus ou moins consciente, ou parce qu’ils pense qu’ils ne seront pas affectés par les futures lois d’un gouvernement mené par le RN. Je suis vraiment heureux de voir des personnes se dresser contre ces ennemis de la démocratie et je vais de ce pas signer la tribune !

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    • 6 juillet 2024 à 09:00
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      Merci pour votre prise de position et pour le lien vers cette pétition.

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  • 6 juillet 2024 à 10:44
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    Il faut se rendre compte que les gens que l’extrême droite prend pour cibles ne peuvent pas se permettre de « ne pas faire de politique », puisque c’est une question de survie au quotidien. Si on peut se permettre de « ne pas faire de politique », c’est qu’on fait partie des gens à qui le statu quo profite… mais pour combien de temps ? Du jour au lendemain, toutes les Françaises et Français binationaux ont été pointés du doigt. À qui le tour les prochaines fois ? Une idéologie fondée sur la recherche de boucs émissaires n’aura jamais assez de boucs émissaires. C’est comme dans « Matin brun » : il faut rester solidaire avec les minorités prises comme boucs émissaires, parce que le prochain bouc émissaire, ça pourrait bien être vous.

    Alors, merci beaucoup d’avoir évoqué cette tribune.

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  • 6 juillet 2024 à 13:43
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    J’aime ce livre  » Matin brun  » : tout le monde devrait lire ce livre pour une prise de conscience . Mais je tiens à préciser une chose : pourquoi sommes-nous arrivés à de telle extrémité ? Cette pétition est parfaite et salutaire mais je mets dans le même panier l’extrême droite et l’extrême gauche (même si de notre doux pays nous avons tendance à être plus compréhensif avec tous les partis qui se réclament de Gauche) . LA Gauche n’est pas synonyme de Bien. Réviser vos cours d’histoire, le petit père des peuples n’est pas très enviable . Donc je dirai qu’il serait plus opportun de condamner l’extrême droite (RN) et l’extrême gauche (LFI and co). Mais aujourd’hui si nous en sommes arrivés à de telle extrémité c’est grâce à notre Président et à sa politique d’entreprise 😉

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    • 7 juillet 2024 à 09:58
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      Euh juste un truc. L’extrême gauche c’est lutte ouvrière et npa (et je n’ai rien contre eux). Lfi n’est pas classé extrême gauche par l’autorité compétente : le conseil d’état (par contre ne pas reconnaître l’autorité d’institutions comme le conseil d’état c’est souvent associé aux stratégies d’extrême droite). Mais même sans se référer au CE, ce qui défini un parti d’extrême gauche c’est qu’il entend faire avancer ses idées par la révolution (ou en attendant la chute du capitalisme par ex) alors qu’un parti simplement de gauche entend passer par le vote. Lfi (doté d’un programme assez proche de celui du PS en 1981) est dans ce second cas, donc pas d’extrême gauche. D’ailleurs les militants d’extrême gauche sont souvent assez fâchés qu’on les associe à un parti traditionnel qui n’a pas d’ambition révolutionnaire ou de croyance en la chute inexorable du capitalisme. Après on a parfaitement le droit de ne pas aimer lfi (mais du coup avec des arguments qui tiennent mieux que sa classifications à l’extrême gch), mais je pense que la situation nécessite de prendre d’un peu de hauteur d’avec ses propres petites habitudes pour avant tout éviter les fachos. Quitte à voter pour qlq 1 qu’on apprécie pas tant… Ça n’est en tout cas pas le moment de se focaliser sur qui on aime ou pas quand il s’agit d’éviter le bruit des bottes. Bon sur ce je vais voter.

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    • 7 juillet 2024 à 13:55
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      Staline était-il de gauche ? On lui en a collé l’étiquette sans doute. Moi, perso, j’ai jamais eu l’impression qu’on était dans le même camp, hein. Après tout, les communistes russes ont pas survécu à novembre 17. On leur a juste piqué leur nom pour se donner une excuse.

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  • 6 juillet 2024 à 17:41
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    Ah ben forcément, on me dit rien. j’apprends le truc à 17h40 le samedi soir. 😀 Mais ouais, Raz l’front d’abord ! Tout est politique, sauf pour les dominants, les contents du statu quo, les mascus et les crétins ! Tous dans le même sac. Eux ils feront pas le tri.

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  • 7 juillet 2024 à 20:39
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    « Et parmi elles, nombreuses sont celles qui assument d’avoir une voix et un regard sur le monde. » –> Quelle suffisance ! On dirait une version à échelle réduite d’un dîner chez BHL.

    « Le texte assume que le JdR est « un espace de créativité, de partage et d’inclusivité », en tous points opposé à ce que peut être un programme politique d’extrême-droite.  » –> Les mecs s’approprient le JDR, trankilou. 50 ans d’existence à travers le monde et des joueurs venant de toutes les couches sociales avec toutes les sensibilités politiques, mais le JDR, c’est EUX !

    « Le Fix n’entend pas dire à ses lecteurs pour qui voter, et chacun est libre de ses opinions » –> Bande d’hypocrites !

    Bon, les résultats du second tour étant tombés et le FP l’emportant, peut être que maintenant l’hystérie paranoïaque des rôlistes du Bien qu’il est Vrai pourrait se calmer.

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    • 8 juillet 2024 à 10:44
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      La tribune dit : « nous, signataires de cette tribune, proposons ». Il ne s’agit pas de s’approprier quoi que ce soit. On boit frais et on se déradicalise.

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    • 8 juillet 2024 à 11:56
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      T’en fait pas, on va pas pleurer pour toi, plutôt aller boire des bières en profitant de cette victoire, après 15 jours d’angoisse et de peur existentielle. Mais je vais pas essayer de t’expliquer pourquoi.
      Vala, amuse-toi bien,

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  • 8 juillet 2024 à 11:53
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    Un immense merci.
    Je rappelle que, en tant que transgenre et LGBT+, ma simple existence est considérée par les fachos et leurs sympathisants comme « politique ». J’ai donc pas le choix de l’être ni le choix de ne pas être antifasciste. Soi je suis victime, soit je me bats.
    Et j’aime pas être une victime.
    Remplacez mon discours par féministe, racisé, gay, ou simplement différent, et ça fonctionne parfaitement.
    Merci, les copains du Fix. De toute mon âme.

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  • 8 juillet 2024 à 12:10
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    Quelqu’un a raté son jet de sauvetage contre le seum. C’est triste (non).

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