L’étroit créneau des 3 Fléaux

Depuis Birthright, un ancien setting pour D&D, les créateurs de jeu cherchent – sans vraiment le trouver – le Graal permettant d’associer les plaisirs de toutes les grandes familles du jeu de simulation : le JdR, le wargame, le jeu grand stratégique, la diplomatie, etc. Récemment, le défi fou est revenu dans l’actualité avec la publication (le jeu est actuellement en cours de distribution auprès de ses souscripteurs) de Rouge Flamme par De Architecurart. Et voici qu’entre en scène un nouveau compétiteur : Les 3 Fléaux, dont nous vous avions déjà présenté (c’était un lundi) le kit de découverte voici quelques temps. Le jeu étant désormais passé au stade du foulancement, il était temps d’en apprendre un peu plus auprès de son jeune éditeur, La Vouivre.

 

1. *voix jouant très mal l’enthousiasme sincère* Ooooh, bah dîtes donc, encore un nouveau JdR medfan avec des nains, des dragons, et tout, chouette.

Ce n’est pas une question, mais je vois l’idée… Le cadre de jeu central des 3 Fléaux, c’est avant tout les Terres du Partage qui sont divisés en de nombreux royaumes et peuples humains. Autour de ces terres, on trouve effectivement des Nains, des Dragons, des Géants, et d’autres créatures peut-être un peu moins classiques. Mais le but est que le joueur se sente en terrain connu. Au moment d’appréhender le jeu, il a déjà des références auxquelles s’accrocher et il peut librement se concentrer sur ce qui fait l’originalité du jeu. Il y a déjà suffisamment de choses à assimiler dans ce vaste territoire humain en pleine effervescence, pour ne pas avoir à se perdre dans un bouillonnement intellectuel au moment d’aborder les terres hostiles de l’extérieur, qui ne sont pas au cœur du jeu.

2. Non, mais, sérieusement : pourquoi un jeu nouveau ? Vous auriez pu surfer sur la vague 5E avec un cadre de campagne reprenant votre proposition ludique, non ?

La 5E, c’est pas ce qu’il y a de plus original ! Tout pourrait entrer dans ce cadre-là c’est sûr, mais là aussi on aurait l’effet « encore un… ». Surtout, il faut prendre en compte le fait que l’univers des 3 Fléaux sert la proposition ludique (bon en vérité, dans la genèse du jeu c’est plutôt l’inverse). Nous jouons des personnages importants dans un monde où les tensions géopolitiques, les conflits économiques/sociétaux/politiques et les luttes d’influence sont légion, et fournissent matière à jouer. Et c’est bien là tout l’intérêt : le joueur a face à lui un cadre idéal pour mettre en œuvre les grandes ambitions de son personnage et employer ses troupes dans des enjeux de grande envergure.

Pour être plus clair, dans ce jeu, on ne va pas aller buter le méchant du scénario au fond d’un donjon obscur plein de créatures fantastiques et de trésors fabuleux. On va plutôt se rendre dans une région en proie à des troubles, contrer les insurgés locaux qui cherchent à faire basculer la province dans le chaos avec la complaisance de puissances étrangères opportunistes, et pourquoi pas prendre d’assaut le camp retranché qui sert de base arrière à ces rebelles. Bien sûr, tout est fait pour que vous rencontriez ce genre de situation à foison dans les Terres du Partage.

3. La proposition de jeu est d’incarner des personnages puissants qui dirigent mais possèdent des tonnes de sous-fifres pour se mettre en danger à leur place : c’est intéressant à jouer, ça, selon vous ?

Comme dans tout jeu de rôle, on incarne un personnage. Ici, il donne des ordres, c’est un chef. Mais il agit également. Les habitants des Terres du Partage vouent un culte des héros à ceux qui se sont distingués par leurs actes et leur bravoure. Alors libre au joueur d’incarner un personnage intellectuel qui envoie ses gars au carton pendant que lui se planque à l’arrière de la ligne de front, mais il risque de rapidement se retrouver face à une fronde (si on joue un baron par exemple), voire une trahison (si on joue un chef de bande par exemple), de ses hommes. Et le joueur doit garder en tête que sa renommée, qui est une mécanique de jeu nécessaire à son ascension sociale, dépend de ses décisions de groupe, mais également de ses actions personnelles déterminantes.

Il commande une trentaine d’hommes : loin d’être un roi ou un dignitaire de haut rang, c’est d’abord un homme de terrain ayant une influence locale. Les occasions de briller individuellement, que ce soit dans le social ou le physique, sont donc très nombreuses.

4. En tout cas, il y en a qui ont trouvé ça intéressant, ce sont les gens de De Architecturart. Ils viennent de sortir Rouge Flamme qui se propose de mixer JdR et wargame. Vous vous êtes fait griller, non ?

Alors non, Les 3 Fléaux n’est clairement pas un wargame, et emprunte peu au genre. C’est avant tout, et je ne le répéterai jamais assez, un jeu de rôle. Mais, il y a bien des règles spécifiques relatives aux batailles (terrestres, navales ou de siège), qu’on ne peut toutefois comparer aux règles traditionnelles du wargame. On ne déplace pas une armée, mais une petite troupe d’une trentaine de combattants. On s’approche à la rigueur du jeu tactique d’escarmouche.

Le personnage est le donneur d’ordre et ses choix sont traduits sur le champ de bataille par les actions de groupe, mais le joueur continue à jouer son personnage et uniquement son personnage. D’ailleurs, s’il s’éloigne de son unité, il ne la commande plus. S’il prend un carreau et qu’il s’écroule inconscient, pareil. De la même manière, les PNJ qui l’entourent (le second, le garde-du-corps ou le spécialiste) sont systématiquement joués par le MJ.

A noter que beaucoup de scénarios peuvent trouver leur résolution en dehors du champ de bataille, si c’est le sens voulu par les joueurs. Parfois, c’est justement une action individuelle qui va déterminer de l’avenir d’un village, d’une communauté, ou pourquoi pas d’une province.

5. Bon, même si ce sont des jeux différents, on reste sur du combo fan de JdR + fan de wargames. Cela fait quand même un créneau bien étroit. Même pas peur ?

Non, les fans de wargame n’y trouveront pas leur compte. Par contre, les fans de JdR souhaitant prendre un clic au-dessus et jouer un chef influent dans des scénarios à grands enjeux, pourront trouver chaussure à leur pied. L’objectif n’est plus individuel (baston/donjon/loot), mais collectif (implanter une colonie en terre hostile, libérer une province, détruire une organisation criminelle, soutenir la prise de pouvoir d’un clan, etc.).

6. Au fait, quand vous dîtes batailles, cela veut dire qu’il faut des cartes à hexagones et des petits bouts de carton moches pour les simuler ou il y autre chose de prévu dans le livre ?

Rien de tout cela. Le champ de bataille fait 10 cases du 10 et peut être couché sur papier, sur tableau, sur support en bois, sur ordi ou tout ce que vous voulez. Aucun pion à placer, je vous l’ai dit c’est un jeu de rôle avant tout. Le champ de bataille est utile pour la phase de manœuvre, pour le choix du terrain qui va conditionner les malus ou bonus à l’action de groupe, et c’est tout. Pour simplifier, c’est une « vue du dessus » qui permet aux joueurs de prendre des décisions tactiques déterminantes en fonction des capacités de leurs troupes. Dans l’absolu, une simple photo aérienne d’un paysage pourrait servir de champ de bataille, à condition de tracer 10 colonnes et 10 lignes, et de traduire chaque case par le terrain approprié (lac, bois dense, pente escarpée, pont, etc). Le livre de base des 3 fléaux comporte plusieurs modèles de champ de bataille déjà conçus.

https://www.gameontabletop.com/contenu/partners/editions_la_vouivre/image/ecran_vue_artiste(1).png

7. Les 3 Fléaux, c’est juste un livre de 250 pages avec tout ce qu’il faut pour jouer dedans ou bien il y a une gamme autour ?

Il y a tout ce qu’il faut pour jouer dans le livre de base de 260 pages. Les règles de base, les règles de batailles, quelques règles plus spécifiques (apothicaire, magie, voyages, etc), la description complète de l’univers, l’historique des Terres du Partage, la création de personnage, toutes les appendices nécessaires (bestiaire, liste des prix, description et stats des 104 unités, etc.), une campagne de jeu de 35 pages. Cela n’empêchera pas, si le financement est un succès, d’agrémenter avec des suppléments centrés sur les terres hostiles au nord, au sud et à l’est des Terres du Partage, incluant des campagnes de jeu.

8. Le financement se fait sous le pavillon des Éditions de La Vouivre. C’est juste un label pour Les 3 Fléaux ou un projet à plus long terme ?

On va pas se mentir, Les 3 Fléaux est pour le moment la seule production concrète de La Vouivre. Mais il y a d’autres projets sur les tablettes : le suivi de la gamme Les 3 Fléaux en priorité, s’il trouve son public. Ainsi qu’un projet de JdR qui sort complètement des sentiers battus, en réflexion depuis plus d’un an mais pour l’instant pas assez mature pour communiquer dessus.

 

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