Chevalerie & Sodomie

Chevalerie et Sodomie. Bite. Nichon. Couille.
Voilà, ça, c’est fait. Ceux qui voulait lire du graveleux sont servis. Maintenant, focalisons-nous sur ce qui nous intéresse ici : le jeu.

Je dois vous avouez qu’avant de recevoir le jeu à la rédaction, j’avais vaguement entendu parler de Chevalerie & Sodomie (C&S). Je sais qu’un membre de la rédaction (que je ne citerai pas) y a joué à Octogônes (Note du rédacteur anonyme : et j’ai aimé ça !), et qu’il a été élu jeu du mois de février sur le GROG. À part ça, je ne savais rien sur le jeu et le titre n’est, pour moi, pas des plus vendeurs (intriguant, oui, mais vendeur, non). Heureusement, le quatrième de couverture nous apprend que …. ah bah non, en fait, il n’y a pas de quatrième de couverture. C’est donc vierge de toute information que l’on pénètre dans l’univers de Chevalerie et Sodomie.

Le quatrième de couverture et la couverture

Comme souvent, le premier contact se fait en feuilletant le jeu. L’ouvrage se présente sous la forme d’un livret de 120 pages, format 15*21 cm et tout en noir et blanc. La mise en page est aérée, avec beaucoup de tableaux et il y a quelques illustrations de Jeremy Famir, pleine page, qui ressemblent fortement à du H.R Giger. D’intrigué, je passe à très curieux. Voire intéressé. Il ne m’en faut pas plus pour lire le jeu et aller à la rencontre du Marquis.

C&S est un jeu gothique, décadent, obscène et burlesque se déroulant dans une Allemagne fantasmée, à une époque se situant entre le médiéval et la renaissance. Ce monde est gouverné par le Marquis, un vampire qui a instauré un état totalitaire dans tout le royaume : le Mein Land. Les joueurs, quant à eux, y incarnent des moins que rien, des paysans révoltés armés de leur seule volonté, qui ont comme objectif unique d’aller tuer le tyran. Malgré le fait que leur périple les mènera en haut d’une montagne, là où se situe le repaire du Marquis, c’est en fait une véritable descente aux enfers qui commence pour les personnages-joueurs.

Mais les PJ ne seront pas les seuls à « subir » l’aventure. Car les joueurs aussi seront mis à l’épreuve… non, NON…ne partez pas ! Chevalerie et Sodomie n’est pas un GN, rassurez-vous. C’est juste que la manière de jouer change de nos habitudes de rôliste.

Par exemple, dans le Mein Land, il fait toujours nuit. Le marquis a volé le soleil pour l’enfermer chez lui. Par conséquent, l’auteur conseille de jouer dans une pièce sombre, faiblement éclairée, avec si possible, le chauffage poussé à son maximum.

Autre particularité : le jeu se joue debout. Ça peut surprendre, mais si des joueurs sont prêts à le faire pour des jeux de société (Santy Anno par exemple), alors pourquoi pas les rôlistes ? Et cette symbolique fait sens avec le propos du jeu : la révolte. Tel le récent mouvement « Nuit Debout » ou la maxime : « plutôt mourir debout que de vivre à genoux ! ».

D’ailleurs, tant que l’on parle de mortalité, sachez que le jeu est très mortel (chaque PJ ne possède que 4 point de vie). Par conséquent, un groupe de PJ se constitue de 7 à 12 merdeux. Si vous n’avez pas autant de joueurs, chacun d’entre eux jouera deux personnages.

Ce n’est pas sale

Comme indiqué plus haut, les joueurs incarnent des révoltés armés de leur seule volonté. Par conséquent, tous les jets de dés se font sous cette unique valeur. Le joueur doit obtenir sur un D8, un résultat inférieur à sa volonté (selon sa race, cette dernière varie entre 4 et 5). Si le personnage possède un savoir faire qui peut l’aider dans l’action qu’il entreprend, il jette 2 fois son D8 et garde le meilleur résultat.

Autre point de règle important et intéressant : si le joueur obtient un 1 sur son dé, cela représente une révolte contre le marquis. Il rejette un D8 et le résultat lui permet de modifier une règle, de lui donner un avantage, de modifier l’issue d’un combat, etc. La frontière entre l’environnement des joueurs et ce qui se passe en jeu est mince.

Pour les actions un peu plus complexes, là encore le système est très simple et très rapide. Prenons l’exemple d’un combat : le joueur doit enchaîner les jet de dés, jusqu’à obtenir trois réussites avant d’obtenir trois échecs. Chaque échec infligeant des dégâts. Au meneur et au joueur de décrire ces réussites et ces échecs, afin de ne pas réduire le combat à de simple jet de dés.

Il y a encore pleins de petites règles qui viennent enrichir le gameplay (un PJ est défini par une race et par un clan, chacun lui octroyant un pouvoir unique), qui se justifient dans l’univers du jeu, mais surtout, qui sont rapides à mettre en œuvre pour pouvoir faire des parties courtes (comptez en moyenne 2-3 heures pour une partie).

« You died ! »

Attaquons-nous maintenant à la partie qui m’a le plus plus dans le jeu : l’univers. Ne vous attendez pas à un univers détaillé, avec des dizaines de peuples ou des complots politiques à tiroir. Non, dans Chevalerie et Sodomie il n’y a rien de tout cela (pour rappel, l’ouvrage ne fait « que » 120 pages). En guise d’univers, nous avons une carte, découpée en 12 x 10 hexagones. Pour chaque hexagone, numéroté, nous avons une brève description.

Exemple : « Une rivière tumultueuse qui descend des montagnes. Une nymphe des eaux, à la peau bleutée, rit aux éclats en regardant dans un miroir argenté comment sa sœur jumelle se noie« .

Point.
Au Meneur d’improviser à partir de cette description, et surtout, aux joueurs de réagir. À la lecture successive de toutes ces descriptions (présentées sous forme de tableau), j’ai eu l’impression d’être dans le jeu vidéo Dark Souls.

Autre exemple : en début de partie, le meneur lance 2D8 pour déterminer les hexagones où se situent les deux fragments d’une épée d’os légendaire, sensée être mortelle pour le Marquis. Ou encore, localiser des enfants vampires qui, une fois éliminés, octroieront un bonus de points de vie et de volonté à leur bourreau. Il y a de l’épique, du désespéré, des légendes, beaucoup de difficultés, mais avec des aides disséminées ici et là, si on prend le temps de regarder et d’explorer. Comme dans Dark Souls.

Dominique, nique, nique,
S’en allait tout simplement,

Bien sûr, avec un tel titre, vous vous doutez bien que beaucoup, beaucoup de violence vulgaire, obscène et sexuelle enveloppe cette mécanique lubrique, pardon, ludique et cette ambiance gothique. Est-ce la sexualité déviante qui choque ou dérange ? Un jeu inspiré de Sade est-il moins jouable qu’un autre jeu adulte tel que Rushmore ou Within ?

Saló ou les 120 Journées  de Sodome, de Pier Paolo Pasolini, lui aussi inspiré de Sade dénonce une tyrannie malsaine où des « puissants » ont tous les droits sur leur sujets (9 jeunes garçons et 9 jeunes filles). Le film expose les actes et les tortures des bourreaux, nous les montre crûment. Le film a fait scandale lors de sa sortie, a été interdit dans plusieurs pays et pourtant, il est reconnu comme un chef d’œuvre du septième art. Ses images sont si marquantes, que plusieurs années après le visionnage, on s’en souvient avec précision.

Je ne sais pas si Chevalerie & Sodomie aura le même impact sur le JDR que l’œuvre de Pasolini pour le cinéma. Mais je suis convaincu que si les thèmes inspirés de Sade sont abordés de manière intelligente et avec sens, cela peut fournir une expérience intéressante. D’ailleurs, l’auteur de C&S raconte une anecdote dans le livre – que je ne spoilerai pas ici – et qui donne un exemple concret des questionnements moraux qui émergent après une partie de son jeu.

En conclusion, je conseille l’achat de Chevalerie & Sodomie. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère de ce jeu-one-shot (l’équivalent d’un shooter pour ceux qui connaissent les jeux d’Yno). Le jeu s’adresse cependant à un public très averti, ayant assez de recul pour aborder intelligemment les thèmes sensibles (sexe, religion, dictature, xénophobie, jalousie…).

En fait, l’objectif de cette chronique est plutôt de vous faire découvrir Chevalerie & Sodomie. De vous débarrassez de tout éventuel a priori. D’oser aller le tester en convention si l’occasion se présente. Bref, de vous pousser à découvrir ce jeu. Et vous comprendrez peut être, comme moi, pourquoi Chevalerie & Sodomie a été élu meilleur jeu du mois de février sur le Grog.

http://www.lulu.com/shop/le-marquis/c-s/paperback/product-22733663.html?ppn=1

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