Devil Women [chronique 7 sorcières]

Fin 2012, les XII Singes republiaient le classique système générique « D6 System ». Au fil des mois qui suivirent cette sortie, plusieurs suppléments de scénarios, eux aussi génériques et regroupés par thème, étaient publiés initiant ainsi une véritable gamme « D6 ». Après plusieurs années de « sommeil » (le dernier supplément datant de 2014), la collection se réveille à travers, non pas un recueil de scénario, mais une campagne à part entière intitulée 7 Sorcières.

Cette campagne générique contemporaine se déroule durant le Burning Man, un festival qui se situe dans le désert de Black Rock au Nevada. Il réunit chaque année des milliers de festivaliers – « les Burners » – pour laisser libre court à leur créativité en tous genres : arts plastiques, musique, performances autour d’un thème commun défini par les organisateurs. Mais ce rassemblement est surtout connu pour le « burning man » éponyme : une énorme construction en bois qui trône au milieu de la zone et qui est brulé à la fin du festival.

C’est dans cette ambiance complètement folle et psychédélique que Jérémy Demeure, l’auteur, a situé le décors des 7 scénarios que composent la campagne. Avec, en guise d’avertissement, une pastille « 18+ » sur la couverture du livre. Les XII Singes s’aventureraient-ils dans la même cour que Batrogames ?

Come as you are

Comme indiqué en introduction, la campagne est incluse dans la gamme « D6 System ». A ce titre, la fin de l’ouvrage propose une version light du système incluant la création de personnage, la résolution d’action et les blockstats des PNJ. Le tout, sur une vingtaine de pages (la majorité étant consacrée au bestiaire).

Pour ceux qui ne connaissent pas ce système, sachez que votre personnage est défini par des attributs et compétences évalués en D6. Pour résoudre une action, le joueur lance autant de D6 que la valeur de sa compétence et compare la somme à un niveau de difficulté. Parmi les dés lancés, l’un d’eux est différent des autres de part sa couleur ou sa taille. Sur un résultat de 1 ou 6, il indique respectivement un échec ou une réussite critique. Sinon, il est considéré comme un dé normal. Simple.

Par contre, si vous souhaitez faire jouer la campagne avec un autre système de jeu, rien de plus simple car la campagne ne contient aucune indication sur les jets de dés à effectuer. Que ce soit sur la compétence à utiliser ou sur le niveau de difficulté à appliquer, vous n’avez aucune indication. Tout au doigt mouillé.

De plus, le jeu ne propose pas de pré-tiré. Ce sera donc aux joueurs de créer leur alter ego. Sachant que leur passif n’a que peu d’importance. Seule l’aventure… que dis-je ! l’expérience qu’ils vont vivre compte ! A la création, l’unique règle à respecter est que les personnages soient tous orphelins et aient été élevés par le père Ebenezer. Car c’est ce tuteur religieux qui les convoque au burning man pour une mission de la plus grande importance : comprendre ce qui se passe et empêcher que cela se produise. Informés par ce qui se rapproche plus d’indications que de réels indices, les personnages sont ainsi lâchés dans ce lieux complétement fou. Justement, le festival, parlons-en.

Doing It To Death

La campagne propose un mélange de bac à sable et de jeu à missions, le tout construit comme un scénario de jeu vidéo (nous y reviendrons). Je m’explique : à votre arrivée au festival, vous êtes accueillis par le père Ebenezer. Il partage avec vous ses craintes et vous explique rapidement ce qu’il attend de vous. Les PJ sont alors lâchés dans le festival essayant, dans un premier temps, de comprendre ce qu’il se passe (c’est pourquoi nous ne pourrons en dire plus sur l’intrigue, car sa découverte fait partie du jeu).

Le festival, terrain de jeu, est découpé en 7 zones correspondant à sept intrigues qui, réunies entre elles par un fil rouge, constituent la campagne. Les personnages devront donc choisir une zone, y résoudre son mystère, aller voir le père Ebenezer, choisir une deuxième zone, résoudre son mystère, etc…

Après chaque zone, le père communiquera des informations aux personnages. Ainsi, peu importe l’ordre des zones choisi, les informations communiquées seront toujours les mêmes. Cette construction offre une liberté d’action aux joueurs tout en gardant une certaine cohérence dans l’intrigue.

Mais cette organisation très structurée de l’aventure peut révéler, en jeu, certaines incohérences : que font les gardes et les organisateurs avec tout ce bordel ? On a également l’impression que chaque zone attend l’arrivé des PJ pour être « activée ». Et puis, au fur et à mesure de la lecture, on réalise que toute ces remarques et autres interrogations qui seraient logique dans un monde réaliste n’ont pas leur place dans cette campagne. Car l’ambiance tourne vite au style Grindhouse : sexe, gore, drogue et humour macabre. Et si vous êtes sensibles à ce genre, le côté portenawak général qui en ressort passera mieux. Adieu le réalisme, et bonjour le fun avant tout. Mais il ne va pas être facile pour le meneur de retranscrire cette folie et cette ambiance à des joueurs qui n’aiment pas ce genre de délire.

With or without you

La campagne propose, en supplément, une pochette d’aides de jeu. D’habitude, même si cela engendre un coût supplémentaire, on est plutôt favorable à ce genre d’offre. Mais là, mon avis est partagé. Pour 15€, vous avez :

  • Un plan A5 pour le MJ (A5 !)
  • Deux plans pour les joueurs – en A5 aussi (A5 !!)
  • 3 aides de jeux
  • 31 portraits format carte
  • Et les 7 affiches en couleurs de chaque zone

Soyons honnêtes, le plus utile sont les 31 portraits. Les plans ont le mérite d’être là, mais on aurait préféré au minimum du A4. Donc, l’aide de jeu est dispensable. Sauf si vous jouez en ligne et que vous le prenez au format numérique à 9€. Surtout que, pour ce dernier, les portraits sont déjà sous forme de pion.

Season of the Witch

Ma conclusion peut se résumer en une phrase : 7 Sorcières est fun.

Mais le jeu n’est pas parfait. Du fait de son format court, 116 pages en A5 (je ne compte pas la partie règles), on sent qu’il manque quelques pages pour le rendre meilleur. On regrette par exemple que les 7 parties de la campagne (=les 7 zones du festival) soient construites avec la même structure. Même si l’ambiance de chacune d’entre elles est très différente , on aurait aimé que le twist ne soit pas toujours le même.

Idem pour l’ambiance du festival. L’auteur propose 3 rencontres par zone pour apporter un peu « d’ambiance locale », mais il manque surtout une suggestion de musique. Un festival, c’est aussi des concerts (même si le vrai Burning man est surtout orienté musique électro).

7 Sorcières nécessitera donc un peu de travail de la part du MJ pour être joué correctement.

Mais ceci étant, le jeu reste fun. J’avoue, j’ai ris en lisant l’humour macabre de certaines scènes. Le pitch de la campagne est sympa et peu s’adapter à d’autres jeux occultes contemporain. Le cadre est original. La campagne a des qualités, les ingrédients de base sont tous là, mais ça aurait peut être mérité de mijoter un peu plus dans la marmite.

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