Intrépidant

OK, ce mot n’existe pas.

Mais s’il existait, ne serait-il pas totalement adapté pour qualifier la ligne éditoriale de Chibi ? Des surprises tout le temps, des choses parfois étonnantes et, surtout, qui sortent à un rythme soutenu. Surtout quand on songe qu’un unique auteur/illustrateur/maquettiste est derrière tout cela, hein ?

En tout cas, on ne l’avait pas trop vu venir celui-là et celui-là, c’est Intrépides.

On avait laissé Le Grümph en plein trip medfan OSR avec sa belle série de suppléments dédiés à Cœurs Vaillants. Même, pour tout dire, on n’avait pas trop envie de le déranger. Le Rémy Bricka du JdR francophone nous avait en effet parfois laissé un peu sur notre faim en changeant de projet encore plus vite qu’un rôliste en convention ne change de chemise, donnant l’impression de zapper parfois à l’excès au nom de la concision. Et là, le petit miracle : livre de base, compagnon 1, compagnon 2, recueil de scénarios, campagne… Le tout de grande qualité. Le bonheur.

Et là, patatras, rechute : voilà que déboule un nouveau jeu dans un univers bien différent.

Heureusement, ce n’est pas tout à fait vrai. Intrépides est en effet rien moins que le spin off spatial de Cœurs Vaillants.

Alors, pour paraphraser Calogrenant, « c’est même plus ou moins la même chose ». C’est-à-dire que même s’il y a des astéroïdes, des pistolasers et des aliens, on n’en retrouve pas moins la même base de règles qui sentent bon le vieux à grands coups de niveaux, PV, classes de perso, dés de vie, etc. Le cœur des règles est donc exactement le même, fort tout de même de maintenant plusieurs années de tests et d’ajustements.

Ce qui change, c’est le contexte. LG nous propose donc le cadre de jeu du Xénoumène, un empire galactique dominé par les humains mais où les races ET ne manquent pas cependant. Les PJ sont toutefois issus de la majorité humaine ou bien de ses affiliés, les aliens, dans cet univers, voyageant peu (t’as gueule, c’est ethnique !). En dehors d’un humain classique, les joueurs peuvent incarner un droïde, un colon lointain descendant d’humain, un humain génétiquement modifié… bref, la variété ne manque pas, même sans elfes et sans nains. Les classes, elles, sont limitées à quatre grands classiques : bourrin à pistolaser, Jedi, Han Solo ou McGyver (les noms sont copyright @Le Fix).

Pour s’adapter au contexte, les règles de base de CV s’enrichissent de sections consacrées au matos qui fait piouw-piouw, à la cybernétique, aux droïdes et, bien sûr, au vaisseau spatial des PJ. Ce dernier point dit d’ailleurs beaucoup sur l’esprit du jeu. Même si les PJ peuvent se cotiser pour ajouter toutes sortes de trucs et de machins pour customiser leur vaisseau, au final, celui-ci ne possède guère de caractéristiques chiffrées. Les questions cruciales du voyage interstellaire, des courses-poursuites entre vaisseaux et, bien sûr, du combat spatial, sont abordées avec beaucoup de sobriété, mettant plutôt l’accent sur les péripéties qui peuvent se produire au milieu de tout cela (avec les tables aléatoires qui vont bien) plutôt qu’à un quelconque chiffrage. En gros, sans péripétie, ton vaisseau arrive à bon port, le plus rapide gagne et celui qui a les plus gros lasers détruit l’autre. Les choix des PJ et l’aléatoire des événements qui se produisent autour d’eux seront donc les seuls à pouvoir mettre un grain de sable dans cette fatalité.

Comme on l’attend désormais d’un ouvrage de la gamme élargie Coeurs Vaillants, tout ce qui pourrait être utile dans le cadre d’une aventure de space op’ est abordé (parfois succinctement) dans les seulement 138 pages du bouquin. On trouve donc de quoi créer des systèmes solaires et leurs planète à la volée, un court bestiaire de monstres xéno à la Alien (et autres) et, surtout, un long développement en pas moins de 11 tables afin de construire ses propres créatures à même de surprendre les joueurs.

Des tables aléatoires, la fin du bouquin en est même un florilège, à la fois pour tenter de mettre sur pieds un canevas de mission qui conviendrait aux PJ et à leur vaisseau spatial puis sur tous les sujets qui ne trouvaient pas leur place ailleurs dans le livre : objets en orbite, stations spatiales, corpos stellaires, etc. On admirera encore une fois le foisonnement de l’imagination de l’auteur et, surtout, sa volonté de doter le MJ d’outils utiles pour tous les problèmes qui pourraient se poser à lui en cours de partie.

Au bilan, il est possible que le Xénoumène générique de LG souffre un peu de la comparaison avec les univers très marqués qui sortent actuellement en JdR comme Alien ou Dune. Mais après tout, Empire Galactique n’a jamais été réédité et Stars without number ne sera finalement pas édité par Johne Doe : il reste donc peu de candidats dans le registre du space opera générique.

On se demande aussi si le format « mission générée en deux coups de cuiller à pot grâce aux tables aléatoires » convient aussi bien au jeu spatial qu’au jeu de fantasy. Enfin, il faudra aussi admettre les vieux gimmicks de règles medfan (les niveaux, les classes, etc.) dans un contexte futuriste. Cela dit, la proposition de jeu a au moins le mérite d’exister et peu de jeux de SF français peuvent se targuer de vous offrir autant de matos de jeu en si peu de pages.

Voilà. Comme il se doit, tout ceci se trouve vendu à vil prix ou presque sur le site de POD Lulu : https://www.lulu.com/spotlight/ChibiLG

De plus, mon petit doigt me dit que l’on devrait rapidement entendre parler à nouveau de Chibi et de LG. Même que ce serait plutôt un lundi.