Maléfices ne soufre plus de son retard [chronique]

Uh, uh, uh, je savais bien qu’un jour, je réussirais à faire quelque chose de cette balise [chronique]. ^^

Bon, on ne va pas se mentir : celui-là, il s’est fait plutôt désirer, pas vrai ? C’est même un des projets qui peut prétendre, sans aller jusqu’à égaler des champions comme Pavillon Noir ou les jeux LETO, être bien classé dans le fameux championnat national des retards de foulancement. Mais, c’est bon, il est là, ce Maléfices nouveau voulu par les éditions Arkhane Asylum et, on peut au moins lui concéder cela, il a belle allure, ayant pris le temps de se faire une beauté.

Pour ceux qui ont débuté le JdR avec la naissance des Chroniques Oubliées ou avec L’Essentiel de D&D5 (bienvenue à vous !), rappelons que Maléfices est un des plus mythiques jeux de rôle de création francophone, nous renvoyant au temps des pionniers de notre loisir, au mitan des années 1980, au côté de jeux comme Légendes, MEGA ou encore Empire Galactique. A l’époque, L’Appel de Cthulhu n’est pas encore un jeu référence en France (si, ce temps là a existé) et les premiers rôlistes ressentent l’envie de sortir des donjons pour mener à bien des enquêtes surnaturelles dans un contexte historique lointain mais pas trop quand même. Michel Gaudo et ses acolytes répondent alors à la commande de Jeux Descartes, le principal éditeur francophone de l’époque, et écrivent donc ce Maléfices première mouture. On est alors en 1984.

D’emblée, le jeu séduit par ses caractéristiques singulières : un système de jeu très, très léger selon les standards de l’époque, un soin particulier apporté aux scénarios publiés sous forme de modules enrichis d’aides de jeu à distribuer aux joueurs et un contexte francophone (la France de la Belle Époque autour des années 1900) inédit pour des joueurs à l’époque abonnés au dungeonverse (un peu comme maintenant, quoi ^^). Le succès est au rendez-vous et les publications de modules s’enchaînent mais le jeu, tout de même déroutant à l’époque, ne plaît pas pour autant à tout le monde. La sortie de la VF de l’AdC (même année et même éditeur !) va être rude pour Maléfices : le jeu lovecraftien rencontre un immense succès qui ne se démentira plus et accumule les sorties accaparant pour cela les ressources de l’éditeur. Après une très honorable série de 12 modules publiés, Maléfices est finalement abandonné à la fin des années 1980 et tombe dans l’oubli pour le grand public, restant adoré de certains fans qui, notamment, aiment à se réunir dans de sombres caveaux gothiques creusés là-bas, du côté de la bonne ville de Provins.

Le jeu tente un come back porté par sa base de fan (oui, fan au singulier comme en anglais, du coup…) au milieu des années 2000. Cela fait toutefois long feu après la publication d’un épais livre de base très alourdi et de deux modules peu inspirés : le cœur (cruel) n’y est plus et, après tout, Maléfices est peut-être déjà un jeu du passé.

De façon surprenante, Arkhane Asylum décide pourtant de retenter de ressusciter le jeu avec une nouvelle-nouvelle édition, foulancée avec fracas à l’automne… 2018.  On connaît AAP : avec eux, cela ne mégote pas et on annonce donc des ouvrages superbes, nombreux, avec plein d’illustrations en couleurs, des cartes de Tarot refaites à neuf, un écran et tout. Il faut croire que cela faisait en effet beaucoup puisque AAP, alors plus habitué aux traductions de succès étrangers, va peiner à mettre la dernière main à cette gamme au point de lui imposer un retard de plus de 3 ans.

Cela dit, l’essentiel est que le matériel financé soit désormais là. Voyons un peu si les promesses engendrées par ses délais atypiques sont tenues.

La gamme financée se compose d’un gros livre de base, d’un écran du MJ, du fameux Tarot et de deux recueils de scénarios (deux scénarios chacun) sous la forme de livrets sous couverture rigide au format BD.

Commençons, comme il se doit, par le livre de base. Sans surprise, c’est une énorme pavasse de 356 pages… (…) mais, pourquoi j’écris ça, moi ?! En fait, l’idée selon laquelle le livre de base de Maléfices doit être un intimidant bottin rempli ras la gueule d’informations (notamment historiques) est assez nouvelle et ne date que de la réédition des années 2000. Dans l’édition originale, présentée en boîte comme cela se faisait le plus couramment à cette époque, le livret qui tient lieu de livre de base faisait… 56 pages. Si on voulait y ajouter l’autre livret avec scénarios et inspis (ce qui serait plus juste en matière de comparaison puisque le présent livre de base contient bel et bien tout ceci), on grimpait à 102 pages. Voilà qui en dit long sur l’évolution, pas tant de Maléfices, mais de notre hobby en une quarantaine d’années.

Le livre de base s’ouvre sur une section presque dénuée de jeu, entièrement consacrée à la présentation du contexte historique. C’est étonnant. Sans doute même maladroit. La présentation pèse environ 80 pages, très denses, qui n’oublient ni le fonctionnement des institutions de la IIIe République, ni le déroulé chronologique de l’Affaire Dreyfus. A ce propos, on s’étonne de voir une pleine page utilisée pour y publier une reproduction du J’accuse de Zola. On est alors bien, bien loin, du JdR et des maléfices. C’est un peu déstabilisant.

Entendons-nous bien : c’est très bien fait, écrit par des gens qui connaissent leur affaire et ont clairement les années 1900 comme période de prédilection mais cela demeure un peu vain. Ceux qui sont venus pour les maléfices et jeter des dés vont fuir devant pareil manuel scolaire d’Histoire. Ceux qui se passionnent pour Clemenceau et les Expositions universelles savent déjà tout ça ou savent pouvoir le trouver dans des livres ou sur internet en cas de besoin. Après tout, on peut se dire que « plus, c’est mieux » mais c’est oublier que ce livre de base, aussi impressionnant soit-il en taille, n’est pas extensible à l’infini et il nous plaît à penser que bien des pages auraient pu être mieux utilisées qu’en nous donnant les horaires de l’Orient Express en février 1900 ou la liste exhaustive des villes traversées par les protagonistes du Tour de la France par deux enfants. On sent dans ces pages un enthousiasme qui s’est laissé un peu emporté et devient par moment tout à fait hors de propos. Voire gênant.

Heureusement, parfois, le texte redevient plus centré sur la pratique du JdR. La part des informations pratico-pratiques augmente à la fin de l’exposé avec, par exemple, de nombreuses informations sur les transports. Il aurait sans doute fallu aller plus loin dans ce registre car, comme un aveu d’échec, on surprend la gamme à devoir ajouter de petits encadrés du type « Utiliser le téléphone dans Maléfices » au beau milieu d’un scénario. N’est-ce pas justement au livre de base de pourvoir à ce genre de considérations ? Dans le même registre, les encadrés présentant des idées d’aventures liées à tel ou tel passage du background sont un effort méritoire mais on est un peu surpris de les trouver là, dans une section que l’on aimerait pouvoir laisser feuilleter par les joueurs (courageux) décidés à en apprendre plus sur le contexte historique.

Bon, ne boudons toutefois pas notre plaisir : les auteurs savent y faire pour nous faire miroiter toutes les extravagantes possibilités aventureuses et mystérieuses de cette période charnière durant laquelle la modernité technologique et scientifique chevauche encore les traditions et croyances les plus archaïques. Il y a une visible volonté de bien faire en livrant un tout-en-un qui, certainement plaira à ceux qui veulent une visite guidée de l’époque mais qui, tout aussi certainement, risque de faire fuir ceux qui pensaient que jouer au JdR n’était finalement pas si compliqué.

Après cette petite centaine de pages historico-pratiques, les portes du fantastique propre à Maléfices et qui, après tout, lui donnent son nom s’ouvrent enfin plus largement et on sent encore une fois toute la passion et la compétences des auteurs pour nous exposer tout ce qu’il y a à savoir sur les groupes occultes, les pratiques magiques, le spiritisme, etc., le tout continuellement appuyé sur de véritables sources historiques qui donnent tout leur sel à ce background bien ancré, malgré tout, dans une réalité qui fut celle des nôtres il n’y a pas si longtemps.

Toutefois, ici aussi, ce qu’on disait plus haut sur l’utilisation efficiente de ces pages pourtant nombreuses se trouve à nouveau démontré : on a vite une impression de trop peu sur certains sujets que l’on peut quand même, à juste titre, considérer comme cruciaux pour la pratique du JdR. Pour pallier à ce manque de place tout relatif, les auteurs ont fait le pari bien audacieux de renvoyer l’essentiel de ce qui est fantastique à un hypothétique supplément qui reprendrait le titre de Enfers et lieux maudits (le supplément vaporware de la première édition). Concrètement, cela veut dire que, dans ce livre de base, vous n’aurez PAS les descriptions de créatures fantastiques ni de sortilèges. Rien. Pas de loups garous, pas de fantômes, pas de nouer l’aiguillette pas de talismans, rien du tout. Outre le risque non-négligeable de ne jamais voir ce supplément édité (ce qui ferait une triste mise en abyme par rapport aux mésaventures éditoriales de ce supplément hypothétique lors de l’époque Descartes…), cela questionne la place même que l’on donne à un livre de base. Moi, je suis de ceux qui pensent qu’un livre de base doit contenir, comme le nom l’indique, l’essentiel de la proposition de jeu, quitte à devoir ensuite l’enrichir ou la diversifier par des suppléments. Or, là, un livre de base entier, de 356 pages, avec lequel je ne peux pas doter mon PNJ sorcier d’un ou deux sortilèges de magie noire ou dans lequel je ne peux pas trouver les caractéristiques de l’esprit frappeur de mon prochain scénario, cela laisse sans voix.

De façon plus générale, ce qui marque, dans cette section de background, qu’il soit historique ou fantastique, c’est le manque flagrant de coordination éditoriale entre les différents textes : il s’agit d’articles, souvent excellents et passionnants, mais dont on peine à voir en quoi, mis bout à bout, ils font jeu de rôle. Un exemple évident est le passage sur les tarots et la cartomancie vers 1900, pertinents et complet sur le plan historique mais qui réussit l’exploit de… ne pas faire seulement mention de l’utilisation d’un jeu de tarot spécifique dans les règles du jeu Maléfices ! Révélateur.

Après cette imposante section de background qui laisse un goût d’inachevé, il est temps de se pencher sur les règles du jeu. Traditionnellement, pour Maléfices, elles sont très légères et doivent se faire volontiers oublier. Oublier, hélas, c’est justement ce qu’avait fait la précédente édition de la section règles qui était un copié/collé des règles originales, parfois franchement datées, alourdi de quelques règles supplémentaires mal calibrées. Dieu (Diable ?) merci, pas de ça, ici. Les auteurs sont des gens sérieux qui n’ont pas malencontreusement oublié (oups) de s’intéresser aux règles de ce qui est finalement quand même un jeu.

A l’échelle toute relative de Maléfices (on n’est pas passé sous Apocalypse non plus hein…), on peut même dire que les auteurs de cette nouvelle édition n’y ont pas été avec le dos de la cuillère. Et c’est tant mieux ! En vrac : passage du D100 au D20, évacuation de la table des paliers, formalisation de la pratique des champs d’expérience, extension du rôle du tarot, reformatage complet du binôme Ouverture d’Esprit (qui a même changé de nom !)/Spiritualité, etc. Tout cela est bien vu et parfois même nécessaire, toute nostalgie évacuée. La table des paliers ne servait pas à grand chose, le D100 laissait beaucoup d’aléatoire dans un jeu relativement réaliste, les PJ étaient trop peu différenciés les uns des autres, le tarot ne servait plus après la création des PJ et, surtout, le duo OE/S était clairement fumé depuis le début. En somme, il n’y a pas à hésiter : sans être révolutionnaire, cette version des règles de Maléfices est clairement la meilleure à ce jour et c’est avec celle-là que vous devez vous lancer ou vous relancer dans la pratique de ce formidable jeu.

Sans revenir dans trop de détails de quelque chose qui reste, malgré tout, mineur dans la pratique de ce jeu d’ambiance à vivre et de mystères à résoudre, présentons en deux mots les règles pour les Béotiens. Chaque jet se fait sous une des rares caractéristiques sous 20 du jeu : celle-ci donne la difficulté de l’action. Cet objectif est ensuite amendé par des bonus/malus liés aux circonstances ou, nouveauté, aux différents champs d’expérience présents dans la description du personnage (des sortes de « compétences » free form et larges). Il faut égaler ce score avec le jet d’un unique D20. 1 = réussite critique, 20 = échec critique. La marge de réussite peut être calculée pour donner des avantages. Certains tirages des lames du Tarot (Chance, Mort…) donnent de petits twists. Facile et suffisant.

 

Dans tout ce solide ensemble de règles, on mettra en avant deux très grosses évolutions. La première est la création de personnage. Elle était vraiment minimaliste dans la première édition (un peu comme à l’Appel de Cthulhu des débuts : on choisit une profession et… bah voilà, quoi) et quasi inchangée dans la deuxième. Là, les différents profils sont très développés, présentés avec force détails et magnifiquement illustrés : c’est clairement la plus belle section du livre de base. Si certains passages pourront sembler un peu verbeux, dans l’ensemble, c’est un ajout significatif au jeu qui donnera bien plus d’idées de personnages originaux à vos joueuses et joueurs.

L’autre chapitre qui fait la différence est bien sûr la section consacrée à la narration partagée. Présentée comme optionnelle, elle a pour ambition à la fois d’utiliser de façon plus intense le tarot (puisqu’il faudra tirer et interpréter dans ce cadre des cartes)  et de tenter de résoudre la problématique de bien des scénarios d’enquête (genre auquel appartiennent la plupart des scénarios pour Maléfices) : « de toutes façons, tu vas l’avoir ton indice alors la question est plutôt de savoir comment tu vas l’avoir ? ». C’est une tentative heureuse et bienvenue : il est clair que le style Maléfices se prête bien aux systèmes de jeux plus « modernes » et qu’on en vient presque à regretter que ce ne soit pas tout le système qui ait basculé de ce côté là. En effet, même si le recours à la narration partagée sera certainement plaisant, il n’en reste pas moins assez anecdotique dans un jeu le plus souvent linéaire et où, donc, toute autorité partagée avec le MJ est écartée de fait.

Profitions quand même de ce tissage de lauriers pour passer une seconde couche sur ce qui restera comme notre plus grand regret : l’absence de quasiment (en dehors de quelques exemples au goût de trop peu) toute règle pour gérer les aspects proprement fantastiques comme les sorts, les talismans, les monstres, etc.

Le livre de base se consacre ensuite aux conseils de mise en scène du jeu. Si la plupart de ceux-ci sont classiques, arrêtons-nous sur une curieuse section : la confection avec vos doigts gourds de magnifiques aides de jeu matérielles. C’est, si ce n’est une première, a minima une grande originalité dans un livre de base à ma connaissance. La rédaction en est forcément un peu casse-gueule tant les technologiques peuvent évoluer vite (cette section aura-t-elle encore un intérêt dans 10 ans ?) mais le chapitre apporte un vrai air frais dans un jeu que l’on pourrait parfois croire dépourvu de fun et d’amusement. Surtout, même si bien des jeux proposent désormais de telles aides de jeu, Maléfices en a été le pionnier et se doit de maintenir son expertise dans le domaine.

Surprise enfin puisque le livre de base conseille ensuite d’utiliser comme ciment entre les PJ… le Club Pythagore ! Cela ne surprendra en fait pas tous les vieux fans du jeu qui font ça depuis maintenant quasiment 40 ans mais on notera pour l’anecdote que, jusqu’ici, le fameux club était la chasse gardée des scénarios signés Michel Gaudo. Enfin, le jeu peut jouir pleinement de ses atouts en ouvrant grand les portes du club présidé par Caton à toutes les tables de jeu. Hélas, comme pour d’autres aspects du jeu,; les auteurs ont fait le choix risqué de renvoyer l’essentiel de ce qu’il y a à savoir à un futur et hypothétique supplément. Le livre de base, lui, doit se contenter de trois modestes pages dont il sera difficile de tirer quelque chose d’utilisable en jeu. Espérons, encore une fois, que le pari risqué des auteurs soit gagnant.

Un livre de base d’un jeu « à scénarios » comme Maléfices n’en serait pas un digne de ce nom s’il ne se finissait pas par au moins deux scénarios prêts-à-jouer. Ouf, c’est justement le cas ici. Ils sont inédits, présentés avec un grand luxe de détails s’étalant sur une soixantaine de pages (sans compter les aides de jeu à télécharger, on y reviendra) et peuvent se combiner, entre eux et avec un autre scénario publié à part, pour constituer une astucieuse petite campagne d’introduction permettant aux personnages d’intégrer le fameux Club Pythagore. De quoi bien débuter dans la carrière maléficieuse !

Au bilan, ce livre de base imposant et spectaculaire réussit très bien à remettre à plat les règles et même plus largement la définition des personnages de Maléfices. Il apporte aussi, donc, des scénarios inédits. On regrettera simplement que le background purement historique occupe encore une telle place au détriment d’éléments plus emblématiques (le fantastique, la sorcellerie, le Club Pythagore, etc.), imprudemment renvoyés à de futurs et hypothétiques suppléments, prenant le risque de laisser ce livre de base orphelin.

Si, donc, on attend pour… euh… un jour ces futurs suppléments, Maléfices vient déjà avec une honnête petite gamme, notamment son traditionnel écran du MJ.

Cet écran, hélas, fruit d’une hésitation entre plusieurs versions, apparaît très largement hors-sujet. Assez beau si on ne rentre pas dans les détails (une fois que vous avez remarqué la sortie de clim’ sur le balcon, vous ne pouvez plus voir que ça…), il est surtout lumineux et propret comme un épisode d’une émission de TV avec Stéphane Bern et Lorant Deutsch et ne témoigne en rien de l’ambiance occulte et fantastique de Maléfices. Un comble pour un écran qui est, finalement, la seule image du jeu que les joueurs vont avoir sous les yeux durant toute la soirée. On mesure le gouffre qui sépare ce poster gentillet de la malice de l’écran originel, fabriqué lui aussi avec deux francs six sous (ce n’est même pas Paris qui est représenté dessus !) mais qui a su en son temps, lui, parfaitement capturer l’ambiance subtile du jeu.

Le fameux tarot a aussi fait l’objet d’un audacieux relooking. Les cartes, en couleurs, ont été illustrées par la talentueuse Agathe Pitié dans un style qui se réclame de l’Art Nouveau.

Le choix est audacieux et, déjà, ça, cela attire la sympathie pour un jeu qui a trop longtemps souffert de la nostalgie de certains de ses fans. On laissera le soin au large champ des goûts et couleurs, propres à chacun, de trancher sur la réussite ou non de cette version du tarot.

Il existe également une grande carte poster de la France maléficieuse. Son utilisation en jeu n’est pas évidente (pourquoi avoir une belle carte si on ne peut pas la montrer aux joueurs car celle-ci comporte des emplacements secrets ?) mais elle fera l’orgueil des MJ collectionneurs.

Mais, surtout, la gamme possède du matériel de jeu supplémentaire sous la forme de deux recueils de scénarios très similaires sur la forme. Voyons un peu ce qu’ils apportent.

Le premier recueil de scénarios ne part pas gagnant puisque c’est… pitié ! … la réédition des tout premiers scénarios du jeu parus dans les années 1980, à savoir Une étrange maison de poupées et Le drame de la rue des Récollets. Certes ceux-ci sont épuisés depuis belle lurette mais il reste tout de même édifiant de ne pas pouvoir à ce point tourner la page du passé mythique d’un jeu et ainsi devoir encore et encore arpenter les mêmes territoires déjà trop connus. C’est un peu comme si, mettons, à chaque nouvelle édition de L’Appel de Cthulhu, on avait le droit à une réédition des Masques de Nyarlathotep… oh wait !

Bon, bref, faisons avec et constatons tout de même que ces rééditons sont très largement augmentées : outre la présentation, désormais luxueuses, les scénarios ont été largement réécrits par de vieux, vieux fans qui les ont fait jouer cent fois et cela se ressent positivement. Les scénarios étaient bons, ils sont encore meilleurs : là dessus, pas de polémique. On ergotera tout de même sur l’absence étonnante des (nombreuses) aides de jeu, indices à distribuer, faux journaux, etc. : une des caractéristiques emblématiques du jeu depuis ses débuts. Ah, certes, elles sont bien là, en nombre et en qualité mais uniquement à télécharger puis à imprimer à vos frais. Bon, après tout, il faut bien vivre avec son temps et admettre que cela est plus fonctionnel que de devoir photocopier le bouquin. Cela dit, elles ne sont pas même reproduites en petit dans les pages du recueil et cela rend la lecture et la compréhension des scénarios très délicates. Vous n’y couperez pas : il faudra tout imprimer avant même de commencer à travailler sur votre future séance de jeu.

 

Au final, le recueil est bon, voire très bon… si vous n’avez pas déjà ces scénarios avec vos notes perso, aides de jeu refaites avec vos doigts boudinés, etc. Ce que la plupart des fans de Maléfices ont déjà. Les nouveaux ne verront pas forcément l’intérêt d’avoir les mêmes scénarios qu’il y a 40 ans (misère !). Non, la seule chose qui justifie ce choix éditorial est la volonté « patrimoniale » d’envisager de rééditer tous les scénarios historiques (un peu comme la démarche du Scriptarium avec Rêve de Dragon). Celle-ci semble toutefois ici bien illusoire. Qui vivra verra mais on sent plutôt que le retard conséquent subi par le jeu et les critiques peu amènes reçues à l’occasion par l’éditeur ont détourné AAP de cet objectif et il serait quand même assez surprenant de voir l’éditeur se lancer dans un programme éditorial soutenu et ambitieux sur cette gamme. Bien sûr, on ne demande qu’à se tromper sur ce sujet.

Le deuxième recueil de scénarios, au même format, s’intitule Enquêtes Maléficieuses et est composé, lui, de deux scénarios inédits signés de nouveaux auteurs. Ouf. Si la forme ne diffère pas (y compris, donc, les annexes en PDF à télécharger…), on peut considérer que c’est LA pépite de ce début de nouvelle gamme Maléfices et ce qui, in fine, justifie l’existence même de cette réédition. Les deux scénarios sont très inspirés en termes d’ambiance, mélangeant les classiques du genre (on ne peut pas trop spoiler mais disons qu’une bonne vielle séance de spiritisme, cela ne se refuse pas ^^) et des territoires inédits qui donneront tout de suite envie aux fans de la période 1900 d’en savoir plus. Ils sont très fonctionnels avec un présentation pas trop verbeuse (bon, on est quand même dans du Maléfices, hein…) et des aides de jeu de qualité à foison (même si… bon, bref). Surtout, qualité qui emporte le morceau au final, ils ne finassent pas avec le fantastique : fidèles à l’esprit original de Maléfices (et non pas à la dérive de la réédition des soit-disant Éditions du Club Pythagore), ils sont résolument surnaturels tout en le dissimulant le plus longtemps possible derrière une incertitude fantastique de bon aloi. Ils s’inscrivent pour tout cela dans la droite ligne des deux (plus petits) scénarios du livre de base et laissent entrevoir une belle lignée de scénarios inédits pour le jeu, si, bien sûr, les auteurs ont le temps d’exploiter cette veine dans de futurs suppléments.

Oh, bien sûr, ne vous attendez pas à du bac-à-sable ou autre format déconstruit : on est là dans du classique avec une intégration parfois un peu laborieuse des personnages (utilisez donc le Club Pythagore… maintenant qu »on a le droit !) et un déroulé très scripté en scènes chronologiques (avec parfois des mentions agaçantes du style « quoi que fassent les personnage… » grrr !) mais cela fait partie du contrat si vous voulez jouer à Maléfices et, surtout, n’oublions pas que cette façon de jouer plaît à bon nombre de rôlistes qui, donc, peuvent là trouver un matériel de qualité qui va satisfaire leurs aspirations.

Voilà, quitte à se répéter, c’est, une fois de plus, dans ses scénarios que Maléfices se sauve des griffes du Malin. Certes, la remise à plat du système de jeu est très réussie dans cette édition mais cela n’a jamais été un argument majeur de ce jeu. Certes, le contenu en terme de background historico-fantastique est toujours plus augmenté mais sa présentation reste très inaboutie et peu fonctionnelle. Non, le sel du jeu, vous le trouverez dans tous ces excellents scénarios, les anciens (si vous ne les connaissiez pas encore…) mais surtout les nouveaux. On en espère donc plus à l’avenir.

6 pensées sur “Maléfices ne soufre plus de son retard [chronique]

  • 3 juin 2023 à 08:47
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    A la lecture je rejoint l’auteurs de la critique, en sont temps le supplément « A la lisière de la nuit » fut une grosse claque : un très bon supplément qui ouvrait des perspectives et comblait une des parties les plus indispensable du jeu. Patience donc, tout vient à point à qui sait attendre … En attendant on peut ne pas bouder sont plaisir et se régaler d’une nouvelle édition de ce bon jeu.

  • 3 juin 2023 à 18:53
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    Pas terrible cette critique. Certains arguments contre le livre sont discutable (comme l’écran et la rééditions des vieux scénarios )

    • 7 juillet 2023 à 01:54
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      A priori, l’auteur de l’article n’est pas aussi vieux que le jeu. D’ailleurs, il n’a pas vraiment bien révisé son sujet car il y quelques erreurs de datation sur l’apparition et la fin de parution de la première édition du jeu. Celui-ci étant apparu sur nos étale en l’année 1985 (après l’édition française de l’Appel de Cthulhu) et les derniers scénarii sont sortis dans le milieu des années 90, voir même dans les années 2000 pour les deux derniers opus.
      Et celui-ci n’a pas dût bien comprendre la philosophie et l’ADN même de se genre de jeu. A la lecture on peut croire que celui-ci s’attendait à du D&D à la belle époque avec force de créature à abattre ou trucider. Ici, tout l’intérêt est justement de mettre le doute sur le fait qu’il y ait ou non une part de fantastique sous un voile de légende et/ou d’ésotérisme et peut être tombé dans un simple fait d’hiver.
      Toutefois, la critique est plutôt bonne concernant la lourdeur du contenu en terme de background historico-fantastique et la mise en place de contexte qui prend le pas sur une place qui pouvait être réserver à autre chose. Sans compter la critique sur le fait qu’il faille aller récupéré les Aides de Jeu sur le site internet de l’éditeur (c’est peut être moderne mais pas très pratique et encore moins écologique)…
      Dommage que sa vindicte se concentre sur la ré-édition des vieux (mais excellents scénarii) qui font plutôt référence dans le genre. D’où certainement la demande de ré-édition pendant la campagne participative. Et, il est à espéré que Arkhane Asylum nous fasse le plaisir de continuer à éditer la suite de ses « vieilleries » qui sont tous de vraies gourmandises et de vraies réussites qui ont fait l’âme et la force de se jeu.

      • 7 juillet 2023 à 10:22
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        Cela fait beaucoup d’a priori, Grand Ancien.
        En lisant l’article sans a priori, on comprend bien que c’est l’écriture du jeu qui entre en télescopage avec l’AdC : Maléfices est une commande de JD qui n’a pas vu venir le succès qu’allait être la VF du jeu américain et qui allait rendre sans doute moins utile de publier le jeu français. L’abandon du jeu par JD est également acté dès la fin des années 80. La publication du Voile de Kali, d’ailleurs bâclée, n’est là que pour satisfaire une promesse faite aux fans et aux auteurs quelques années plus tard. Les deux modules des EDCP des années 2000 n’ont rien à voir avec mon propos sur la fin de la publication de Maléfices chez JD, je ne sais même pas pourquoi vous l’évoquez.
        Pour ce qui est de l’appréciation de l’esprit originel du jeu, je vous invite à relire plus attentivement les scénarios originaux que vous adulez : ils ne laissent jamais le doute entre fantastique et simple « fait d’hiver » et on y trouve démons, zombies et autres créatures surnaturelles à foison. A priori, toujours.

  • 7 juin 2023 à 10:47
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    Alors Maléfices ça a été la plus grosse déception des dernières rééditions . Franchement, aucune aide de jeu dans le bouquin ! C’est du délire!!! Du coup on ne comprend rien à la lecture si on ne va pas sur l’ordi pour les télécharger et les lire. Arkhane est nullissime en création. Ils ne savent faire que de la traduction. J’aurai vraiment préféré qu’un éditeur plus sérieux reprenne cette license. Et il y aurait pas mal d’autres points négatifs à détailler.

  • 9 juin 2023 à 14:38
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    Plutôt d’accord avec cette critique.

    Je suis un grand fan du jeu qui fût mon premier jdr à l’époque et je trouve l’édition très belle (à part l’écran… les goûts, les couleurs etc…).
    J’ai trouvé les nouveaux scénarios totalement dans le ton du jeu, point capital à mon sens.

    Malgré tout, je pense également qu’on aurait vraiment gagné à développer un tout petit peu plus la partie surnaturelle, les pactes, les rituels, les lieux maudits & Co en rognant un peu dans la partie historique. Là dessus je suis resté complètement sur ma faim et j’ai du mal à voir comment un nouveau joueur peut l’aborder.

    Espérons vraiment qu’à minima on aura un supplément sur le sujet. « A la lisière de la nuit » était un supplément excellent qui abordait le fantastique sous un angle vraiment atypique et on se prend à rêver du même genre de bouquin avec la qualité graphique de cette édition en plus.

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