Ras le BoL ? [Chroniques Lémuriennes 3]

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on a de la suite dans les idées chez Ludospherik. La boutique en ligne, à ses heures éditeur, continue de décliner du suivi de création francophone pour le seul titre de son catalogue, l’excellente VF du désormais classique Barbarians of Lemuria. Comme pour les précédents opus, ce Chroniques Lémuriennes 3 se présente à nous à la façon d’un compagnon, alignant sans grande cohérence particulière (les aventures maritimes, un peu ?) les aides de jeu et les scénarios. De quoi lasser ? Pensez-vous !

Comme pour ses prédécesseurs, ce CL3 adopte la forme devenue rare du livre à couverture souple et intérieur noir et blanc. On pourrait penser que ça fait un peu cheap à l’heure des pavés en béton armé issus de la plupart des foulancements. Mais attention, on est ici à la fois sur du livre grand format, sur du papier glacé de qualité, sur une couverture certes souple mais à rabats et, enfin, on est en présence d’un taux illustration/page rarement atteint dans l’histoire de l’édition du JdR. Comme il se doit, celles-ci sont toutes signées du Maître Manu Roudier (Würm) et, il n’y a rien à faire, son style crayonné sied définitivement bien à ce genre, à savoir la sword & sorcery à la coule. Le noir et blanc passe crème et on serait sans doute même fâché de voir tout le livre aussi coloré (si j’ose dire…) que sa couvrante.

L’ouvrage débute par un chapitre se proposant d’importer les pirates dans votre BoL. Cela se passe par l’intermédiaire de la description d’un archipel servant en quelque sorte de Tortuga ou de Port Royal local. On y découvre les profils des plus fameux pirates du coin et la confrérie plus ou moins stable qu’ils y forment. Tout cela n’est pas, il faut le dire, follement original mais c’est fort heureusement BoLiser (si, ça existe) par le fait que les pirates ne sont pas tout à fait seuls sur cet archipel. Ils doivent en effet partager leur refuge avec une peuplade primitive aux mœurs… euh… primitifs et cela promet de belles interactions entre gens de bonne compagnie. Ainsi, l’aventure peut se trouver indifféremment en plein cœur du village de pirates aviné sans foi ni loi, sur les mers ou même sur le reste de l’île à l’occasion d’une aiguade ou autre. Finalement très riche.

Les pirates, c’est bien. Mais des navires à piller, c’est mieux. Le chapitre suivant est donc consacré à une région maritime « civilisée », celle de la grande cité portuaire de Parsool. Celle-ci est présentée à la façon d’un city guide classique en matière de JdR, agrémenté d’une belle vue isométrique de l’ensemble de la ville sur une double page. Sans être foisonnante (une dizaine de pages), la description suffit à son objectif : faire un lieu de convoitise et d’escale pour les éventuelles aventures d’un groupe de PJ pirates ou, pour l’occasion, associés aux pirates du coin.

Le passage sur les cultes de Lémurie consacré à celui des druides pourpres laisse lui sur sa faim avec ses maigres trois pages dont une bonne partie est consacrée à des profils de PNJ associés à celui-ci. Là, c’est plus BoF que BoL, quoi.

Tout le reste de la pagination est consacré à des scénarios, cinq au total. Si, ponctuellement, certains peuvent mettre en scène des pirates ou la cité de Parsool, c’est loin d’être systématique. On est vraiment devant un recueil d’aventures one shot, sans chercher à y trouver de continuité géographique, thématique et encore moins narrative. En effet, ces scénarios n’ont aucune chance de former la trame d’une quelconque campagne et devront donc trouver à s’insérer dans la vôtre.

Comme toujours avec cette VF de BoL, les scénarios sont très détaillés (parfois sur plus de 30 pages) et sont fournis avec de nombreux plans, profils illustrés de PNJ et même parfois des aides de jeu à reproduire et distribuer.

On est en revanche pas vraiment sur de l’acrobatie en termes de structures narratives. Ce sont des scénarios très scriptés avec tout ce qu’il peut y avoir d’énervant dans ce genre comme des « quoi que fassent les PJ », « les PJ finissent par arriver à » ou encore « En milieu de matinée, au troisième jour, les héros… ». Bref, les PJ seront parfois spectateurs des événements ou ballotés dans des enjeux qui les dépassent mais c’est en partie le style de la sword & sorcery qui veut cela (les méchants sont souvent des sorciers déments aux pouvoirs immenses). Quoi qu’il en soit, les joueurs, eux, ne manqueront pas de voir du pays, de tester des ambiances différentes et d’avoir leur lot d’actions héroïques à faire réaliser par leur alter ego. C’est finalement plus ou moins ce qu’on attend d’un scénario depuis maintenant 50 ans.

A noter tout de même que le dernier scénario du lot est spécifique dédié au jeu en « face à face », un MJ et un PJ. Il utilise aussi spécifiquement le prétiré fourni. Bien utile pour faire découvrir BoL à un nouveau joueur.

Au bilan, à condition de ne pas en attendre une révolution, ni pour Barbarians of Lemuria, ni pour la pratique du JdR, ce supplément remplit parfaitement sa fonction d’en donner un peu plus aux aficionados de BoL en manque. Le rapport qualité/prix, que ce soit formellement ou en prenant en compte l’utilité du matériel ludique présenté, reste tout à fait excellent, comme à chaque fois avec cette édition francophone de BoL.

Loin d’en avoir ras le BoL, on attend déjà la suite avec impatience.