Monstrueux

On ne va pas se mentir : ça fait plaisir.

Voir un artiste reconnu dans son domaine (la BD essentiellement, ici, mais aussi désormais le cinéma) se décider à reconnaître la dette qu’il a envers notre loisir, longuement et profitablement pratiqué dans sa jeunesse, en amenant son art et sa notoriété au service d’un projet de nouveau JdR, c’est cool. Un peu comme si Alexandre Astier décidait de tourner un actual play d’une campagne de Warhammer.

Là (et ce n’est pas si évident vu que l’info est tombée pendant l’été), on parle du célèbre dessinateur Joann Sfar. Celui-ci est en effet en train de mettre la dernière main à son propre JdR, bientôt financé puis publié par les bons soins de Black Book Editions : Monstres. L’aboutissement est désormais très proche puisqu’un foulancement (oups, une précommande participative, voulais-je dire, bien sûr !) s’ouvrira dès ce mardi 6 octobre sur la plate-forme maison :            https://www.gameontabletop.com/cf407/monstres-le-jeu-de-role-dans-l-univers-de-joann-sfar.html

Le coming out rôliste de Joann n’est pas récent. Son œuvre est déjà traversée de nombreuses références assez explicites à la pratique du JdR (la saga Donjon, tout particulièrement), il s’en ouvre aisément dans les médias (dans le tout dernier Casus, il admet même que « écrire un JdR est le rêve de (sa) vie » !) et, plus concrètement, on l’a vu devenir ponctuellement illustrateur pour la VF de la nouvelle édition de Runequest publiée en ce moment même par les Deadcrows.

Ce serait dommage de se priver : le jeu à venir constituera donc aussi une bible de l’univers fantastique contemporain de Joann Sfar. Il devrait donc intéresser aussi bien les non-joueurs que ceux qui veulent juste lancer une campagne dans cet univers avec leur système de jeu préféré. De plus, le jeu devrait contenir des secrets qui révèlent la cohérence du monde dessiné œuvre après œuvre par Joann, par exemple l’origine de la présence des monstres dans notre monde.

En effet, dans Monstres, on est chez nous (aujourd’hui, en France) mais il y a des créatures fantastiques quand même (des vampires de petite taille, des chats qui philosophent à voix haute, ce genre de choses). Les PJ jouent, bien entendu, ces monstres et cela ne leur apporte que des problèmes : d’une part, les gens ont peur d’eux (ou s’en méfient, veulent les exterminer, etc. : cela revient au même). D’autre part, en tant que monstres, ils sont inadaptés au monde contemporain et galèrent au quotidien pour juste pouvoir survivre.

Côté système, ce sera sans surprise un dérivé du moteur de jeu maison, Chroniques Oubliées, customisé par le meilleur spécialiste de C.O. en personne, Laurent Bernasconi. Au programme, les bases classiques de ce système lointain parent de D&D 3.5 avec des classes, des PV, des Pex, du D20… Ceux qui ont arrêté le JdR il y a 15 ans ne seront pas dépaysés.

Dans cette version, les voies seront dédiées non pas aux classes de perso mais aux différentes sortes de monstres que les joueurs pourront incarner et déclinent donc les avantages, les défauts et l’équipement spécial propres à chaque type de monstre

Ce CO-là ajoute à la base bien connue des points d’humanité et des points de pulsion, des jauges qui ont pour ambition de pousser les joueurs à se frotter aux émotions de ces monstres condamnés à vivre avec les représentants de l’espèce la plus monstrueuse de l’univers : les humains.

Niveau gamme, on reste là aussi dans le désormais classique de l’éditeur lyonnais quand il s’agit de sortir les plats du vaisselier pour mettre les petits dans les grands. On s’offre donc le luxe d’une boîte de découverte avec tout le nécessaire (même les dés) pour jouer sans délai.

De plus, apparemment, cette boîte ne manquera pas d’arguments et intéressera largement plus que ceux qui veulent remettre les orteils dans le petit bassin du JdR. Loin de là. Ainsi, BBE continuant de bâtir sa dream team pour ce projet ambitieux, les Hommes en Noir ont confié à un certain Tristan Lhomme la responsabilité d’écrire la campagne incluse dans la boîte. Carré VIP, quoi.

En voici le pitch :

Les monstrueux PJ, trop heureux de se découvrir des semblables et d’avoir la chance de s’installer dans un véritable repaire de monstres, vont devoir batailler ferme pour gagner leur place au soleil dans le petit Paris monstrueux où frayent des créatures inquiétantes mais fascinantes. Un monde où les humains constituent une calamité capable de prendre bien des visages.

L’illustration suivante, tirée de ce livret de campagne, donne le ton et reflète bien l’attention que l’artiste a accordé à son jeu pour en faire une œuvre 100 % Joann Sfar :

Il reste toutefois dommage, à notre humble avis, de ne pas faire évoluer cette pratique des boîtes de découverte, surtout dans le cadre d’un jeu qui a de bonnes chances d’atteindre le grand public. Pourquoi ne pas permettre, comme pour tout jeu de société qui se respecte, que la boîte soit LA boîte de base qui se suffit à elle-même puis les livres soient les compléments pour ceux qui en veulent plus (de règles, d’explications, de conseils, de scénarios, etc.) ? Là, comme d’habitude, après avoir joué le matériel de la boîte, il faudra la remiser définitivement pour la remplacer entièrement par le contenu des livres de base. Dommage.

Car, en effet, il va y avoir des livres de base ; deux même, comme c’est là aussi devenu asez courant en ces temps de foulancements prolifiques. On aura donc un livre du joueur, vraisemblablement avec le CO adapté et les règles de création de personnages. En toute logique, il sera accompagné d’un livre du meneur, la fameuse bible bourrée de secrets, dont nous vous parlions plus haut. Elle contiendra aussi des conseils pour le meneur, un bestiaire (de monstres mais, surtout, en toute logique, d’humains ! Brrrrr) et des scénarios prêts à jouer.

Espérons enfin que Joann soit prêt à dessiner encore et encore pour fournir les inévitables bonus qu’un tel projet devrait débloquer jour après jour.

Une pensée sur “Monstrueux

Commentaires fermés.