Hommage à Isabelle Périer

On se connaît bien, maintenant, hein ? Vous comptiez sur nous pour animer vote début de semaine avec des infos JdR, du gratuit et, bien sûr, des jeux de mots laids.

Hélas, en ce début de semaine, on a perdu l’envie de rire. C’est en effet avec une très grande tristesse que nous avons appris ce week-end le décès de notre consœur Isabelle Périer.

Si nous ne comptions pas au rang de ses intimes, beaucoup, au sein de la Redac6on, ont eu le plaisir de côtoyer Isabelle à l’occasion d’un salon ou d’un colloque sur le jeu de rôle.

Passionnée, impliquée, vive et pétillante, on se souviendra d’elle pour ses interventions pertinentes, variées et originales. Rôliste, auteur, Isabelle était aussi une universitaire chevronnée, Docteure en Littérature comparée et professeure agrégée de Lettres classiques. Elle comptera assurément au rang des pionniers qui ont rapproché notre loisir du domaine de la recherche. Elle avait ainsi récemment donné au Colloque Jeu de Rôle 2017 : Engagements et Résistances une communication dont le sujet était : « Pour une poétique des valeurs en JdR ».

Vous trouverez aisément sur le web des articles ou des captations vidéo de conférences qui vous permettront de mieux cerner ce qu’était le travail d’Isabelle. A titre personnel, nous pouvons vous conseiller « le jeu de rôle : une autre forme de littérature de jeunesse ? » ou encore « Cette chimère qu’est le steampunk ».

Bien sûr, Isabelle avait aussi contribué à de nombreux titres ayant marqué le paysage rôliste français, tels que Agone, Nephilim, Mournblade ou, plus récemment, l’ouvrage Mener des parties de jeu de rôle.

Ces derniers temps, elle était co-rédactrice en chef de notre confrère JDR Mag’ et elle préparait l’édition de son JdR Belle Époque, Les Héritiers.

Si vous souhaitez ré-entendre Isabelle parler de notre loisir, nous vous recommandons l’écoute de sa petite interview réalisée par Farid Ben Salem.




Pour notre part, Isabelle, discrète, ne nous avait fait qu’une seule fois l’honneur de sa présence dans les pages du Fix, c’était en novembre 2014 à l’occasion du lancement de la nouvelle édition de JDR Mag’. En guise de (trop) modeste hommage, nous vous rediffusons cette interview ci-dessous.

Nous tenions tous à rendre hommage à Isabelle et à apporter notre soutien à tous ses proches.

Où qu’elle puisse être aujourd’hui, que notre imaginaire lui façonne un monde meilleur.

La Redac6on


Interview publiée dans le Fix du 07 novembre 2014 :

Next player shoot again

Même si la presse rôliste connaît une belle remontée de sève ces temps-ci, ce n’est quand même pas tous les jours qu’on assiste à la naissance d’un nouveau mag’ de jdr. Surtout un qui commence direct au 28e niveau. Gros bill, va ! Tout ce mini-maxage nous a intrigué et on a donc cherché à tout savoir sur la nouvelle rédaction du nouveau Jdr Mag (puisque c’est bien évidemment de lui dont nous voulions vous entretenir) en tendant notre micro à ses deux têtes pensantes, Isabelle Périer et Sébastien Célerin.

Mais qui sont ces gens ?! Vous pourriez nous présenter brièvement la nouvelle équipe à la tête de la rédaction de JDR Mag’ ?

Sébastien : Je travaille dans le jeu de rôle depuis 1998. J’ai commencé par l’adaptation des premiers romans de Mathieu Gaborit en jeu de rôle, Agone, tout en collaborant à des suppléments des gammes Multisim. J’étais alors un des rares rédacteurs externes à l’entreprise. J’ai ensuite rejoint l’équipe éditoriale où j’ai travaillé en étroite collaboration avec Frédéric Weil, gérant de Multisim, et Stéphane Marsan, directeur éditorial de Multisim. (Stéphane est en outre le fondateur de Bragelonne / Milady, société crée un peu plus tard.) À cette époque, j’ai rencontré des centaines de talents passionnants : auteurs, illustrateurs, graphistes (métiers dont j’ignorais alors l’existence), etc. J’ai dirigé les collections de cette maison d’édition de 2000 à la fermeture de l’entreprise. J’ai essayé de faire en sorte que ces talents puissent alimenter la création francophone en jeux de rôle. À la fermeture de Mulitisim, j’ai pris la direction de la cellule « Écriture » de Rackham. J’y coordonnais le développement des jeux et la rédaction des contenus (règles, univers, magazine, site web). Après le lancement d’AT-43, j’ai fait un court passage par Play Factory pour collaborer à l’édition française de D & D 4E, avant de créer une structure qui accompagne des éditeurs et des agences, comme Axon Clark, dans le développement de jeux. J’ai notamment scénarisé des « jeux sérieux » (recrutement, événements culturels, etc.), numérique (en collaboration avec Julien Blondel) ou dans la vraie vie, en parallèle du pilotage de gamme de jeux de rôle. Je suis l’un des XII mystérieux Singes. J’ai rencontré le fondateur de Titam à la création du catalogue du département des Sombres Projets. Ils ont fait appel à mes services pour les aider dans le lancement de JdrMag. Quand je ne travaille pas avec Isabelle sur JdrMag et que je ne joue pas aux jeux de rôle, je participe au développement des XII Singes, en coordonnant les nombreux créatifs qui font confiance à cette maison d’édition.

Isabelle : Je suis une adepte du multi-casquettes. Je suis enseignante et universitaire mais je travaille aussi dans le jeu de rôle depuis 2001, avec une longue période d’hibernation – due notamment à la rédaction de ma thèse. J’ai commencé à écrire pour Multisim, avec… Sébastien comme éditeur sur les gammes Nephilim et Agone (Nephilim : Révélation, notamment). J’ai été également relectrice et correctrice pour Multisim et pour Kaneda (structure en charge des traductions de D & D 4E ou L5R, par exemple). Après ma période de latence, j’ai effectué quelques petits travaux pour les XII Singes (Kadath) et ai été engagée par le Département des Sombres Projets pour être directrice littéraire (et un peu auteur) sur le projet Mournblade. Et depuis, mes attributions évoluent : je suis désormais directrice littéraire des Sombres Projets sur l’ensemble des gammes, et auteur toujours, notamment sur Wasteland. Ma vie se répartit donc entre mes élèves et mes étudiants, mes travaux de recherche et le JdR sous toutes ses formes – jouer, écrire, lire, éditer…

Sous l’ancienne direction, le principe de « magazine participatif » était très mis en avant. Qu’en sera-t-il désormais ?

Sébastien :Je crois que cela n’a pas changé, même si le nombre de participant a augmenté, avec nous déjà. Je n’ai pas l’impression qu’on ait changé grand-chose dans la manière de fonctionner :bon nombre de passionnés de jeu de rôle nous font part de ce qu’ils trouvent intéressant, et nous faisons le tri à la place de nos prédécesseurs. En fait, nous collaborons avec une partie de l’équipe précédente qui nous a bien accueilli. J’en profite pour saluer les efforts de Fabrice Crezé.

Dans cette nouvelle mouture, nous privilégierons les créateurs, quel que soit leur moyen d’expression. Quand une info nous sera donnée par un auteur ou d’un illustrateur, on la vérifiera auprès des éditeurs, mais on ne s’interdira pas d’en parler si le projet est effectivement en développement chez un créateur.

Isabelle : Je pense aussi que nous n’avons pas beaucoup changé la manière de fonctionner : la plupart des magazines, d’ailleurs, peuvent être qualifiés de « participatifs » car un magazine, c’est aussi une interface de dialogue et d’échange entre les acteurs d’un milieu et un public.

De bons webzines (Le Maraudeur, les Chroniques d’Altaride…), un Casus Belli à la périodicité retrouvée, l’inimitable Di6dent ^^… bref, la presse rôliste semble avoir retrouvé la pêche. Pourquoi le Monde a-t-il besoin du nouveau JDR Mag’, selon vous ?

Isabelle : Notre but n’est pas de concurrencer le net et des organes d’information comme le Fix, car avec un trimestriel, c’est impossible, mais bien de faire des synthèses, de prendre du recul et d’offrir des analyses moins « sur le vif » mais, nous l’espérons, plus distanciées. Il s’agit de porter un autre regard sur l’actualité, et pas que sur l’actualité, mais le monde rôliste dans son ensemble.

Sébastien : La Toile informe tout le monde des parutions avec une grande flexibilité qui correspond bien à l’organisation des différentes structures qui publient du jeu de rôle. Je crois que les imprimés doivent se consacrer à autre chose. Et je sais qu’on sera d’accord là dessus. 😉 Évidemment, il y a certaines rubriques que les rôlistes s’attendent à retrouver dans toute publication, mais je crois que nous apporterons un regard différent, ne serait-ce que parce que nous distinguerons les jeux que l’un de nous aura seulement lu et ceux auxquels nous aurons joué. Cela peut nous conduire à avoir un temps de retard sur l’actualité, mais recréera un peu de visibilité sur un jeu après son mois de sortie. Cela ne peut faire de mal à personne.

Quelle sera la ligne éditoriale du mag’ ? Comment allez-vous vous positionner par rapport aux titres précédemment cités ?

Isabelle : Nous aimerions davantage parler des gens, des « people » du jeu de rôle, mais aussi des gens qui travaillent souvent dans l’ombre, font de belles et bonnes choses mais ne sont pas toujours (assez ?) mis en valeur.

Sébastien :Nous souhaitons proposer un mag qui s’intéresse davantage à la création qu’aux publications, en proposant des aides de jeu (pour le coup, comme tout le monde, mais il n’y en a jamais assez), d’inspis prises dans le réel (adapter un roman, c’est bien, mais on préférera parler d’une statuette qui existe dans notre monde pour qu’elle donne des idées à nos lecteurs : artfact, scénario, etc.), de reportages (sur le grandeur nature notamment) ou des interviews de rôlistes ou de personnes proches du jeu de rôle.

L’ancien JDR Mag’ semblait vouloir de plus en plus s’ouvrir vers la littérature de fantasy. Est-ce également quelque chose que vous voulez développer ?

Sébastien : Oui, mais pas que. Nous souhaitons que davantage de culture soit visible dans le mag, car elle irrigue la création. Je ne compte plus les expos qui m’ont donné des idées de scénarios ou de saynettes à faire jouer. Même chose pour la musique. Et pour certaines parties de jeu de société, ou de jeux de figurines.

Isabelle : La fantasy, c’est important, c’est tout de même le genre fondateur du JdR. Mais c’est aussi – et surtout – un melting pot d’influences culturelles bien plus anciennes qu’elle : de l’histoire, des mythes et des légendes, de la littérature… Notre lien à la fantasy va aussi s’appuyer sur cet héritage pour proposer à nos lecteurs des choses qui appartiennent à cette culture commune et qui sont des sources d’inspiration d’une immense richesse pour le JdR.

À force de naviguer à vue et d’ouvrir ses pages à un peu n’importe qui, JDR Mag’ a vu au fil des numéros son image se dégrader auprès des rôlistes. Pourquoi ne pas avoir préféré repartir de zéro avec un nouveau titre ?

Sébastien : Euh… Comment pouvez-vous affirmer cela ? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas de réponse à cette question. Titam a saisi une opportunité. Lorsque nous en avons parlé, je me suis emballé. On n’était pas d’accord sur tout. (On ne publie pas les mêmes jeux, ce n’est pas un hasard.) Je crois qu’on s’entendait sur le fait que le nom était le bon pour un mag qui parle de jeux de rôle, de narration partagée, quel qu’en soit le support. Alors, pourquoi en changer ?

Au fait, j’ai une question à vous poser : vous jouez combien de fois par semaine ?

Isabelle : Nous avions, aux Sombres Projets, envie de nous lancer dans un mag. Comme l’a dit Sébastien, Titam a saisi une opportunité et un nom particulièrement parlant. De plus, repartir de zéro est aussi très difficile car il faut se faire connaître. Et enfin, le jeu de rôle est spécialiste en « résurrections » et autres mutations – Casus Belli fait même, à ce titre, figure de phénix…

Merci confrères ! Et rendez-vous en kiosques pas plus tard que ce samedi pour jauger sur pièces de cette nouvelle mouture. Par contre, l’éditeur déplore un problème avec le routage des abonnements. Par conséquent, les abonnés recevront la nouvelle formule en retard par rapport à la mise en vente en kiosque samedi matin. Si vous êtes dans ce cas, la nouvelle rédaction profite de cette fenêtre dans le Fix pour vous présenter ses excuses pour ce décalage regrettable mais indépendant de sa volonté.