Knight – le Livre de Base

Alors que l’Anathème et ses créatures d’obscurité envahissent peu à peu notre monde, aurez-vous le courage de rejoindre le Knight afin de devenir le dernier espoir de l’humanité ?

Nouvelle édition de ce jeu ayant déjà connu une belle carrière chez Orygins, Knight – le Livre de Base garde un fond d’aussi bonne qualité mais se transcende totalement sur la forme – au point de donner envie aux possesseurs de l’ancienne version de posséder aussi la nouvelle.

Une édition 1.5

Projet porté par Simon Gabillaud & Coline Pignat au sein de l’éditeur Orygins, la toute première version de Knight fut financée en 2015 avec plus de 350% de l’objectif. Presque une hérésie dans le milieu du jeu de rôle, le produit se trouva livré en temps et en heure aux souscripteurs – avec l’intégralité des bonus ! Une sacrée gageure qui témoignait du grand sérieux de l’équipe. Ce très bon jeu connut un joli succès critique et public, qui lui assura une bonne réputation.

Lorsqu’Orygins décida de cesser son activité, les auteurs de Knight décidèrent de poursuivre leur belle aventure en fondant eux-mêmes une maison d’édition afin de relancer le jeu : Antre Monde. Sans guère toucher au fond du jeu, ils en renouvelèrent totalement la forme – qui tutoie à présent des sommets. Graphiquement, c’est une forme d’apothéose avec de la couleur partout, une maquette claire et lisible, des illustrations qui provoquent une fracture de l’œil, une charte de mise en page qui privilégie l’ergonomie… Un niveau a bel et bien été franchi.

Au niveau des modifications, celles-ci restent mineures. Errata et FAQ ont été directement intégrés dans le texte, qui se voit en plus densifié par l’apport de cadres et scénarios venus tout droit d’un supplément de l’ancienne édition (Aides de Jeu et Cadres d’Aventure). On trouve également quelques réorganisations des chapitres qui contribuent à fluidifier la lecture et à rendre plus accessibles les règles. C’est donc une optimisation de l’ancienne version à laquelle on a affaire : plus une version 1.5 qu’une nouvelle édition.

A gauche, la nouvelle édition (Antre Monde) à droite la première édition de Knight (Orygins)

Dans le futur, il n’y a que les ténèbres…

Knight se déroule dans un avenir assez proche de notre époque (tout juste une vingtaine d’années), mais ayant pourtant connu de grands bouleversements. Sur le plan politique, de puissants blocs se sont constitués afin de prendre l’avantage dans une période plus que troublée et en conséquence, de nombreux conflits plus ou moins graves les ont opposés ici et là. La science a bien sûr progressé – trop vite pour que l’humanité assimile toutes ces innovations (particulièrement dans le domaine très délicat de la nanotechnologie).

Et puis : l’apocalypse ! Des poches de ténèbres ont commencé à recouvrir de nombreux territoires partout dans le monde – parfois des nations entières ! Ce phénomène, que l’on nomme l’Anathème, amena avec lui des hordes de créatures de cauchemar. Dépassée, la population mondiale a alors cédé au désespoir. Heureusement, les élites de la planète ont fait construire des Arches : de gigantesques mégalopoles, placées sous dôme afin de se protéger de l’obscurité. La plupart de l’humanité s’y est réfugiée, soumise à ses nouveaux dirigeants, tandis que les plus épris de liberté (et qualifiés de « rebuts ») ont préféré tenter leur chance au dehors.

Mais l’Anathème continuait à gagner du terrain. Confrontée à elle, les armées conventionnelles se révélaient presque totalement impuissantes. Un guerrier vêtu d’une armure novatrice est alors apparu : connu sous le nom d’Arthur, il a repoussé les ténèbres et ramené l’espoir. Sous son égide, une organisation de guerriers vêtus de méta-armures surpuissantes s’est dressée contre l’horreur : le Knight !
Et cette alliance n’est pas de trop car l’Anathème n’est pas le seul ennemi de l’humanité : celle-ci a toujours très bien su s’autodétruire toute seule… Les Arches sont notamment loin d’être des havres de paix : d’innombrables factions luttent entre elles pour y gagner du pouvoir, parfois au détriment du bien commun.

Un univers à secrets

Toute la première partie de Knight contient le backgroud auquel les joueurs ont accès : histoire du monde, Knight (organisation, membres, méthodes, matériel…), l’état de la planète au moment où prend place le l’action du jeu…

C’est dense, bien écrit et inspirant – même si tout ce qui concerne la géopolitique demande une certaine suspension d’incrédulité. L’essentiel s’y trouve, avec de nombreux détails facilitant l’immersion. On saisit très vite quelles sont les influences de Knight, les genres dont le jeu se réclame : du post-apocalyptique (la fin du monde a eu lieu), de l’anticipation (de par un contexte intégrant des éléments de science-fiction, comme la nanotechnologie, les Havres…), de la fantasy épique (les chevaliers inspirés du mythe arthurien)… De fait, ce genre de mélange est typique de ce qu’on trouve dans des manga et anime japonais : un pot-pourri d’inspirations collées les unes aux autres sans aucun complexe (et avec une bonne dose de méchas). Mais là où l’on pouvait craindre un cocktail indigeste et disparate, le jeu parvient contre toute attente à conserver une réelle cohérence grâce à une grande rigueur dans l’écriture. L’univers de Knight est séduisant, travaillé et profond. On a donc rapidement envie de s’y plonger, de revêtir une méta-armure et de se lancer dans la bataille contre l’Anathème !

En haut, la nouvelle édition (Antre Monde), en bas la première édition de Knight (Orygins)

D’autant que le contexte du jeu s’enrichit d’un fond cosmogonique qui n’est accessible qu’au meneur de jeu. Tout un chapitre se consacre ainsi aux secrets du monde (incroyable : il n’est donc pas nécessaire d’attendre un hypothétique supplément qui leur soit consacré dans un improbable et lointain futur !).

À nouveau, ceux-ci s’avèrent très stimulant et plutôt originaux (sur une base pourtant classique et manichéenne – la Lumière contre les Ténèbres, mais selon un point de vue assez inspiré). L’Anathème, les Abysses, les Seigneurs des Ténèbres, les organisations rivales du Knight (comme le Nodachi, cette armée japonaise digne des anciens samurai) : tout est passé en revue et aucun recoin de l’univers n’est gardé dans l’ombre. Il y a de quoi écrire sa propre campagne (forcément épique !) dès le livre refermé.

Le Système Combo

Le système de Knight se base sur une bonne idée : un personnage se définit par une quinzaine de caractéristiques (Force, Combat, Savoir, Technique, Perception…) et il suffit d’en accoler deux pour obtenir le nombre de dés à lancer en fonction de l’action entreprise : Tir + Déplacement pour arroser à la volée, Dextérité + Savoir pour opérer un patient, Endurance + Parole pour tenir un long discours… Les dés affichant un résultat pair sont des réussites et il faut en cumuler plus que la difficulté fixée pour réussir son action. Une base plutôt simple mais propice à ce que les joueurs se l’approprie rapidement (attention à l’optimisation, cela dit). Divers autres paramètres autorisent également le joueur à garder la main sur le destin de son personnage : utilisation de points d’héroïsme ou d’espoir, par exemple.

Le combat quant à lui ne complexifie guère la mécanique : on prend en compte l’initiative et le choix du mode de combat (défensif, agressif…) – mais aussi tout le matériel dont dispose un personnage (dont sa méta-armure, bien sûr !).

Car dans Knight, on joue un chevalier membre de l’organisation du même nom – c’est à dire un héros quasi mythique, vêtu d’une méta-armure bardée d’armes et augmentant la puissance de son porteur. Et il faut bien ça pour combattre les créatures de l’Anathème ! La méta-armure étant le prolongement du personnage, elle est donc personnalisable au gré du joueur. Il en existe neuf modèles de base, chacun ayant ses spécificités (avantages mais aussi handicaps) et il est possible d’y ajouter de l’armement et des accessoires, selon le nombre d’emplacements disponibles (les slots). Grâce à cette customisation, aucun chevalier ne ressemblera à un autre autour de la table et chacun trouvera son compte : guerrier tout en puissance, sniper insaisissable, assassin de l’ombre, techno-médecin, stratège de terrain, etc.

Guidée point par point, la création de personnage se révèle agréable et aisée. Elle permet de se forger un chevalier unique, prêt à se lancer dans des batailles épiques. Très aisé à prendre en main, le système du jeu n’en reste pas moins riche grâce à sa grande modularité. Une ou deux parties suffisent à en comprendre les diverses subtilités – le plus compliqué étant la gestion des nombreux paramètres de la méta-armure. De ce point de vue, les règles sont assez crunchy : de quoi ravir les fans d’équipement mais les amoureux du freeform seront sans doute un peu dépassés.

Knight a également la bonne idée d’alléger le chapitre des règles en reléguant en annexe tous les éléments les plus rébarbatifs à lire : liste d’armes, équipement, véhicules, bestiaire, etc. On ne s’y réfère donc qu’en cas de besoin et ils n’interfèrent pas avec la lecture du cœur du système.

Héroïque et épique

Ces deux mots illustrent bien le genre de parties que Knight peut proposer. Les personnages y sont des paladins luttant contre d’horribles créatures pour la sauvegarde de l’humanité. Ils portent des méta-armures qui les transforment en surhommes et disposent d’armes à la pointe de la technologie (au point de flirter avec la magie). Malgré son contexte science-fictionnel, Knight assume sa part de fantasy et développe une imagerie diablement excitante – du Mad Max mâtiné de japanimation à base de méchas.

Cela dit, la lecture du livre démontre que le jeu dépasse cet aspect martial. La description du monde indique bien que la politique y est en bonne place : si le Knight est apprécié sur toute la planète, il existe des régions où sa présence est considérée avec suspicion voire hostilité (notamment au Japon, siège du Nodachi). Il faut donc souvent marcher sur des œufs et user de diplomatie durant les missions. De même, les Arches se révèlent de véritables paniers de crabes où des politiciens règnent sur une population soumise – intrigues et complots y sont donc fréquents, malgré la menace de l’Anathème.

Enfin, cet ennemi de l’humanité oriente le jeu vers l’horreur : le Knight combat des entités millénaires aux projets répugnants, qui disposent à leur service d’une horde de créatures toutes plus dangereuses les unes que les autres. Et toute cela sans même évoquer le rôle de l’art, pourtant central dans l’univers car il s’agit du meilleur vecteur d’espoir – et donc une valeur à sauvegarder prioritairement pour le Knight. D’ailleurs, le jeu propose en filigrane une quête du Graal que l’on verra sous peu se développer en une ambitieuse campagne.

Knight se révèle donc plus riche qu’on ne pourrait le croire en se contentant de feuilleter le livre.

Mais bien que de nombreuses façons d’aborder le jeu existent, son postulat de base permet de ne pas s’égarer : les chevaliers restent au service d’une organisation dont ils reçoivent leurs missions. Le meneur de jeu est donc cadré et le livre de base offre de nombreux scénarios et plusieurs contextes de campagnes – qui sont autant d’exemples sur la façon de mêler harmonieusement les éléments du background.

Méta-armure rutilante

Comme il a déjà été évoqué, la forme de Knight est particulièrement séduisante. On tient entre les mains un ouvrage épais sous couverture cartonnée, à l’intérieur tout en couleur. Il est parsemé de nombreuses illustrations toutes très réussies – et qui font vibrer la corde héroïque qui sommeille en nous. Les méta-armures sont notamment de toute beauté (que ce soit dessinées en action mais aussi par type afin de bien les identifier). Quant à la nouvelle mise en page, elle permet de retrouver n’importe quelle information rapidement grâce à un index thématique et une maquette fonctionnelle en diable.

Knight est un jeu de rôle qui porte un feeling très années 1990 / 2000, que l’on peut qualifier « d’à l’ancienne » – dans le sens élogieux du terme. Livre dense, il développe un background riche et exigeant, propose des règles complètes et détaillées, fournit les secrets et les coulisses de l’univers et offre en plus du matériel jouable à foison (scénarios, cadres de jeu, conseils).

Cette présentation complète est particulièrement appréciable et ravira tous ceux qui cherchent un bel univers à explorer durant de longues campagnes – et celui de Knight peut facilement occuper une table de jeu pendant quelques années, d’autant plus avec la campagne qui arrive sous peu.

En haut, la nouvelle édition (Antre Monde), en bas la première édition de Knight (Orygins)

Vers Avalon et au-delà !

Knight – le Livre de Base est donc un jeu qui transpire la passion de ses auteurs (devenus éditeurs pour donner vie à cette nouvelle édition), mais aussi un grand professionnalisme dans sa conception.

L’ouvrage fusionne intelligemment de nombreuses influences et parvient à créer un univers original et stimulant sur une base qui parle à tous les rôlistes (le mythe arthurien, du post-apocalyptique, des monstres à affronter…), le tout soutenu par des règles adaptées et ergonomiques. De plus, une grosse campagne sera livrée sous peu : la souscription pour la financer a atteint la bagatelle de 1.000% de son objectif, une preuve tangible de la confiance que la communauté accorde aux auteurs du jeu !

Il n’y a donc aucune raison pour ne pas craquer si vous ne l’aviez pas déjà fait sur l’ancienne version (auquel cas, il faut se poser la question de savoir si la forme améliorée vous suffit pour racheter un contenu à 90% identique). Le Knight n’attend que vous : enfilez votre méta-armure, affûtez votre épée cinétique, rassemblez vos compagnons et sus à l’Anathème !

En haut, la nouvelle édition (Antre Monde), en bas la première édition de Knight (Orygins)

http://knight-jdr.fr/

2 pensées sur “Knight – le Livre de Base

  • 6 février 2019 à 14:59
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    Bonjour,
    critique très inspirante… qui arrive malheureusement un peu tard, car le livre semble déjà en rupture de stock à ce jour. Dommage, donc.

    • 17 mars 2019 à 20:45
      Permalink

      Correction, le livre de base vient de réapparaitre sur au moins un site spécialisé en ligne!

Commentaires fermés.