Pas tout seul dans sa tête

Après avoir longtemps été annoncé sur le planning des XII Singes, on pouvait penser que Le Cabinet des Murmures n’était que du vaporware mais, non, le voilà, il est là : le jeu est actuellement en foulancement (attention, pour encore quelques jours seulement). Il est même d’ores et déjà financé. Toutefois, il reste encore quelques beaux paliers à débloquer, notamment pour doter le jeu d’un supplément de contexte et scénarios. Bref, il était encore temps de demander à Matthias Haddad, l’auteur, de nous parler de son œuvre.

1. Ouah, un reboot des Ténébreux Secrets de Sherlock Holmes (Fantom, 2006), ‘fallait y penser ! (…) Non, sérieusement, ça vient d’où cette idée bizarre ?

Je suis pas venu là pour souffrir, OK ? Plus sérieusement, tu es le premier à me sortir cette référence. J’ ai eu Tout le monde est John , Bluebeard’s bride, mais pas Sherlock. Il y a effectivement eu plusieurs projets qui allaient dans cette direction par le passé, on pourrait aussi citer Khaotic, chez Marquee Press par exemple… Pour autant, lorsque j’ai commencé à plancher sur le jeu, au début des années 2000, je cherchais surtout un moyen d’exploiter la thématique du groupe de PJ, de l’optimiser pour que personne ne s’ennuie à la table de jeu, que ce qui se passe en jeu concerne tous les joueurs, tout le temps. À côté de ça, le thème des fantômes m’a toujours emballé, j’ai longtemps été fan de Wraith, sans jamais savoir quoi faire de ce jeu. Avec le Cabinet des Murmures, on a des Esprits en prise avec le monde des vivants.

2. L’uchronie napoléonienne, c’était pour se faire plaisir ou pour remplir le livre de base ? On est d’accord que, vu l’appétence de la fin du « vrai » XIXe siècle pour le spiritisme, ce n’était pas indispensable, hein ?

Niveau appétence, on aurait pu faire sans, certes. Mais le spiritisme n’est pas le seul thème du jeu, et les forces en présence dans le setting peuvent chambouler pas mal de choses dans une campagne. Si j’étais resté dans un cadre purement historique, je pense que j’aurais piégé les MJ et les joueurs dans le carcan de l’Histoire, et peut-être bloqué les gens dans des considérations limitantes. L’uchronie permet beaucoup de liberté avec le cadre de jeu, notamment celle d’introduire des touches steampunk…

3. Cela se déroule donc dans une ambiance fin de siècle, OK. Mais, puisque les PJ sont morts, je peux jouer ce que je veux, pas vrai ? Je vais pouvoir refaire mon guerrier viking berserk décédé en 886 au siège de Paris ou pas ?

Tu peux effectivement jouer l’esprit de ton berserker qui hante une ou un médium de 1880. Je trouve l’idée plutôt cool, d’ailleurs. Le jeu donne une quarantaine de profils pour aider à créer les Esprit, mais ils sont tous orientés XIXe (notamment parce qu’ils servent aussi à guider le MJ dans la création des PNJ) , en revanche, les règles permettent tout, y compris de créer des Esprits « anciens », il faut juste imaginer des acquis (les savoirs de l’esprit) qui soient pertinents pour jouer à la période décrite dans le jeu.

4. Eh, mais je viens de réaliser un truc horrible ! Si on joue des esprits, c’est-à-dire que… (gloups)… il n’y a pas de combats dans une partie de Le Cabinet des Murmures ?

Rassure-toi, on peut se battre aussi (cette phrase est bizarre quand on y pense) ! Les Esprits hantent un corps, celui du médium, qu’ils utilisent pour combattre leurs adversaires. Les combats sont assez violents et peuvent être vite mortels, même s’il existe une règle d’évanouissement. Attention donc à ne pas foncer tête baissée : il n’y a qu’un corps pour tout le monde !

5. Pfff, trop facile comme jeu, les PJ ne peuvent même pas mourir ! Du coup, que peuvent-ils bien craindre ?

Justement, si le corps meurt, tout le monde est expulsé et, à moins d’avoir un second médium sous la main, c’ est direction l’au-delà ! Or, si les Esprits hantent les vivants à la base, c’est peut-être qu’il y a un souci du côté de l’au-delà.

En plus de ça, chaque Esprit est composé de « périsprit », une substance qu’il peut exploiter pour utiliser ses pouvoirs, soigner le corps ou booster une action. Lorsque sa réserve tombe à 0, il n’existe tout simplement plus.

6. Ouais, enfin, quand même : bonjour la notion du temps chez les morts, hein. Honnêtement, c’est possible de jouer en campagne à ton jeu ou c’est plutôt pour du one shot ?

On peut jouer en campagne, il faut simplement définir des raisons pour que le médium et ses Esprits repartent à l’aventure régulièrement, et ça peut tout simplement être un job : « médium professionnel, enquêteur sur les bords ». Cela étant dit, on gagne en intensité avec les one-shot : il est facile, avec ce format, de mêler le passé des Esprits à l’aventure qu’ils jouent. Puisqu’ils sont en partie amnésique, le MJ leur révèle certains de leurs souvenirs en cours de jeu.

7. J’ai vu sur la page du foulancement qu’il y avait une sorte de plateau avec des kubenbois à déplacer dessus : c’est un boardgame, en fait, c’est ça ?

Il y a bien un plateau, avec des pions en bois, mails ils sont ronds !

Le plateau représente l’arbre de vie de la Kabbale, et chacune de ses sphères un comportement, lié à un défaut. Chaque Esprit bouge de sphère en sphère pour montrer ses changements de comportement, ce qui guide le roleplay des joueurs. Si le comportement correspond à la qualité nécessaire à l’action qu’entreprend l’Esprit, il peut choisir de cumuler des dés et obtenir de très hauts résultats, mais il prend le risque de provoquer des désastres. Et pour annuler un désastre, il faut accepter d’augmenter un défaut. Et plus un défaut augmente, et plus l’esprit se corrompt et devient monstrueux.

8. Il paraît que c’est toi aussi qui fait la direction artistique et la maquette. OK, t’aimes pas trop, trop déléguer comme garçon, pas vrai ?

Heureusement, si, sinon, je croulerais sous le travail : on est plusieurs à illustrer (Laurent Miny, par exemple, signe le visuel de l’écran) en plus des éléments issus du domaine public, et je ne coule pas la totalité des pages de la maquette. Mais, sinon, ça vient de mon job : je suis graphiste, du coup, la narration est aussi visuelle pour moi. C’est important, même la maquette participe à raconter le jeu.

9. Les XII Singes ont acquis la réputation de livrer leurs foulancements plus vite que leur ombre. Alors, pas trop la pression ?

Beaucoup de choses sont prêtes depuis longtemps ! Les mois qui viennent vont surtout servir à embellir encore un peu plus le livre de base et les suppléments, mais le plus gros est déjà dans la boîte !

10. Question subsidiaire. Le Cabinet des Murmures est une mise en abyme de la table de JdR. Le Medium est celui à qui c’est le tour de parler au MJ et les autres joueurs sont ceux qui lui donnent des conseils en méta jeu. Du coup, à partir de combien de répliques de Kaamelott résonnant dans sa tête le Medium devient-il fou ?

C’est pas faux. Mais qui te dit qu’il n’en sort pas quelques-unes lui-même ?

https://www.gameontabletop.com/cf238/le-cabinet-des-murmures.html