Chacun cherche son chaton

Ah, ça ils connaissent nos faiblesses chez Deadcrows. Des p’tits minous tout mignons, des donjons remplis de trésor à looter et des D6 en pagaille. Vous savez très bien ce que vous faîtes, hein, avec ce futur Donjons & Chatons ? Oui, vous savez bien que 99 %% des rôlistes sont dans le cœur de cible de cette fine stratégie marketing. C’est insupportable. Il faut qu’on aille demander des comptes. (…) Et demander de jolies illustrations en preview pour nous assurer que nous allons craquer, bien sûr. Voilà donc l’interview de toute l’équipe réunie autour de l’auteur principal, Clément de Ruyter.

1. Des souris, des chats, 60 millions d’amis. C’est quoi le délire en ce moment avec les jeux où on incarne des animaux ? C’est pour les mômes, c’est ça ? Vous, vous devez pouvoir nous expliquer ça, non ?

Clément : Je voulais faire un jeu avec des elfes, des nains et des demi-orcs, mais apparemment c’était un marché concurrentiel…

Tricky : Donjons et Chatons s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants, autant aux vétérans qu’aux jeunes joueurs. C’est un jeu familial. Une double lecture est possible comme pour les films d’animation par exemple. Les univers tirés des contes sont riches et pas exclusivement destinés aux enfants, loin de là. Concernant les jeux d’animaux, le jeu de rôle est en plein essor et connait peut-être aujourd’hui une phase écologique ou plus centrée sur ce qui nous entoure.

LG : Les jeux avec des animaux anthropomorphes, ça n’est ni nouveau ni récent : le jeu de SF Albedo dans les années 80, plus récemment Hyperborean Mice, les Légendes de la Garde ou même Athalame ou Zohomathos (pour ceux qui ont fréquenté la CDJRA il y a très longtemps). On peut seulement déclarer que, sur un marché concurrentiel libre et non faussé, ce sont les clients qui font le succès d’un produit ou d’un autre. C’est bien sûr compliqué par le foulancement, qui vend les charmes du jeu sur sa jolie frimousse (et quelle jolie frimousse), mais nous avons bon espoir que les qualités du jeu et ses approches uniques — la manière dont ses règles ont été pensées, son contenu éditorial, sa présentation graphique, sa jouabilité immédiate, sa poésie et les illustrations de Clément — sauront le hisser parmi les incontournables de sa catégorie et même bien au-delà de celle-ci. La grande question que tu poses est bien sûr essentielle : est-ce un jeu pour les enfants ? Je répondrai : existe-t-il un jeu pour les enfants ? Sous-entendu sans les parents ? Les tous petits vont-ils au cinéma seuls pour assister à une projection de Ernest et Célestine ? Bien sûr que non. Pour toucher les enfants, Donjons et Chatons devra d’abord caresser la corde sensible des rôlistes adultes et proposer un jeu solide, accessible et évocateur — ensuite seulement, nous pouvons espérer qu’il sera transmis à notre chère descendance, des plus petits aux plus grands, et qu’il doublera là son succès initial. C’est là, bien sûr, que tout le talent de l’équipe rentre en jeu : nous devrons savoir séduire les adultes avec des thématiques fortes, complexes, dramatiques et tout à la fois instiller une ambiance sinon plus légère, du moins plus simple, plus manichéenne — en un mot, plus fondamentalement ludique, qui profitera à tous.

2. Mais, du coup, des jeux comme Historia ou Root dans lesquels on peut jouer toutes sortes d’animaux différents, c’est mieux, non ? Là, juste des chatons, ça fait cheapos. Je résume : des donjons, des ch’tis minous, un système que c’est même pas vous qui l’avez écrit…

Clément : Si vraiment vous êtes frappé d’ailurophobie, il y aura moyen de jouer autre chose qu’un Chaton.

Tricky : Il y a Chaton et Chaton. Dans l’univers unique de Clément, on trouve de nombreux types de Chatons différents comme les Chats-Huant ou les Miaoumies. Vous serez surpris, croyez-moi !

LG : À l’heure des jeux qui choisissent des thématiques fortes et des approches clefs-en-main, pourrait-on encore nous reprocher de ne pas proposer un jeu à l’ancienne : « jouez ce que vous voulez, débrouillez-vous ? » Demande-t-on si, dans Night Witches, il est possible de jouer un commissaire politique du NKVD et mâle de surcroît ? Exige-t-on, dans Quelque part sur la Route, de jouer le patron d’un terrain de camping ? Dans Donjons & Chatons, on joue des Chatons (ou leurs amis à poil, à plumes et à écailles). Ces pauvres petits êtres aux grands yeux pleins de promesses ont été exilés par le méchant roi Walter — ils quittent tout, leurs foyers, leurs amis et leurs parents, pour s’élancer sur les routes d’un monde dangereux et merveilleux, en espérant trouver un jour le chemin du retour. C’est une quête extraordinaire, un voyage du héros dans la grande tradition, qui s’annonce pour eux. Voilà ce que l’on joue… et c’est déjà largement assez pour remplir plusieurs dizaines de séances de jeu !

3. Ce jeu, ce sont surtout les dessins de Clément, en fait, non ?

Clément : Et quels dessins ! Plus sérieusement, j’ai eu envie de faire ce jeu en lisant les livres de la collection Chibi de John Grümph, j’ai mis les pattes dans le gamedesign comme ça et je n’aurais pas pu rêver mieux que lui pour adapter le système et y infuser l’univers. Les textes de Tricky donnent une saveur douce amère qui m’a fait voir l’univers sous un autre angle et qui a grandement influencé mes dessins. Et puis sans François et les Deadcrows, je crois que je me serais jamais lancé dans cette aventure, donc je pense qu’on peut parler d’équipe, vraiment !

François : Clément a développé bien plus que des dessins, mais les bases de tout un univers qu’il développe sur pour média depuis des années.

4. Il paraît qu’il va y avoir d’autres productions autour de l’univers de Donjons & Chatons. Clément, tu peux nous en dire plus ?

Clément : Puisqu’il faut bien manger, mon métier, à la base, c’est peindre des décors pour les dessins animés et j’adore toujours autant ça ! D’ailleurs, pour être sûr d’avoir du boulot, j’essaye parfois de proposer mes propres projets. Donjons et Chatons a eu la chance d’avoir retenu l’attention du Studio Watch Next et je bosse actuellement les 2 projets en parallèle. Le truc amusant c’est que je ne cherche pas forcément à faire une adaptation parfaite des deux univers, j’essaye de donner une direction artistique à l’ensemble, mais je vois les deux projets comme des entités propres et pas un outil de « merchandising ».

Tricky : Le système proposé est une variante du système simple et fluide que veulent populariser les Deadcrows. LG y a ajouté sa patte. J’avais pu faire de même avec Batro et François sur Aquablue. Bref, ce système est adaptable et solide. Facile à prendre en main aussi. Donjons et Chatons est un véritable travail d’équipe. On s’entend super bien avec LG et Clément. On partage une vision commune. J’apporte ma pierre à l’édifice, tout comme LG. Ainsi, l’univers de Clément poursuit son expansion ! C’est génial comme expérience créative. On s’amuse et on crée ! Et, cerise sur le gâteau, Clément met en images nos mots et nos idées communes. Un trio d’enfer !

5. Et LG, alors, qu’est-ce qu’il vient faire précisément dans l’équipe ? Il aura le droit de faire des p’tits miquets aussi ou pas du tout ?

LG : Clément n’a besoin de personne pour assurer, et avec quel brio, l’identité visuelle complète du jeu. Mon travail, tel qu’il a été défini, est surtout de tenter, par tous les moyens, d’offrir à son univers, à ses idées et à sa vision, un écrin digne, qui saura de plus séduire les lecteurs et les mener jusqu’à la table de jeu. Si on ajoute que les textes et idées fabuleuses de Tricktytophe ajoutent une valeur considérable au projet, c’est à la fois un honneur et un défi que de me hisser à la hauteur de la tâche !

6. Le système de jeu (déjà utilisé dans Génération Perdue et dans Aquablue), c’est donc une demande corporate des Deadcrows, pas vraiment un choix coup de cœur ?

Clément : À la base c’était une demande, comme pour la version Mini (sur trop long pas lu) je voulais un système avec le set de dés polyédriques pour le côté Donj’, mais à la lecture d’Aquablue j’en suis revenu. Le système est simple, les D6 c’est facile d’accès, les tests sont fluides et ne transforme pas une narration chouette en un calcul prise de tête. Ça fonctionne bien, j’ai même envie de créer d’autres choses à l’avenir avec ce système, je crois.

Tricky : Ce système a vocation à se développer. Comme je l’ai déjà dit, selon les univers et les envies, il propose une base solide et modulable. Je le trouve agréable, je l’apprécie et j’ai plaisir à travailler avec. C’est plus un projet global qu’une demande corporate. Les Deadcrows sont force de proposition et permettent aux auteurs de tester plein de choses.

LG : Le système de jeu des Deadcrows est à la fois une contrainte et une bénédiction. Il existe, il a été testé, mais il n’est pas non plus figé dans le marbre et il nous a été possible (et facile) de lui appliquer toutes les modifications nécessaires pour coller à l’ambiance voulue — y compris plusieurs mécaniques nouvelles ainsi que des approches spécifiques adaptées à un jeu animalier et anthropomorphe aussi destiné aux plus jeunes : quelle place donner à la violence ? Doit-on l’amoindrir ou la faire disparaître ? Ou seulement l’expliciter et en accompagner la mise en place ? On trouve aussi des notions d’amitié et d’entraide entre les Chatons, ainsi que ces toujours fameux traits de caractère capables de semer le désordre dans une aventure qui se déroule trop bien. Bien qu’on nous ait demandé d’utiliser un système existant, nous n’avons pas perdu de vue que ce dernier doit coller au propos du jeu. Les mécaniques forment une interface entre les joueuses et l’univers ; elles disent les lois du monde, son ambiance, les conséquences probables qui découlent des décisions des joueuses. Fort heureusement, les Deadcrows ont trouvé un système qui permet cela — assez générique pour assumer les aspects dont nous avons besoin, mais avec assez de caractère pour qu’il soit agréable à mener et à jouer et réponde à toutes les exigences d’une Conteuse moderne. Comme toujours, les contraintes ont aussi été de formidables outils pour débloquer l’imagination et l’inventivité. Il n’est pas dit que nous aurions trouvé aussi facilement des manières de raconter nos histoires s’il nous avait fallu partir de rien. Sur le cadre initial — lancer trois dés à six faces et comparer les résultats à la valeur des qualités du Chaton, Costaud, Malin ou Mignon — des nouvelles mécaniques amusantes ont été développées et factorisées pour une expérience de jeu à la fois simple d’accès et riche d’émotions.

François : Clairement, nous avons la volonté de développer un système de jeu simple, commun à l’ensemble de nos gammes destinées au grand public. Ce système a déjà fait ses preuves et il est adapté à chaque nouveau projet. Nous pensons que cela facilite l’accès. Si on connait déjà le système, on peut le prendre en main plus rapidement.

7. Clément, il va faire combien de pages, le jeu ? Je te préviens : si c’est trop long, pour moi, ce sera pas lu.

Clément : Hahaha, je ferais en sorte que les 10 premières pages, soit vraiment très bien illustrées. Comme ça tu auras envie de lire jusqu’au bout !

François : La forme finale du jeu dépendra du foulancement, mais clairement, nous partons sur une taille raisonnable, au format carré. Qui a dit Les écureuils attaquent ! ?

8. Le jeu va être prochainement (NDLR : enfin, d’ici cet été, patience !) foulancé. Avec des illustrateurs de talent dans l’équipe, il devrait y avoir moyen de proposer quelques petits goodies de qualité, non ?

Clément : J’ai raté le décapsuleur DCC, nous ferons évidemment celui de D&C !

Tricky : Bien sûr, on s’est rapproché d’une grande marque de pâtée pour chats et de croquettes afin de lancer toute une gamme de produits estampillés Donjons et Chatons. On mise aussi beaucoup sur les dés en poil de chat ramassé à la main. Personnellement, je milite pour un concombre gonflable qui symboliserait l’ennemi ultime du groupe de Chatons. Un peu comme le dragon dans d’autres jeux !

François : Comme à notre habitude, nous proposerons des paliers apportant une utilité en jeu. Et si le public suit, nous avons quelques idées sympas en tête !

https://www.deadcrows.net/

3 pensées sur “Chacun cherche son chaton

  • 2 février 2021 à 20:21
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    Alléchat… pardon alléchant ! Surtout si on est sur un format petit budget comme Les écureuils attaquent ! Y’a déjà Root qui faisait bien envie, mais l’avantage avec les jeux mignonnets, c’est que c’est plus facile de convaincre le reste de la famille 🙂
    Du coup, les Deadcrows, si vous avez trouvé un système simple et adaptable, n’hésitez pas à la réutiliser pour une V2 d’Amnesya 2k51, hein !

  • 13 février 2021 à 20:35
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    Cool ça! Lors du premier confinement j’étais tombé sur la version mini que j’ai gardé sous le coude pour ma fille et peut être ma femme.

    A suivre donc !

  • Ping : Les Deadcrows vous draguent ouvertement - Le Fix

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