La Loutre rôliste, un éditeur bien Capacle

L’éditeur La loutre rôliste a longtemps été spécialisé dans les jeux hispanophones. Jeux pour enfants, adaptation de célèbres licences de BD, jeu de niche historique… tout semblait convenir au goût du petit éditeur à poil dur tant que cela sentait bon le Manchego et la tortilla.

Mais, ça, c’était avant. Depuis quelques mois, la Loutre semble  avoir fait son aggiornamento et s’intéresse clairement de plus en plus aux jeux indés, parfois même très atypiques. C’est ainsi le cas tout particulièrement de la VF de Thousand Year Old Vampire, un jeu solo, ou encore du jeu OSR un peu punk, Primal Quest.

Ce virage se confirme très clairement avec l’annonce tonitruante d’un partenariat entre le Loutre et le prolifique auteur indé brésilien, Cezar Capacle. (…) Ceux qui viennent de penser que espagnol et portugais, ça reste plus ou moins la même chose, sont priés de sortir.

 

Même si l’image ci-dessus est non-contractuelle, la Loutre semble s’engager pour une aventure éditoriale au long cours avec au moins 6 titres en VF. Et attention, même si on le classe, faute de mieux, en indé, Cezar Capacle ne produit pas uniquement des jeux courts.

Nexalis, par exemple, est une des propositions les plus évidentes du lot : c’est du medfan. Oui mais du medfan qui se veut bienveillant et positif. Le jeu est centré sur les personnages et les histoires y tournent souvent autour des questions de développement personnel, de l’établissement et de l’évolution des relations interpersonnelles… et beaucoup moins d’exploration de donjons ou de tronçonnage de monstres. Playbooks pliables, jeu avec ou sans MJ, création partagée de l’environnement de jeu… pour le reste, ce Nexalis exploite toute la grammaire des jeux récents sous la forme d’un livre de 150 pages quand même, accompagné, donc, des accessoires quasi indispensables que sont les playbooks ainsi que des cartes d’îles à explorer.

On peut aussi s’attarder sur Against the wind, un livre de 100 pages qui propose une expérience de voyage dans un monde de fantasy traversé par un climat froid et venteux propice au jaillissement des éléments surnaturels d’inspiration slaves ou scandinaves. Le jeu peut-être joué en solo ou en tradi. Il sous-entend une création partagée de l’univers de jeu et s’accompagne d’ailleurs d’un livret de pas moins de… 195 tables aléatoires pour aider à tout ça. La base du système de jeu est assez commune à de nombreux jeux de Capacle (qui a d’ailleurs édité un système générique, Push) : on lance deux dés (ici des D6) et à partir d’un certain seuil (ici 10), c’est une pleine réussite. En dessous, il faut accepter un effort (qui implique un sacrifice) ou subir un échec et ses conséquences.

Cela dit, la plupart des jeux remarqués par le Loutre sont tout de même des jeux très courts ou solo comme Insurgent (24 pages mettant les PJ au cœur d’une insurrection) ou Run! (un jeu solo dans l’ambiance slasher sur la base d’un jeu de cartes classique).

On va finir par se demander si le jeu indé n’est pas en train de gagner sa putain de guerre. Jusqu’ici terrain quasi exclusif d’auteurs multi-tâches aussi discrets que résilients, on voit de plus en plus ce genre de jeux aux propositions de jeu innovantes ou radicales se faufiler jusque dans le catalogue des gros éditeurs ou distributeurs. On pense notamment à la collection Les fondations de l’imaginaire chez NeoLudis qui va publier… tatam… un jeu de Cezar Capacle : la VF de Midnight Melodies, un jeu dans lequel le joueur (c’est un solo, donc), pianiste de jazz dans un club louche, découvre qu’il doit mener à bien des missions pour la Mort elle-même qui cherche à élucider des décès dont elle n’est pas elle-même responsable.

Deux éditeurs VF pour les jeux du créateur, cela ne risque pas de créer des tensions ? Non, rassurez-vous, avec Cezar, pas de salade. Tout est carré.