Coucou Cuchu !

Comme on n’avait pas de nouvelles de Ynn Pryddein, dont la parution est pourtant annoncée dans notre infaillible planning pour début 2024, la rédac du Fix s’est inquiétée. On est donc parti interviewer Hervé « Cuchulainn » Bourgade, l’auteur du jeu (avec qui on avait déjà causé il y a deux ans). Car au Fix, on aime les Gaulois qu’ils soient petits ou moustachus, qu’ils jouent à Légendes Celtiques ou à Keltia.

Recto de l'écran du maître du jeu de rôles Ynn Pryddein

Le Fix: les arbres murmurent que Ynn Pryddein qu’on attend depuis longtemps va enfin être livré à ses souscripteurs ? C’est vrai ?

Les PDF du livre de base et de la Saga d’aventures (terme officiellement utilisé désormais pour les campagnes d’YP) : « L’espoir c’est ce qui meurt en dernier » sont disponibles sur le butin numérique de Game On Tabletop. il reste juste quelques ajustements mineurs de mise en page éventuels et correction des derniers bugs repérés par d’aimables contributeurs ou ma petite personne. Donc oui ça sent bon et l’aboutissement de la quête est proche !

Le Fix: il y a eu du retard, la dernière fois, tu as dit que c’était de la faute à ton chat. Mais en vrai, est-ce que ce retard t’a permis de revoir ou d’améliorer certains points ?

On sous-estime la puissance du complot félinTM #NousChatons #Miaulez ! Plus sérieusement, il y a divers facteurs expliquant ce retard. Soucis de santé des divers participants à la symphonie Ynn Pryddein (on m’a plusieurs fois comparé à un homme orchestre aussi je file la métaphore). Maquette à retravailler plusieurs fois d’abord pour intégrer les illustrations débloquées pendant le CF, et réalisées avec brio par Axelle « Pyschée » Bouet, puis pour des questions techniques. Enfin l’écriture de la campagne fut (beaucoup) plus longue que prévu. Ceci sans compter divers projets annexes pour YP qui m’ont parasité. Le livre de base, à vrai dire, j’ai corrigé quelques petites erreurs de background pendant la mise en page, mais globalement rien n’a changé depuis 2019 (une source de frustration dont je parle sur mon blog au passage). Pour la saga d’aventures « L’espoir (…) » le temps de rédaction m’a permis de peaufiner certains passages. J’ai fait des modifications suite à d’ancien playtests, grâce aux relectures de tiers (merci à eux au passage) mais aussi en tentant de la rendre plus inclusive. En effet, les articles de blog ou podcasts de joueuses comme « et pourtant elles jouent » par exemple m’ont particulièrement interpellé). Ai-je réussi sur ce dernier point ? Ce seront les lecteurices qui en seront juges.

Le Fix: tu as déjà expliqué comment Ynn Pryddein se distinguait des autres jeux où l’on joue des celtes et/ou des vikings. Comment t’es venu l’idée de ton univers à la fois patchwork mais très harmonieux ?

Je pourrais te répondre que l’Awen est venue me visiter, mais ce serait un peu trop réducteur (même si certains « morceaux » d’YP furent rédigés initialement sous le coup d’une inspiration arrivant soudainement puis repartant brusquement). Je me suis énormément inspiré de l’Histoire en fait quand j’y pense. L’Œkumen (le monde connu ou l’on trouve les 7 royaumes d’Ynn Pryddein entre autres) s’inspire de l’histoire de l’Europe et suit globalement son évolution. Si l’histoire de l’Europe était une route je la croiserais régulièrement, bien que prenant des chemins différents. En effet, les éléments mythologiques et fantasy me poussent régulièrement à « quitter cette route ». C’est ce qui explique les divergences entre notre histoire et celle du monde d’Ynn Pryddein. Toutefois, lorsque je souhaite revenir sur la « route de l’histoire » je ne peux pas rentrer comme ça ! Je dois me justifier : pourquoi je reviens, comment je justifie mon absence, est-ce que je vais repartir ? Et si oui quand ?

Ou pour prendre une comparaison culinaire : l’Histoire est une recette et si je la suis globalement, j’enlève quelques ingrédients et j’en rajoute d’autres. Ou encore si l’histoire était une voiture, YP c’est du tuning : je refais la déco, j’ajoute quelques éléments à la place d’autres, je tripatouille le moteur pour que ça ronfle un peu plus. Toutes ces comparaisons pour exprimer une seule chose en fait. S’inspirer de l’histoire de notre monde permet, selon moi, de garder une certaine cohérence. Certains univers fantasy sont totalement débridés. Ils rentrent et sortent de la route sans trop faire attention où ils sont et ne se soucient pas de faire des allers et retours. Ou ils prennent les ingrédients de plusieurs recettes différentes et les mélangent allègrement. Ou encore ils rajoutent des éléments peu ordinaires sur leur véhicule. Parfois ça passe et parfois c’est assez… Perturbant ? Au final si ça plaît : tant mieux ! Même moi j’aime des univers fourre-tout comme les Royaumes Oubliés (c’est un secret honteux aussi ça reste entre nous n’est-ce pas ?).

Le Grand Roi, un personnage du monde d'Ynn Pryddein

Le Fix: il paraît que dans la campagne « L’espoir meurt en dernier », le Roi Arthur c’est nous. Si on connaît déjà la fin, cela ne veut-il pas dire qu’on aura une aventure trop linéaire ? En plus, ça fait deux fois que je sauve le monde du Ragnarök. Est-ce que je vais encore remettre ça ou l’enjeu est tout autre ?

Même si on connaît l’issue d’une promenade il y a de multitudes de façon d’y arriver. Je te dirais bien que « Toutes les routes mènent à Rome » mais ça contrarierait mon cœur de celtomane euh celtophile.

Le propre de la mythologie c’est qu’on peut la raconter une multitude de fois sous une multitude de formes différentes, et on ne s’en lasse pas. C’est le but de la saga : « L’espoir (..) » : sauver le monde certes, mais sans que les péripéties rencontrées ne donnent l’impression de les avoir jouées X fois. Plus encore, les PJ auront le choix à plusieurs reprises de passer du côté obscur (une occasion de faire du multi-tables ? Ou de changer de personnage). Enfin j’ai voulu faire une fin qui ne soit pas un complet happy-end, à la victoire et la gloire se mêleront la fin de certaines choses. C’est une fin douce-amère (une fin à la Tolkien dirait mon épouse qui elle aime les happy-end ;-). Notons que je me rapproche en cela du Ragnarök dans la mythologie scandinave : de détruire le monde pour en amener un nouveau.

Le Fix: on sait que tu as certaines accointances avec d’autres auteurs, par exemple une longue complicité ludique avec Ludovic « Xyrop » Schurr, auteur d’Ultime Vengeance 3D. Pourtant, Ynn Pryddein est un projet d’homme-orchestre. Tu préfères le solo au collectif, c’est ça ?

J’ai une longue amitié avec ce cher Xyrop en effet, qui a sa dédicace spéciale dans YP pour toute l’aide qu’il m’a apporté. Il s’est auto-proclamé mon « Ambacte » (mot gaulois désignant le servant d’un guerrier et ayant donné le mot « ambassadeur » en français) et j’ai plusieurs fois exploité ses talents artistiques ou son don pour les systèmes de jeu. Notons qu’en retour j’ai participé à Ultime Vengeance 3D modestement en lui offrant un synopsis de film (US Drugs commando) qu’il a ensuite « réalisé » à sa façon. Je lui dois toujours le film « Pirate-Ninja 7 : le retour du capitaine cruel au passage tiens). J’ai aussi donné quelques idées pour son « Paris dessous » (à venir je crois mais allez l’interroger là-dessus tiens). Il y a eu d’autres collaborations avec des membres du forum « Les salons de la cour d’Obéron » notamment. Certains m’ont offert des textes ou donné des idées pour les règles. En vérité, j’adore le travail collectif, mais j’ai une idée assez précise de ce qu’est mon univers et de ce qu’il n’est pas. Pour prendre une comparaison symbolique : YP est un triskell : la mythologie, la fantasy et l’histoire se rejoignent pour former un tout. Si l’on donne une trop grande place à l’une ou l’autre branche, l’harmonie est rompue. En soi ce n’est pas grave, (et les joueureuses feront ce qu’ielles veulent bien sûr) mais si ça ressemble trop à un autre univers, autant y jouer et pas à YP. C’est ce qui explique mon exigence (pour ne pas dire ma pénibilité !) avec les propositions d’aide : venir participer à mon concert oui, mais attention à la partition ! C’est un concert de musique classique et pas de jazz en somme.

Le Fix: un truc qu’on aime bien au Fix c’est les jeux et les suppléments testés avant d’être livrés au public. On sait que tu as fait des efforts de ce côté-là. Peux-tu nous dire comment tu as travaillé pour obtenir des retours utiles ?

Pour le coup, il n’y a pas de recette secrète : les règles et les scénarios du livre de base ont étés playtestés de multiples fois avec des publics différents : grandes et petites conventions, après-midi et soirées ludiques (notamment les soirées jdr mensuelles de la bibliothèque Louise Michel et sa super équipe : <3 <3 love !), dans des clubs, avec des amis, des inconnus… Tout retour ou critique argumentée était étudiée. Pas forcément intégrée, mais ça fait réfléchir. J’en ai aussi beaucoup discuté avec des amis et des contacts qui alternaient compliments et remarques impitoyables. La grande saga étant très longue elle n’a pu être testée entièrement que deux fois et partiellement deux fois également. La mini-saga qui fait suite au premier kit paru en 2013 (11 ans déjà!) a été playtestée 3 fois dont une fois sur une table virtuelle. Je remercie d’ailleurs les deux dernières tables avec qui j’ai passé des très moments et dont les retours furent fort utiles (et n’oublions pas Céline, la scribe de choc  qui « prends des notes plus vite que son ombre », une aide précieuse pour réviser la campagne). Quelque un.es ont d’ailleurs pris la pose et ont étés croqué.e.s par Maxence Albanel (une nouvelle « victime » de mes exigences merci à lui pour sa disponibilité au passage) afin d’illustrer des PNJ de la campagne d’ailleurs… Il m’arrive aussi d’avoir une idée pendant que je maîtrise pour améliorer le scénario tant au niveau de l’histoire, que des réactions des PNJ ou même des points de règles qui vont être utilisés. En résumé : « playtestez, playtestez, il en restera toujours quelque chose »

Illustration de la campagne L'Espoir c'est ce qui meurt en dernier

Le Fix: on a du mal à imaginer que Ynn Pryddein va s’arrêter avec cette livraison. C’est quoi la suite pour le jeu et pour toi ?

Hmm… J’aurais tendance à penser qu’avec un livre de base de 480 pages dont trois scénarios, deux campagnes, les deux scénarios parus dans le magazine Architeuthis, plus celui qui va venir en bonus pour s’insérer dans la grande campagne il y a de quoi faire ! Sans compter le kit de présentation à paraître. Toutefois j’ai encore quelques scénarios non publiés sous le coude ou un vieux scénario paru dans les Songes d’Obéron n°2 que je réactualise (depuis 2006 le background a énormément évolué) et qui a été playtesté deux fois, une aide de jeu en cours d’écriture (la Thaumaturgie guerrière) et une déjà disponible sur le discord d’Ynn Pryddein qui gère les courses-poursuites.

Sinon… J’ai tenté de me limiter mais là, attention : réponse fleuve en approche ! Avant toute chose, concernant ces projets, notons qu’ils seraient collaboratifs. Je suis fatigué de « jouer tout seul » et j’aimerais plus être chef d’orchestre qu’homme orchestre. Tout en gardant la possibilité de jouer de quelques instruments de temps en temps (si l’awen vient me voir à nouveau). Avis aux amateurices ! Ceci étant dit, voilà ce qui me trotte dans la tête.

J’aimerais proposer un genre de e-zine pour YP. Le titre serait quelque chose comme « les chants du barde » ou les « dits du barde ». Et y proposer des scénarios et aides de jeux. On pourrait détailler une région particulière, ou un aspect technique (les tatouages de Peithan et Rhuadan par ex) ou encore des règles alternatives pour simplifier ou complexifier le système de jeu. J’ai par exemple fait une version simplifiée des règles et de la fiche de personnage. Je l’ai appelé YP « Oblaire » du nom du premier grade chez les druides d’Irlande ancienne. Quoi d’autre ? J’ai quelques idées pour un supplément sur l’Empire de Carolus (l’équivalent de l’empire Carolingien) dont certaines sont déjà présentes dans la saga : « L’espoir… » .

Toujours dans l’esprit « triskell » d’Ynn Pryddein, je serais motivé pour travailler sur les remuants voisins à l’est d’Ynn Pryddein : les Bjorningas. Ils sont inspirés des Anglo-Saxons du Haut Moyen Âge et c’est un monde peu exploité en jdr (il y a un supplément Pendragon 2e édition mais sinon?). Les voisins du Nord sont inspirés par les Scandinaves. Toutefois au vu du nombre de jeux ou de campagnes avec ce thème, je ne vois pas l’utilité d’aller détailler cette région. Si l’on descend vers le sud, pourquoi ne pas détailler le « Grand désert » ? En s’inspirant du Maghreb avant les conquêtes venues d’Arabie avec l’Islam ? Toutefois la symbolique d’Ynn Pryddein est lié au monde « indo-européen » aussi je ne sais pas si ça serait pertinent d’utiliser les mêmes règles. Je suis partisan du « system matters » et même si j’ai un bouquin sur le sujet dans ma pile à lire, ce n’est clairement pas mon domaine… Autre possibilité, jouer dans le passé  ? A l’apogée de l’empire Taenarien (inspiration greco-romano-perse). Ou lors de la conquête du territoire qui deviendra Ynn Pryddein par les peuples « keltoï » par exemple ?

En tant qu’homme orchestre j’ai un autre projet de jeu concernant les celtes qui me trotte dans la tête depuis un bout de temps, purement historique cette fois-ci. Mais c’est une autre histoire, qui sera conté une autre fois.

Ah une dernière chose. Le système utilisé pour faire tourner YP que j’ai nommé « système triskell » (j’ai de la suite dans les idées !) sera disponible en licence libre une fois le jeu sorti en version papier. J’utiliserai pour le SRD la licence TGCM amoureusement concoctée par mon cher ambacte et néanmoins ami Ludovic « Xyrop » Schurr. Elle est disponible sur son blog (qui est un must-read)

Le Fix: dernière question, parce qu’on se prend souvent la plume dans le tapis mais est-ce que tu as un moyen mnémotechnique pour écrire Ynn Pryddein ?

Mouarf ! C’est vrai que même mes joueureuses se trompent parfois. Hmm… Eh bien le jeu sort 4 ans après son financement, aussi on peut penser aux deux « N » et aux deux « D » ? Ou alors (en toute immodestie) tu sais qu’YP c’est un jeu fantasy et qu’il est nettement (au carré) mieux que les univers de D&D ? Ou alors tu le copies 20 fois sur 5 pages (un beau symbole celtique) manuellement pour ne plus te tromper ? J’ai une très mauvaise mémoire visuelle aussi je ne vous jette pas la pierre Le Fix (mais attention au triple sacrifice en revanche ! 😉

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