Va-t-on hésiter à sortir Cats! ? [chronique Cats!]

Si tu n’as jamais joué à Cats!, as-tu raté ta vie de rôliste ?

Hmmm, peut-être pas.

Mais au moins, on peut dire que tu n’as pas souvent été en conventions. En effet, le dynamique et sympathique Vincent Mathieu, l’auteur, rode son jeu depuis des années et lui a fait passer bien des crash tests en conventions (meeeeeeowwwww !) et ce devant un public des plus variés (vieux routards, Béotiens, enfants, etc.). Un gage de qualité pour un jeu qui, spoiler, est fait pour être joué. Le livre de base de cette nouvelle édition est d’ailleurs émaillé de nombreuses notes d’auteur qui permet de mieux comprendre la conception de tel ou tel aspect du jeu ou qui expose un retour d’expérience lors du test de tel ou tel scénario. Appréciable.

Nouvelle édition, en effet, puisque Black Book Editions prend son temps (c’est le moins que l’on puisse dire !) mais, finalement, est bel et bien en train de reprendre tout le catalogue de feu Icare. Après Interface Zero et surtout Würm, sublimé par les Hommes en Noir, c’est donc au tour de Cats! d’avoir droit à son édition largement révisée et surtout grand luxe grâce à un foulancement évidemment réussi (qui en doutait ?).

Pour ceux qui, donc, ont un peu raté leur vie de rôliste, rappelons la base : les chats sont la race la plus intelligente sur Terre. La preuve : elle a réussi à asservir l’humanité sans violence de façon à ce que celle-ci lui serve des croquettes, des gratouilles sur la tête et vide sa litière sans avoir à (trop) demander. Pour réussir ce tour de force, il a fallu tisser dans l’ombre un immense complot planétaire et c’est le secret et la persistance de celui-ci que les PJ doivent défendre à l’occasion de leurs félines aventures.

 

Cats! est donc essentiellement un jeu à mission, assez classique, dans lequel les PJ, des félins d’exception, sont régulièrement convoqués par un Conseil de cette Mascarade (je me demande quand même si tout ceci ne tourne pas en dérision un célèbre univers de JdR…), par défaut celui de Paris, pour sauver la coterie des minous intelligents (tous ne le sont pas, d’autres ne sont que de stupides boules de poils peu commodes). En cela, sa mise en œuvre est vraiment très aisée. Rappelez-vous : c’est largement un jeu de conventions. Et là, on n’a pas vraiment le temps que les joueurs trouvent l’aventure discrètement cachée sous un galet : on file droit au but.

L’originalité consiste entièrement dans le fait que les PJ sont… euh… des chats, du coup. Or, ici, contrairement à bien des jeux de furries ou autres animaux anthropomorphiques, c’est bien loin d’être cosmétique. Certes, les chats des PJ sont des Éveillés dotés de grands pouvoirs, notamment télépathiques, mais il n’empêche qu’ils ne parlent pas, n’ont pas de pouces opposables, sont tout petits, n’ouvrent que difficilement les portes, ne conduisent pas de voitures, etc. Cela change vraiment beaucoup, beaucoup d’une partie de, disons, L’Appel de Cthulhu.

Le livre de base de cette nouvelle édition est très élégant. C’est un mook aussi compact qu’épais (environ 300 pages) avec une chouette direction artistique dont la cohérence repose sur l’emploi d’un unique illustrateur, Maxime Teppe. Bien sûr, c’est tout couleurs.

On peut se demander pourquoi un livre de base aussi épais pour un jeu qui, malgré tout, n’est ni Shadowrun, ni Vampire.

Deux choses l’expliquent. L’une nous réjouit, l’autre moins.

Commençons par la face positive. C’est blindé de scénarios. Oubliez le petit scénario croupion qui peut occuper les PJ deux heures après la création de perso dont doivent souvent se contenter des livres de base étriqués. Là, avec ce seul livre, vous disposez de… 8 gros scénarios qui occupent une grosse moitié de la pagination. Grâce à une telle abondance, l’auteur peut nous montrer le chemin non seulement du scénario-type mais aussi de nombreuses variantes comme des scénarios qui s’enchaînent en mini-campagne, des scénarios qui ne reposent pas sur une mission du Conseil ou encore des affaires de voyages dans le temps qui permettent d’explorer la longue histoire du complot félin.

Le livre de base est donc parfaitement autonome : vous y trouverez non seulement l’intégralité des règles mais aussi, donc, de quoi jouer pendant des mois. Cela ne devrait-il pas être le véritable objectif de tout bon livre de base ?

L’autre raison de cette épaisse pagination est un peu moins réjouissante. Le système de jeu a été dépoussiéré mais est resté pour l’essentiel le même que celui de l’origine du jeu et celui-ci, sans doute, commence à prendre de l’âge et/ou laisse trop à voir les obsessions personnelles de l’auteur en la matière. Oh, bien sur, ce n’est pas Rolemaster ou Shadowrun, non. Mais on a la sensation que tout cela aurait pu être allégé ou, si ce terme veut dire quelque chose dans ce contexte, un peu « modernisé ».

La base consiste à lancer un D10 assorti de bonus tiré des capacités des PJ contre une Difficulté. Les 1 et les 0 doivent être relancés pour vérifier qu’il ne s’agisse pas d’échecs ou de réussites critiques. Simple, donc. Toutefois, les variables des PJ sont vraiment très nombreuses pour un jeu à la proposition si resserrée. Ain si, les minous ont pas moins de 8 caractéristiques. Elles portent des noms, certes rigolos (Coussinets, Caresse, etc.) mais qui ne s’avèrent pas toujours très intuitifs en cours de jeu. Pas spécialement évident par exemple d’admettre que Ronronnements est l’Intelligence ou Caresse la Volonté…

Pour le reste de la définition d’un PJ, cela se passe par une liste de compétences assez classiques qui tranche d’ailleurs avec le choix précédent de chatiser (bah quoi ?) le PJ puisqu’on on y trouve des Armes à feu ou Conduite de Véhicule bien incongrus. Il faut dire que le jeu permet en fait d’incarner des humains, soit de simples sympathisants à la cause féline, soit des chats coincés dans des corps humaines (les pauvres !). Cela offre certes de nouvelles perspectives mais, d’un autre côté, cela crée des confusions dans le système de jeu puisqu’un on s’étonnera qu’un humain ait un, score de Ronronnement ou, donc, qu’un simple minou ait besoin d’avoir la compétence armes blanches sur sa fiche.

Si on ajoute les avantages, défauts, réputations, talents psychiques… cela finit par faire beaucoup de choses à maîtriser. Certes, rien n’est inutile ni bien compliqué pour un rôliste un tant soit peu expérimenté. Mais il nous semble que l’opportunité d’avoir là un formidable jeu d’initiation et de découverte de notre hobby à destinations des plus jeunes ou des simples amateurs de matous est loupée de peu. Un peu plus de sobriété et de simplification dans des mécaniques un peu lourdes (devoir systématiquement calculer les marges de réussite, les petites tables chelous d’utilisation des niveaux de Talent psychique, les pas moins de 8 niveaux de blessure…) aurait suffi en gardant la même base simple et solide à avoir un jeu qui n’effraie pas le Béotien, même, pourquoi pas ?, pour de l’auto-initiation. Dommage.

A l’inverse, forcément, le rôliste expérimenté sera heureux de voir qu’un auteur qui est aussi un MJ expérimenté a pensé à lui et que rien n’est laissé dans le vague dans l’exposé du système de jeu accompagné de très nombreux exemples.

Entre ce système un peu velu (uh, uh) et les donc huit scénarios, il n’y a pas beaucoup de place pour le reste dans ce pourtant livre de base mais, malgré tout, le background est fourni avec concision et efficacité. On apprend tout le nécessaire (sans tomber dans la surenchère verbeuse, ouf !) sur les races de chats, les différentes factions au sein de la Mascarade, l’histoire de celle-ci (notamment à l’époque de l’Égypte pharaonique) ou encore sur les vilains pas beaux qui n’aiment pas les gentils petits minous et font planer sur eux différentes menaces. Vous avez là largement le suffisant pour écrire vos propres histoires de chats éveillés après avoir épuisé le potentiel de ceux du livre de base.

On trouve, enfin, des conseils bienvenus mais qui, peut-être, auraient pu être encore développés tant le problème se pose des deux côtés de la table : comment on interprète un héros qui est un chat ? Comment je fais jouer une aventure à des… euh… p’tits minous ?

Parler de gamme est peut-être un peu précipité pour Cats! mais le foulancement réussi a permis d’ajouter au livre de base auto-suffisant un très chouette écran du MJ. Du béton armé, oui, mais en petit format à l’italienne sur trois panneaux. Le meilleur des deux mondes.

Il a en plus le bon goût d’être accompagné d’un livret de 32 pages contenant un très gros scénario qui vient encore enrichir l’offre scénaristique du jeu (9… comme le nombre de vies d’un chat… ces gens-là pensent à tout !). Et dire que BBE annonce un futur recueil de scénarios pour les prochains mois ! A noter que cet épais scénario permet de mettre encore mieux en valeur les nombreux et très élégants plans conçus par Josselin Grange. Un vrai plus pour l’immersion dans l’histoire.

Au bilan, si le jeu rate de peu un objectif de jeu d’initiation parfait qu’il ne s’était sans doute pas fixé mais qu’on aurait aimé, nous, le voir endosser, il est une incontestable réussite. Si vous cherchez un jeu facile à sortir en toutes circonstances, doté d’une mécanique rodée qui tourne comme une horloge et qui offre une multitude de scénarios prêts-à-jouer, le tout sans avoir à débourser une fortune pour acheter toute une gamme, vous venez de le trouver.

2 pensées sur “Va-t-on hésiter à sortir Cats! ? [chronique Cats!]

  • 4 mars 2023 à 19:04
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    Meooooow ! Super article sur Cats, merci. Ceci dit, je ne peux m’empêcher de miauler sur le fait qu’on parle pas non plus des nombreuses parties faites pour promouvoir le jeu par de nombreux Mjs et la communauté fantastique, qui se crée derrière et qui redemande du scénario, car ils ont déjà eu le poil de faire ceux de bases. 🙂

  • 7 mars 2023 à 10:37
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    Mrrrawww ! Pour avoir assisté à une enquête mené par son créateur, et je suis devenue fan dès la première minute ! RRRrrrRRrrr Je l’ai commandé 10 minutes après le début de la séance !

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