Il témoigne dans le Fix : 20 ans de GRoG et toujours pas alcoolo.
Eh ouais. Dans votre tête de chasseur de dragons et de runner des ombres, vous avez 15 ans d’âge mental. Grand maximum. Vous vous demandez comment font tous ces adultes (oups… ces gens, je veux dire) autour de vous qui ne jouent PAS au JdR. Et pourtant, en vrai, vous aussi vous êtes vieux. Tenez, par exemple, le GRoG a déjà 20 ans. Vous vous souvenez de votre première fiche (« alors, ça, je le mets en fiche de gamme ou en fiche d’ouvrage ?! ») comme si c’était hier mais ça fait bien 20 ans. Nous, quand on reçoit un tel coup de vieux dans les gencives, on a besoin de causer. Alors, on a été poser quelques questions au président de l’association, Léandre Bernier. Et recevoir des questions du Fix pour un anniversaire, ça fait toujours plaisir, non ? Non ??
1. La vache ! 20 ans ! Cela me scie d’autant plus que je croyais que vous étiez morts, en fait. Y avait pas un truc avec le manque de bénévoles, tout ça, un moment ?
Le serveur a lui aussi cru à notre mort à un moment et a jugé bon de rendre l’âme. Heureusement, on en avait un autre en réserve. Mais non, l’activité n’a jamais cessé. Même si, à un moment, il devenait clair que celle-ci reposait sur un nombre réduit de participants. C’est devenu d’autant plus problématique quand les principaux contributeurs étaient aussi les membres du bureau et qu’il y avait un gros projet à tenir pour ce dernier. Difficile d’assurer les deux fronts en même temps. Autant dire que l’un des deux a pris du retard. C’est toujours un peu le cas, mais on a vu une certaine recrudescence d’activité dernièrement donc on souffle un peu.
Cela dit, on a toujours besoin de bras, vu la tâche colossale qui est la nôtre, on n’est jamais de trop. D’autant que, comme dans toutes les associations de bénévoles, le roulement est grand.
2. Bon, bah, au temps pour moi, alors. Peux-tu me faire un résumé en quelques dates-clés de la vie du GRoG depuis sa naissance ?
Le GRoG a vu le jour le 8 mai 2000, grâce à la passion d’une bande de copains qui se sont dit “pourquoi pas ?”. Au départ il y avait 8 jeux et 151 ouvrages décrits, mais rapidement le nombre a augmenté. Très vite, de nombreuses personnes ont voulu participer à ce projet, qui a pris de plus en plus d’ampleur et qui a touché de plus en plus de rôlistes. C’est devenu comme un véritable équipage…
Après quelques mois, l’équipe d’administrateurs s’est enrichie d’une nouvelle personne : le Bosco. Célèbre pour son fouet dont on parle encore (si si !!!), en réalité il animait l’équipe par ses messages et son travail, et son impact a été très important. Plus tard, à la fin de l’année 2000, un autre admin a rejoint l’équipe, qui est encore en poste aujourd’hui — c’est le plus ancien de l’équipe actuelle. Il s’est chargé, entre autres, de la section biographie, qui a vu le jour en septembre 2001.
Fin 2008, un conflit interne entraîne la suppression de la base de données en ligne. Un blog est vite mis en place sur une autre adresse, une copie de la base de données est utilisée, un compromis est trouvé et le conflit est résolu pacifiquement. C’est l’occasion de lancer le projet de la nouvelle version du GRoG, la “V2”, réalisée par trois administrateurs, dont l’un des concepteurs d’origine du site.
Le 8 mai 2009, pour l’anniversaire des 9 ans du site, la nouvelle version voit le jour, saluée par les rôlistes… qui saturent les messageries des admins avec des centaines de courriels quotidiens ! Le lendemain, le site plante… un certain Z39 est en train de rentrer sa collection. C’est pour ça que le GRoG n’affiche plus toutes les miniatures de toutes les gammes des collections des utilisateurs.
Au terme de la V2, et après le départ de ses géniteurs, le GRoG n’était plus géré par ceux qui l’avait fondé. Le GRoG a grandi, il s’est détaché de ses parents et il continue à vivre et évoluer sans eux. Aujourd’hui, le président de l’association n’a même jamais connu la V1…
3. En effet, le GRoG, c’était une base de données mais c’est aussi devenu un mur d’infos, un espace de critiques, un jury de récompenses (les « jeux du mois » et les « GRoG d’Or »)… Pffff, le bazar, quoi. C’est vraiment compatible tout ça ?
Pourquoi ça ne le serait pas ? Les fiches restent neutres et factuelles. C’est notre ligne éditoriale d’encyclopédie. Mais on est aussi une communauté constituée d’une bande de passionnés enthousiastes. On allait pas la museler non plus, c’est déjà assez frustrant de se retenir quand on rédige les fiches, on a besoin d’un exutoire.
4. Mouais, Rôliste TV, c’est quand même plus accessible quand on n’aime pas trop lire comme moi. Vous vous mettez quand à la vidéo ?
Quand tu me payes le matos et les softs pour le faire ? Blague à part, c’est pas paradoxal un rôliste qui n’aime pas lire ?
Plus concrètement, on y a songé un moment, ne serait-ce que pour accompagner les fiches. Mais se mettre à la vidéo, ça ne s’improvise pas. Et vu notre niveau d’exigence sur les fiches, on se voit mal faire de l’à peu près. Sans compter que le temps que cela prendrait de faire ces vidéos serait déduit du temps à rédiger les fiches. On peut aussi parler d’une plate-forme dédiée qu’il faudrait mettre en place pour mettre les vidéos et être indépendant d’un site tiers (oui, on a un côté très Corse au GRoG pour ce qui est de l’indépendance). Ce qui, en plus de son développement, coûterait un peu plus cher en terme d’espace de stockage. Et puis pour l’organisation des vidéos avec des ficheurs qui sont aux six coins de la France et au beau milieu de la Belgique, ça risque de faire un sacré abonnement SNCF. On n’a pas le budget.
Non, on a déjà assez de choses à gérer comme ça donc ce n’est pas trop à l’ordre du jour. Et puis d’autres le font déjà très bien et c’est tant mieux. Donc nous allons continuer à faire ce nous savons bien faire.
5. Avec les foulancements, la POD, les indés… c’est un peu l’inflation en matière de production de JdR en ce moment. Pas trop galère de ficher tout ça ?
C’est méga chaud. Les to do lists se remplissent plus vite qu’elles ne se vident. il y a des semaines où j’ai même les boules en rédigeant plus d’annonces de financement que de vignettes de nouveaux jeux. C’est génial autant de créativité. Mais tout suivre tient de la gageure. Encore heureux qu’on ne fiche pas les jeux narratifs et les livres dont vous êtes le héros…
Alors on évite de penser, on remet le nez dans le clavier et on fiche, un livre après l’autre, en évitant de penser aux dizaines d’autres qui attendent.
Et puis entre les fiches, on trouve le temps de jouer.
6. Tiens, à propos des foulancements, vous faîtes comment : vous fichez quand le jeu est financé, quand il est livré en PDF deux ans plus tard, quand le premier livre physique est livré trois ans plus tard ou quand le dernier livre promis est livré cinq ans plus tard ? Hein ?
Là dessus on est très clair : dès que quelqu’un qui n’est pas lié à l’éditeur peut disposer du jeu pour y jouer. Dans le cas des foulancements, c’est généralement à la livraison des PDF aux souscripteurs. Ce qui, malheureusement, peut provoquer des déceptions chez certains qui attendent désespérément l’arrivée en boutique d’un jeu fiché il y a un an, ou un sacré décalage entre le jeu du mois et la sortie effective du jeu (On pense notamment à Ecryme sur ce coup-là). On retrouve ceci dit le même phénomène avec les ouvrages, hors foulancement, qui sortent en PDF avant d’avoir une édition papier (Green Ronin, Chaosium, Cubicle 7, Fria Liga… les exemples ne manquent pas).
7. Si je vous dis, « c’est pas du JdR, c’est pas fiché sur le GRoG », vous vous énervez ou bien ?
Non, on sourit. C’est un débat qu’on a vu passer tellement de fois que ça en devient un marronnier. Le GRoG ne revendique pas de définir ce qu’est le jeu de rôle. On en a globalement une idée, mais on est pas sectaire. Par contre, on a des limites humaines, ça oui. Et elles ne nous permettent pas de ficher tout ce que l’on voudrait ficher, donc on a dû établir des limites éditoriales. Et comme nous sommes neutres, la règle qui est valable pour l’un doit l’être pour tous les autres.
Donc on doit refuser des jeux qui, par ailleurs, nous plaisent. Les soirées enquêtes, les GN, les narratifs, les dungeon crawlers, les livres dont vous êtes le héros font indubitablement partie de l’univers rôliste. Mais on veut éviter de disperser notre énergie dans trop de directions. Déjà qu’on rame pour arriver à nos objectifs…
8. Et du coup, vous en êtes où de ces histoires de jeux sans MJ, à MJ tournant et autres trucs de punks ?
On y joue et on se marre bien. Selon le cas on le fiche, voire parfois on en fait un jeu du mois comme c’est le cas avec le dernier en date dans l’un de ses modes de jeu. Mais pour certains la question de leur place dans la base de données est vraiment dure à trancher. À l’occasion, on se fait un test pour voir notre ressenti en jeu. Mais globalement, si c’est un jeu où l’on joue un rôle, en tant qu’acteur du récit, ça passe. Par contre, les jeux où l’on est plus auteur ou metteur en scène qu’acteur, on a décidé de ne pas s’en occuper. Mais ce n’est jamais, au grand jamais, la qualité du jeu qui est remise en cause.
9. Comme vous aimez bien avoir des ennuis, vous vous êtes lancés dans les prix rôlistes, notamment le GROG d’Or qui me semble être un peu la référence en JdR francophone. C’est pour faire parler de vous dans le petit monde des forums et des réseaux sociaux rôlistes que vous avez fait ça ?
Non, c’est pour que l’argent des tentatives de corruption des éditeurs financent le serveur et l’achat de la caméra HD. Non, blague à part, on a besoin de parler de nos coups de cœur. On se fait suffisamment ch… on passe suffisamment de temps à ficher les jeux pour gagner le droit de mettre nos favoris en avant.
Et puis, surtout, en 2001, il n’y avait pratiquement rien comme prix. Plus que de faire parler de nous, c’est surtout de faire parler des jeux de l’année que l’on recherche. Ça permet de revenir sur l’année écoulée, de se rappeler de tout ce qui est sorti et de voir ce qui nous a le plus marqué. Même quand le prix n’est pas décerné à celui à qui l’on aurait aimé, ça sert au moins à ça.
10. Pourrais-tu nous donner quelques exemples de GRoG d’Or qui avaient fait l’objet d’un consensus fort au sein de l’équipage ou, mieux, des titres sur lesquels vous vous êtes salement écharpés en interne (allez, quoi, steuplaît ! ) ?
Pour le consensus, je crois que D&D5 était assez clair. L’avantage d’être un ancêtre, et de succéder à l’édition la moins appréciée du jeu, c’est que tout le monde à un avis dessus et que ledit avis est “c’est vachement mieux que le précédent”.
Par contre, plus que de s’écharper, c’est plus des dilemmes auxquels nous devons faire face lors du vote du GRoG d’Or. Il ne faut pas oublier que ce sont déjà tous des jeux qui nous ont plu à la base (bon, pas à tous, mais globalement). Et parfois, choisir est une souffrance. L’année passée, par exemple, entre Meute et Rêve de Dragon on était plus d’un à avoir du mal à se décider.
11. Bon, allez, je redeviens sérieux pour finir. Les mauvaises langues disent que sans les images et les infos fiables du GRoG, le Fix perdrait aussitôt 20 à 30 % de son contenu. Il y a quelque chose que nous tous (le Fix, sa rédaction, sa communauté de lecteurs…) pouvons faire pour nous assurer de fêter dans 20 ans le 40e anniversaire du GRoG ?
Arrêtez d’acheter des jeux de rôles. Si on arrête la production maintenant, on aura peut-être fini de tout ficher dans 20 ou 30 ans et alors on pourra faire une sacrée fête.
Ah… on avait dit sérieux ?
Dans le concret, la plupart des jeux gratuits du lundi sont fichables et ne demandent pas beaucoup d’investissement pour ce faire. C’est l’occasion d’aider si vous n’avez pas de perles rares dans votre collection ou si vous n’avez pas les moyens d’acheter tout ce qui sort. Et généralement, c’est aussi un bon coup de pouce aux auteurs desdits jeux.
Mais vérifiez aussi vos collections, vous seriez surpris d’être propriétaire d’un ouvrage pas encore fiché, ou d’une version alternative dont il nous manque la couverture. Et puis pour les locuteurs suédois, espagnols et allemands, on a du boulot aussi.
Et puis, même si le GRoG n’a pas vocation à faire de profits, vous pouvez nous faire des dons pour nous aider à payer nos frais d’hébergement.
En gros, soyez curieux et ayez le réflexe GRoG.
Merci le Fix pour cette mise en lumière de nos activités. Et oui, il y a des humains derrière le GRoG 🙂
Merci pour cette interview fouillée ! C’est une très bonne idée de revenir sur l’histoire des grands sites francophones sur les jeux de rôle et sur les gens qui les ont fait (et les font toujours).