Y a plus de papier ! #2 : Arkhane Asylum

Des fois, vous oubliez ça : nous sommes des garçons sérieux chez le Fix. Si. Et notre petit cœur de rôliste ne reste pas insensible devant le drame qui se joue sous nos yeux d’observateurs privilégiés : la crise mondiale des matières premières. A côté de celles qui nous affectent au quotidien (céréales, pétrole, gaz…) – dont nous n’oublions pas l’importance, en particulier pour les plus modestes d’entre nous – on compte aussi de graves pénuries de papier et de carton (d’après les spécialistes, le coût de la pâte à papier a augmenté d’environ 60 % entre l’été 2020 et l’été 2021). Oui, l’essence même de nos précieux livres de JdR, de nos boîtes de découverte, de nos decks de cartes et de nos fidèles écrans du MJ…

Pour tenter de trouver des réponses aux questions qui se bousculent dans notre tête dans ce contexte économique troublé, nous avons logiquement solliciter les acteurs de première ligne : les éditeurs. Quelques-uns ont accepté de répondre à notre sollicitation. Arkhane Asylum Publishing est l’un d’eux et c’est donc le deuxième acteur dont nous vous proposons les explications (par la voix du pourtant très occupé Mathieu Saintout himself… merci à lui ! ).

1. Estimez-vous chez AAP que la crise mondiale du papier et du carton impacte votre planning prévisionnel d’une façon ou d’une autre ?

La crise actuelle a en effet un impact direct sur nos productions. Les prix sont très volatiles et nous avons subi une augmentation directe de 15% de nos coûts d’impression, ce qui est significatif. De plus, les délais d’approvisionnement sont très longs : à titre informatif, 3 des 5 plus gros fabricants de pâte à papier ont annoncé cesser leur activité temporairement jusqu’à janvier 2022 à cause de la pénurie, cela va donc encore accroitre la pénurie de papier et en conséquence directe, les prix. Il est donc très difficile pour nous d’évaluer le planning de l’année prochaine vu que nous ne maitrisons plus les délais et l’approvisionnement de nos fournisseurs.

2. Bon, rassurez-nous : vous n’avez jamais eu l’idée d’utiliser cette crise comme prétexte pour dissimuler d’autres retards de production, petits canaillous, hmmmm ?

Nous restons une petite structure, donc malheureusement, ce genre d’événement ajoute des complexités et des difficultés dont nous pourrions nous passer. Inévitablement, cela provoque des retards sur tous les plannings. Avant l’été, il fallait environ 6 à 8 semaines pour imprimer un ouvrage cartonné, aujourd’hui, les délais sont de 12 à 14 semaines. De plus, il faut jongler entre les différents imprimeurs car tous n’ont pas accès au même type de papier ou n’ont pas les mêmes plannings.

 

3. Allez, ne nous épargnez plus, on a besoin de savoir : est-ce que nous allons devoir payer plus chers nos produits de JdR à l’avenir ?

Il est certain que les prix de vente vont grimper. Si l’augmentation reste à 10/15% quelques mois, nous pourrons absorber la hausse, mais si cela perdure dans le temps, il faudra l’impacter sur le prix public. Comme la majorité des matières premières proviennent de Chine et que le prix d’un conteneur a été multiplié par 5 par rapport au tarif pré-pandémie, c’est toute la chaîne de production qui va accroitre ses prix. On va payer plus cher le transport, la pâte à papier, le papier et, comme souvent, le dernier à supporter tous les coûts sera le consommateur final.

4. Les foulancements complexes qui génèrent des produits très divers comme des livres bien sûr mais aussi des cartes à jouer, écran du MJ, posters, etc. qui utilisent donc toutes sortes de papiers et de cartons différents ne sont-ils pas une des clefs du problème ?

Ce n’est pas les différents supports qui posent problème, c’est surtout la fragilité des chaines de production et de logistique. A l’heure actuelle, le nombre de producteurs de pâte à papier en Europe est en baisse et ce depuis une dizaine d’année. Si les transports depuis la Chine sont en retard, il n’y a plus de pâte en Europe, et donc plus de papier. C’est aussi simple que cela.

A titre d’exemple, le port de Los Angeles, responsable de 40% du trafic maritime des USA, est saturé : les navires doivent passer près de 2 semaines à attendre en mer pour pouvoir être déchargé, sur un trajet qui dure 3 semaines. C’est donc 66% de temps de retard en plus sur une chaine d’approvisionnement. Ajoutez à cela la crise des chauffeurs et votre conteneur peut rester encore un mois à quai avant de partir. C’est la même chose dans tous les grands ports. Voilà le genre de difficultés auxquels nous faisons face, et cela impacte évidemment bien plus de milieu que celui du jeu de rôle.

 

5. Et le principe même du foulancement ? Est-il encore viable dans un contexte de flou sur les prix des matières premières puisqu’il consiste à fixer le prix d’un produit des mois avant de l’imprimer sur papier ou de l’emballer dans du carton ?

Il est certain que la volatilité des prix est un énorme souci lors d’un financement. Pour ma part, j’ai opté récemment pour des précommandes pour avoir des délais plus courts et donc des prix mieux contrôlés. Toutefois, le choix d’un financement dépend beaucoup du projet et de la santé de la société qui le pratique. Parfois, le choix s’impose de lui-même. Chacun fera ainsi comme il peut, surtout en ce moment.

6. Est-ce que, quelques mois après les confinements, tout ceci vous incite également à développer votre offre dématérialisée ?

Nous allons y travailler l’année prochaine. Cela demande de la ressource en interne qui est, à l’heure actuelle, mobilisée sur les projets en cours. Toutefois, il ne faut pas oublier que si le marché du jeu de rôle passe en dématérialisé, il ne survivra pas. Nous avons besoin des magasins locaux, des clubs et de joueurs sur table. Jouer sur des plateformes en ligne ne permettra pas de rentabiliser les traductions. J’espère que nous resterons un hobby low tech. Jouons autour d’une table entre potes. C’est comme ça qu’on doit pratiquer le jeu de rôle.

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3 pensées sur “Y a plus de papier ! #2 : Arkhane Asylum

  • 10 décembre 2021 à 13:00
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    Je trouve ça dommage de faire des injonctions sur comment on doit jouer, le »c’est comme ça qu’on doit pratiquer au JDR ». C’est grâce aux tables virtuelles que je me suis remis à pratiquer justement.
    Bon, je sais que c’est pas dit pour forcer les gens , mais du coup j’ai l’impression de ne pas être un « vrai roliste » quand j’entends ce genre de phrases. Alors même que j’ai la chance de masteriser jusqu’à 3 séances par semaine, justement grâce aux outils online.

    • 10 décembre 2021 à 14:24
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      C’est vrai que c’est une vision très caricaturale et un peu méprisante, je trouve aussi, jouant également beaucoup en ligne. Et elle ne réponds pas au problème : il n’y a pas forcément de lien entre le moyen de jouer (physique ou virtuel), et le support utilisé (pdf ou livre). Sans doute que si les ventes sont uniquement de pdf, cela serait un problème pour le loisir. Mais on peut très bien mener en virtuel avec des livres sous les yeux, et avoir un tablette avec les pdf en physique ! C’est d’ailleurs ce que je fais dans les deux cas, il est plus facile d’avoir sa bibliothèque quand on est chez soi que de la transporter ailleurs. Les livres ont encore de beaux jours devant eux, même en virtuel !

      • 20 décembre 2021 à 00:20
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        Complétement d’accord
        Je joue exclusivement en ligne, mes amis étant tous trop dispersés pour du présentiel
        Et malgrès ça, j’ai acheté tout Alien, Cthulhu et Mutant Year Zero de chez Arkham en physique 😉

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