Pas évident se se faire servir un café en terrasse depuis la demi-fin du confinement, pas vrai ? Du coup, pour être bien raccord avec l’ambiance, Eric Nieudan a décidé de nous faire mariner comme un garçon de café parisien nous laissant pendant une plombe la main en l’heure en vain. C’est très réussi comme imitation. En effet, les francophones ont du attendre… feux ans et demi (!) avant d’avoir droit à leur version de son jeu OSR à succès, Macchiato Monsters. Alors, une fois qu’on a enfin réussi à se faire servir, on ne pouvait pas lâcher le tenancier comme cela. On en a profité pour lui poser quelques questions sur sa recette.
1. Bon, au final, il n’est pas bien gros ce Macchiato Monsters édition Noisette. Pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps pour traduire cette soixantaine de pages en VF ?
Oui mais c’était compter sans ma légendaire flemme ! L’idée au départ était que je me charge de la traduction moi-même. Si Cédric Ferrand ne s’était pas spontanément proposé pour traduire le bébé, on y serait encore.
2. Bah, en tout cas, moi, je n’ai pas eu la patience d’attendre et j’ai plutôt acheté tout Chibi et tout Les Livres de l’Ours. On est d’accord pour dire que je n’ai pas vraiment besoin de prendre MM en plus, pas vrai ?
C’est dommage, tu m’aurais dit avant, je t’aurais fait économiser des sous ! Parce qu’en fait si t’as Cthulhu, tu peux juste adapter sans avoir besoin d’acheter d’autres jeux.
Mais sérieusement, je pense pas qu’il existe beaucoup d’autres jeux « old school » qui allient la création de persos et la magie flexible avec les outils que le jeu propose. Avec Macchiato Monsters, j’ai essayé de réunir tous les outils dont un arbitre pourra avoir besoin pour une campagne créée sur le pouce. Même si tu te bases sur un univers existant, tu verras qu’il s’adaptera à tes idées et à celles de tes joueuses, pour devenir votre donjonverse bien à vous — tout comme ceux de premiers explorateurs d’univers auxquels la culture OSR fait souvent référence.
3. Il y a beaucoup, beaucoup de tables aléatoires pour toutes sortes de choses dans MM. C’est qui qu’a copié ? Toi ou le Grümph ?
Ceux qui savent ne parleront jamais !
La table aléatoire est un outil super utile pour un MJ de « jeu d’aventures » (un terme interchangeable chez moi avec « OSR » ou « jeu à l’ancienne »). Les jets de dés le surprennent et lui donnent des idées. Un MJ old school se doit d’être impartial, et la table aléatoire est un des garants de ce statut « d’interface avec le monde » comme dit Grümph. Si les joueuses savent qu’il y a un dragon qui chasse parfois dans la montagne, elles pourront s’en prendre qu’à elles-mêmes quand tu feras 12 avec 2d6 sur la table de rencontres…
Un objectif tout con, comme par exemple capturer un troupeau de chèvres qui paissent au bord d’un torrent de montagne, devient épique si la table de météo dit qu’il pleut à verses pendant plusieurs jours et que celle des événements nocturnes indique l’arrivée d’une bande de goblours pacifiques mais affamés.
4. Moi, j’ai des joueurs, ce sont des vrais pétochards. Une mécanique qui met autant en avant l’attrition de leurs ressources via les dés de risque, ce n’est pas un problème ? J’en connais qui préféreront ne rien tenter plutôt que de voir leurs précieuses ressources décliner !
Je pense que tu te fourres la perche de trois mètres dans l’œil et… Oh merde ça saigne ! Vire, prends cette potion de régénération. Ouf.
Où en étais-je ? Ah oui : tu as de la chance. A mon sens, les joueurs pétochards sont ceux qui s’en sortent le mieux. Justement parce qu’ils font gaffe à leurs rations et à leurs composants magiques et prennent les bonnes décisions au bon moment. Alors certes, sur une feuille de perso, un dé de risque « flèches Δ6 » c’est plus stressant que « carquois avec 11 flèches », mais c’est justement l’idée. Rendre la comptabilité plus fun et s’autoriser quelques surprises ici et là. Un sac à dos percé, une lanterne sans huile, une baguette magique qui risque de nous lâcher à chaque utilisation… Que veux-tu, j’aime la survie et les situations tendues.
5. Tiens d’ailleurs, puisque la taille, ça compte, j’y reviens. L’édition Noisette proclame fièrement : « Huit pages exclusives ». Tu sais très bien ce que cela veut dire, hein ? Dans 5 ans, la nouvelle édition de MM passera par un foulancement pour une version de plus de 200 pages. C’est vraiment ça que tu veux pour ton jeu ?
Uniquement si dans cinq ans je suis mort et que mes ayant droits ont besoin d’argent. Autrement, non.
Les huit pages de plus, c’est pour remercier les francophones d’avoir attendu si longtemps — sans, comme certains, passer à Chibi et aux Livres de l’ours. J’ai doublé la quantité de monstres (il y en a 100, ce qui fait une table aléatoire sympa pour les arbitres en manque d’idées), j’ai repris la table de conversion des trésors de l’édition zéro (corrigée par un fan plus fort en maths que moi), et ajouté des règles de véhicules ainsi qu’une option pour jouer les flashbacks inspirée par Donjon & Cie.
6. Justement, puisque tu en parles : MM sert donc de base mécanique au jeu Donjon & Cie à paraître chez John Doe (et BBE). C’est quoi l’idée ? Faire de MM une sorte de système générique ultime ?
Mais non voyons, on a déjà dit que le système générique ultime c’était Cthulhu. Tu t’es enfoncé cette perche de trois mètres jusqu’où, Julien ?
Macchiato Monsters est un jeu en Open Game License, c’est à dire qu’il peut être repris à des fins commerciales à condition de respecter certains termes. Je suis très fier que le système serve à d’autres jeux, qu’ils se situent dans des univers donjonesques ou non, comme le Café Noir du Doc Dandy sorti en 2018. Benoît Felten et moi sommes potes depuis une vingtaine d’années, mais je doute que sans le choix qu’il a fait d’utiliser Macchiato Monsters j’aurais pu mettre le nez dans l’univers corporate impitoya-â-bleuh de Donjon & Cie. Ce qui aurait été dommage parce qu’on s’éclate bien avec des références à l’histoire de D&D en écrivant la campagne en ce moment.
7. J’ai la sensation d’une sortie assez discrète de ton jeu en VF. L’éditeur n’est pas français, il n’y a pas de foulancement… C’est pour se donner un genre ou quoi ?
Je ne nierai pas avoir eu des contacts avec des éditeurs français depuis 2015. On a même discuté d’une gamme avec l’un d’entre eux. Mais au final, Paolo de Lost Pages et moi-même nous sommes rendu compte que la VF pouvait très bien se faire tranquillement comme la version originale. Je suis sur le foulancement de KNOCK! Magazine en ce moment et même quand ça marche bien c’est stressant 😉
8. J’ai tenté une expérience. J’ai fait infuser mon édition en POD dans une tasse d’eau bouillante et j’ai été déçu. Dis-nous la vérité : les illustrations ne sont pas *vraiment* en café, hein ?
Non, mais si tu fabriques un entonnoir avec une double page, tu peux en faire un filtre à peu près décent. Le plus dur sera de remettre les pages dans le bouquin après.
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