GODS, beaucoup seront appelés mais peu seront Élus ? [chronique]
Il y a toujours des jeux de rôle qui donnent plus envie d’écrire à leur sujet que d’autres. Une motivation plus forte qui peut venir des goûts propre à la personne qui tient la plume, mais qui peut aussi venir de caractéristiques spécifiques de l’œuvre qu’elle tient entre ses mains. Pour votre serviteur, le sujet d’aujourd’hui remplit clairement ces deux conditions, et il y aura en effet beaucoup à dire sur cette proposition ludique dotée d’une identité très forte et assumée.
Je vous avais déjà parlé de ce projet GODS, le jeu de rôle de dark fantasy de l’illustrateur Bastien Lecouffe Deharme publié par Arkhane Asylum, dans cet article (ici) datant de l’époque aujourd’hui lointaine de son financement. Depuis, l’attente a été longue et je me suis refusé à vous livrer mon analyse de ce jeu sans avoir d’abord reçu les ouvrages physiques de cette gamme. Il y a en effet des objets ludiques qui prennent toute leur ampleur lorsqu’ils s’incarnent dans le papier de leurs pages et le carton de leurs couvertures, et GODS est sous aucun doute l’un d’entre eux. J’ai voulu aussi prendre le temps de mener une partie test avec quelques sympathiques volontaires, car ce jeu pose devant nous une proposition qui promettait d’être difficile à évaluer par une simple lecture.
Je ne vais pas revenir ici sur la genèse du projet et l’équipe mobilisée sur sa réalisation, mon dernier article couvrant totalement ces sujets. Aujourd’hui, nous allons regarder de près si les espoirs soulevés par ce projet atypique étaient légitimes, et je vais essayer comme à mon habitude de vous tracer une carte d’identité de ce que ce jeu de rôle propose … ainsi que les meilleures manières selon moi d’en tirer le plus de plaisir ludique au cours de vos futures parties.
Il est donc temps de plonger au cœur des redoutables Terres Sauvages, univers brutal et tragique peuplé de cultures iconiques où vos joueurs vont porter l’éclat de l’espoir d’un retour de dieux disparus. Sillonner ce monde couvert de ruines anciennes, faire face à un sombre culte aux rites sanglants, autant de promesses d’aventure qui je pose ici aussi comme un avertissement préalable : GODS est un jeu de rôle aux thèmes potentiellement sensibles et très adultes, à ne pas mettre sans précautions entre n’importe quelles mains.
La mise en forme de GODS : l’écrin visuel hors-norme du projet très personnel d’un illustrateur
1. La richesse qualitative et quantitative des illustrations
La première grande spécificité de ce jeu, qui saute aux yeux dès qu’on commence à en feuilleter les ouvrages, c’est bien sûr la densité et la qualité de ses illustrations. Beaucoup de jeux de rôle de nos jours profitent de mises en image très qualitatives, mais la spécificité de GODS vient bien sûr du fait que son auteur est avant tout un illustrateur. Grâce à cela le jeu profite d’une quantité inédite d’illustrations. En schématisant, je dirais que les livres contiennent une illustration couleur de haute qualité à peu près toutes les trois ou quatre pages. Cette densité est, je pense, au-delà des capacités budgétaires de la plupart des projets classiques de jeu de rôle, mais il semble évident qu’ici l’auteur a gracieusement apporté à son bébé beaucoup de ses travaux graphiques.
Mais il serait cependant erroné de penser que Bastien Lecouffe Deharme s’est chargé seul de toutes les illustrations des ouvrages. Au contraire, il s’est entouré d’une dizaine de collègues qui ont apporté eux aussi leur savoir faire à la vision de l’auteur, avec en complément appréciable le talent qu’on ne présente plus d’Olivier Sanfilippo pour les nombreuses cartes proposées des Terres Sauvages.
Bref, comme annoncé dès les origines de ce projet, GODS est un jeu de rôle qui marque par la splendeur et la richesse de ses images, avec bien sûr ce thème récurrent d’une ambiance sombre et mystérieuse incarnant la dark fantasy du propos.
2. Une mise en page étonnamment sobre
La mise en forme d’un ouvrage ne se limite pas à ses illustrations, et il y a aussi pas mal à dire sur les choix forts de mise en page des livres de cette gamme. En effet, la volonté claire et assumée de l’auteur est que les textes de son jeu soient avant tout extrêmement épurés et lisibles. Du coup, la mise en page de ces derniers pourra paraître très austère (surtout comparée au feu d’artifice graphique des dessins proposés à côté de cela) : la police de caractère est très simple et d’assez grande taille sur fond clair, aucune fioriture (aucun motif de marges) ne vient agrémenter les pages sur lesquelles le corps de texte est proposé sur deux larges colonnes. Le noir et blanc de cet ensemble n’est relevé que très ponctuellement par des textes en rouge ou des paragraphes sur fond noir (avec titres sur fond rouge) qui sont là pour mettre en lumière un point spécifique sur lequel le lecteur est invité à porter une attention particulière.
Ce choix d’austérité sur les textes pourra certainement choqué le goût de certains, habitués peut être à une mise en valeur graphique plus poussée que l’on trouve dans certains jeux de rôle actuels, mais personnellement j’apprécie tout particulièrement que ces ouvrages gardent leur nature profonde de manuels de jeu en privilégiant totalement le confort de lecture. Je rajouterais à cela un point pour moi assez important, que l’on peut identifier si on a l’habitude de lire ou feuilleter des livres d’Histoire de l’Art. Il est de coutume dans ces derniers d’appliquer exactement cette même hiérarchie visuelle, les textes restant totalement fonctionnels par rapport aux superbes photos d’œuvres d’art qu’ils contiennent. Ce contraste sert une fonction que l’on peut retrouver aussi dans GODS: le texte s’efface pour renforcer l’impact des illustrations.
Présentation de la gamme GODS : un jeu tout en un ?
Il est temps à présent de regarder de près le matériel mis à disposition pour GODS à ce jour. Pour cela je vais me baser sur les contreparties classiques (non collector) livrées aux souscripteurs par Arkhane Asylum Publishing.
GODS propose une structure très claire concernant ses manuels de jeu : d’un côté vous avez le Livre de règles qui est un véritable livre de base prévu pour les joueurs (avec description de l’univers sans ses secrets et l’ensemble des règles du jeu), et de l’autre vous avez le Livre de l’Oracle qui est réservé aux meneurs (nommés donc Oracle dans ce jeu) et qui propose en autre d’expliquer les plus importants secrets de Terres Sauvages.
A côté de ce diptyque central, le financement participatif ajoute quelques aides de jeux pour certaines bien utiles et pour d’autres plus esthétiques. Voyons cela en détail.
1. Le Livre de règles
Le Livres de règles est un gros ouvrage de 455 pages qui flirte avec les 480 pages si on compte les multiples cartes de régions, la feuille de personnage et les annonces qui le clôturent. Il est doté d’une épaisse couverture rigide et d’un ruban marque page en tissus. Je ne reviendrais pas sur la mise en page et en image de l’ouvrage, mais on peut cependant relever en complément que le papier utilisé est plutôt épais avec une sensation de papier glacé. L’ensemble donne un côté vraiment qualitatif à ce matériel et le rend assez agréable à l’usage.
Côté contenu, bien que ce Livre des règles soit doté d’une table des matières et d’un index, ces outils restent très basiques et on privilégiera assez naturellement la fonction recherche sur les PDF pour retrouver les notions les plus pointues. Ceci étant dit, la structure même du livre est agréablement claire dans sa logique globale :
La première partie de l’ouvrage (260 pages) est une description de l’univers de jeu, avec en plat de résistance entre 10 et 20 pages de description pour chacune des 13 civilisations peuplant les Terres Sauvages. L’autre partie majeure est celle détaillant les différents panthéons des dieux disparus (55 pages), des informations qui seront très utiles pour le contexte mais aussi pour la création et l’évolution des personnages joueurs voués à devenir les Élus de dieux anciens sur le retour.
Cette énorme section de background qui prend plus de la moitié de l’ouvrage est un plaisir à lire et embrase l’imagination. Les peuples, leurs cultures et rites, les mystères, les interactions politiques et militaires mais surtout la caractérisation très efficace de tous les protagonistes offrent un terrain de jeu riche et inspirant pour les meneurs … tout en marquant au fer rouge chaque recoin des Terres Sauvages de cette ambiance sombre et inquiétante de Dark fantasy assumée.
La deuxième partie du manuel (195 pages) est consacrée aux règles de jeu. Nous y trouvons la création des personnages et de leur groupe, la description détaillée du système de résolution (qui est une adaptation du système TOTEM du jeu de rôle Vermine 2047), et bien sûr tout ce qui va concerner la vie de nos futurs héros (l’équipement, les Éclats, la magie etc ..). A noter la présence d’un bestiaire mais ne comprenant que les créatures naturelles (animaux et assimilés), sachant que les bestioles plus « spéciales » sont dans le bestiaire du Livre de l’Oracle.
Il faut noter que les règles au sens strict (système de résolution et règles de combat) ne prennent que 40 pages de cet ouvrage. Cela nous donne comme souvent une indication forte sur la nature de l’offre ludique de ce système : un moteur de jeu de base plutôt simple avec un nombre limité d’options, mais des ajouts divers qui viendront ensuite plus de la structure des personnages et de leurs possibilités d’action. Mais nous reviendrons là dessus plus en détail un peu plus loin.
2. Le Livre de l’Oracle
Cet ouvrage, donc strictement réservé à l’usage des meneurs, reprend toutes les caractéristiques physiques du Livre de règles mais sur une pagination nettement plus limitée (190 pages). Nous avons donc à nouveau ici un livre très beau et qualitatif, bien que contrairement au précédent il ne soit pas doté d’un index.
Je vais très peu parler du contenu de cet ouvrage, car les secrets ont une importance majeure dans l’univers de GODS et ce serait un véritable crime de divulgâcher toute la réflexion philosophique qui porte les logiques de ce cadre de jeu. Je peux cependant vous dire que sur une bonne partie de ce livre (plus de 80 pages), ce sont de nombreux détails sur les secrets du monde et les principaux antagonistes (le fameux Culte du Soleil Noir en particulier) qui nous sont apportés.
En dehors de ces informations assez passionnantes qui rendent les Terres Sauvages encore plus sombre que ce qu’on pouvait penser en lisant le Livre de règles, le Livre de l’Oracle propose aussi sur presque 30 pages un bestiaire des créatures les plus étranges et inquiétantes de cet univers. Et il y a là dedans quelques morceaux de bravoure que le vieux meneur de l’Appel de Cthulhu que je suis a apprécié à leur juste valeur.
Enfin le Livre de l’Oracle se clôture par 3 scénarios (de 22, 27 et 28 pages) qui proposent de véritables mises en jeu de cet univers si particulier. A noter que les scénarios de GODS ont une approche extrêmement didactique, plantant le décor et le casting de chaque histoire et donnant beaucoup d’indications pratiques aux meneurs, même si leur axe volontairement plus narratif que descriptif pourra demander une certaine prise en main.
Le Livre de l’Oracle vous plonge sans vergogne dans les rouages de GODS, que ce soit sur l’aspect de son fluff aux partis pris sans concession ou sur l’aspect de son crunch qui invite très clairement les meneurs à créer et bricoler ce qu’ils ont envie de voir en jeu.
Lorsqu’on referme le Livre de l’Oracle, une sensation déjà pressenti à la lecture du Livre de règles devient alors bien plus claire : l’auteur nous donne autant que possible toutes les clés de ce qu’il avait en tête pour les Terres Sauvages, avec un message qui devient assez évident : vous avez tout entre les mains, à vous d’en faire ce que vous voulez.
3. Aventures en Terres Sauvages (format PDF)
Toujours doté de la même mise en forme que les deux ouvrages principaux, ce supplément disponible principalement en PDF propose 4 nouveaux scénarios qui forment une continuité intéressante avec ceux du Livre de l’Oracle. En effet, bien qu’ils soient d’une taille comparable à leurs prédécesseurs (une vingtaine de pages à chaque fois) on peut noter des passages ponctuellement plus ambitieux en termes d’ampleur des événements concernés.
4. Kit de découverte
Il est souvent de coutume de mettre de côté les Kit d’initiation à un jeu de rôle lorsque le jeu complet est finalement disponible, mais pour GODS ce serait une grave erreur et la présence de ce livret dans la livraison aux souscripteurs montre que l’éditeur et l’auteur l’ont eux aussi bien compris. L’intérêt actuel de ce Kit de découverte à couverture souple de 62 pages ne vient pas par contre des habituelles présentations résumées des règles et de l’univers de sa première partie, mais nettement plus de son scénario. En effet, c’est le scénario d’initiation de 30 pages nommé Quand Eshmaraddon serra le poing qui est extrêmement intéressant … ainsi que les 6 personnages pré-créés qui ont été prévus pour le jouer. Cette histoire, et ses personnages prêts à jouer particulièrement marquants, sont une mise en bouche parfaite pour ressentir l’ambiance sans compromis de l’univers de GODS.
5. Le recueil Nouvelles et le roman Les filles du Fauche-drago
Quoi de mieux pour s’approprier un univers que d’avoir sous la main quelques récits romanesques qui s’y déroulent ? Et bien c’est exactement ce que nous apportent ces deux ouvrages à couverture souple en format poche. Le recueil nommé Nouvelles déroule de son côté 8 courtes nouvelles sur ses 54 pages, alors que pour sa part Les filles du Fauche-dragon est un vrai roman et un grand récit passionnant s’étirant sur 225 pages. Tous ces textes sont agréables à lire et sont autant de mises en situation qui donneront à tous les lecteurs un excellent aperçu des Terres Sauvages.
6. Les accessoires de jeu
GODS est proposé avec des accessoires assez classiques des financements participatifs actuels : un écran 3 volets format paysage doté d’une unique et magnifique illustration, un set de D10 avec des dés spéciaux liés aux règles du jeu et des dossiers de personnages de 8 pages très qualitatifs.
A noter qu’à cela s’ajoutent de nombreuses cartes des Terres Sauvages, une carte globale de ce monde étant accompagnée de cartes de chaque territoire des 13 civilisations du jeu. Le tout maintient un niveau élevé de qualité, au point qu’on pourrait voir ces cartes presque plus comme des éléments de décor que comme des aides de jeu.
Lorsque nous regardons dans son ensemble cette gamme mise à la disposition des souscripteurs, il y a un vrai sentiment d’avoir entre ses mains un jeu complet sur lequel il ne sera pas nécessaire d’attendre des publications à venir. Et c’est en grande partie vrai car l’auteur, Bastien Lecouffe Deharme, à clairement indiqué que GODS ne serait normalement pas un jeu à « gamme ». A noter cependant qu’une campagne est prévue promettant de bousculer le destin des Terres Sauvages, ainsi qu’un unique supplément de contexte. Ce dernier devrait décrire la cité de Sabaah qui est au cœur de la grande histoire à venir.
L’univers de GODS : une identité forte qui se veut accessible
Après cette présentation assez globale, mais je pense nécessaire, il est grand temps pour nous de plonger de façon plus précise dans ce que ce jeu de rôle GODS est capable de nous offrir … et nous allons commencer par son univers de jeu : les Terres Sauvages.
Vous l’aurez donc compris, GODS nous propose de parcourir un monde de fantasy rugueux, violent et implacable qui amènera très certainement les meneurs à aborder des thèmes sensibles. Cependant, tout l’intérêt d’un jeu de rôle (quels que soient ses thèmes) vient d’abord de sa jouabilité et du plaisir partagé de parcourir son univers. Je vous propose donc que nous allions voir ensemble ce que les Terres Sauvages portent comme promesses. d’abord à travers une courte présentation résumée de cet univers puis par une analyse de ses angles les plus intéressants à utiliser.
1. Les Terres Sauvages : présentation rapide d’un monde clairement délimité
Le jeu de rôle GODS nous propose comme zone de jeu un continent qui couvre grossièrement 9000km du nord au sud et d’ouest en est. Ces Terres Sauvages sont délimitées à l’ouest et à l’est par de vastes océans tumultueux, au nord par des chaînes de montagnes glacées infranchissables et au sud par une vaste jungle qui semble sans fin. Nous sommes donc face à un univers de jeu utilisant l’outil classique des frontières naturelles impénétrables pour délimiter son espace exploré.
Au cœur de ces limites s’étend un monde qui se caractérise par la domination nette des zones sauvages. Les immenses steppes de la Horde, les vastes déserts de Khashan et Babel, ou les forêts profondes d’Avhorae tracent un monde où l’humain doit se regrouper dans ses îlots de civilisation pour limiter les risques pour sa survie.
Les peuples qui se partagent ces terres disposent de savoirs faire et de cultures rappelant la haute antiquité et le bas moyen-âge de notre Histoire réelle. L’arbalète, par exemple, est une invention récente et uniquement connue d’une seule civilisation.
Je ne vais pas faire ici la description des 13 civilisations du jeu, mais je reviendrais sur ces dernières plus bas avec quelques exemples pour vous montrer comment cet univers nous est rendu familier par leur écriture. Sachez juste qu’elles portent toujours des concepts porteurs d’inspirations … et parfois même des idées très fortes comme par exemple le peuple de Saeth qui vit au pied de son dieu volcan dans un royaume de poussière volcanique omniprésente.
Mais le plus important selon moi, quand on parle des Terres Sauvages, c’est de comprendre comment ce jeu de rôle donne vie à son but ludique à travers ce cadre qui est très strictement délimité de prime abord :
L’univers de GODS se base sur une idée majeure : les peuples actuels (et les joueurs) ne savent pas grand-chose du lointain passé des Terres Sauvages. Ce qui est admis de façon commune dans toutes les cultures, c’est que les dieux et panthéons de toutes ces sociétés ont disparu … cessant de répondre à leur adorateurs et ne prodiguant plus de miracles. Il y a aussi les mystérieux Premiers Hommes, potentiels ancêtres de l’humanité moderne et auxquels on relie souvent les mystérieuses ruines cyclopéennes que l’on peut croiser à travers tout le continent.
Des ruines de ce grand oubli naissent et prospèrent les Terres Sauvages actuelles, marquées par l’expansion du Culte du Soleil Noir. Ce sombre clergé cherche à imposer le dogme de son dieu unique aux diverses civilisations qui se toisent avec méfiance ou s’affrontent sur ces terres, tout en pourchassant toute trace des anciens dieux. Et il se trouve que cela va les mettre sur la route de vos personnages joueurs, car ces derniers sont justement des Élus qui ont noué un lien avec l’une de ces divinités anciennes à travers un objet d’exception nommé Éclat. Lien qui fera simultanément d’eux les porteurs de pouvoirs inédits et les proies du plus terrible des ennemis.
2. 13 civilisations en portes d’entrée : des archétypes intelligents au service de l’immersion
Le plus grand piège pour les univers originaux est peut-être le risque que les tables de jeu n’arrivent pas à s’y immerger. Les fabuleuses descriptions et les textes venant de plumes expertes peuvent parfois être contre-productifs, imposant une mise en scène trop complexe pour qu’on ose s’y attaquer.
GODS évite selon moi cet écueil avec deux outils : une grande place laissée pour l’imagination des meneurs et un usage intelligent d’archétypes de référence :
- Le premier point rejoint certaines de mes précédentes remarques sur le jeu en début d’article : l’énorme background donné dans les ouvrages trace surtout un cadre inspirant. Il évite tout aspect encyclopédique en ne donnant des informations précises que pour transmettre les ambiances et les thématiques. Les meneurs seront donc à la manœuvre pour habiller les Terres Sauvages dans le détail, aidés d’ailleurs en cela par l’autre outil d’accessibilité de ce background dont nous allons parler tout de suite.
- Le deuxième point, l’outil qui est aussi le plus important selon moi, c’est que cet univers original s’appuie très intelligemment sur des archétypes historiques pour donner des repères. Cette base historique s’incarne dans le fait que chaque civilisation des Terres Sauvages est un rappel plus ou moins direct d’une époque de notre culture historique bien réelle, et pour être clair sur ce point je vais vous partager ci-dessous quelques exemples significatifs :
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- Babel est une projection des civilisations historiques d’Ur ou de Babylone. La cité de Sabaah-aux-jardins-céleste est une évocation claire de la ville de Babylone et ses jardins suspendus. Le fleuve Siirh étant pour sa part le pendant du fleuve Euphrate.
- L’Empire du Soleil Noir pour sa part est né des ruines de l’Empire de Lux qui est une évocation nette de l’Empire romain, avec ses légions et ses routes civilisatrices.
- La Horde est une projection dans un univers de Dark fantasy des peuples nomades des steppes, les Huns étant bien sûr la référence majeure.
- Tégée et la République de Thalos est le miroir déformé dans les Terres Sauvages de la civilisation grecque antique, et en particulier l’époque des cités-états et leurs expériences démocratiques.
Il est cependant important de comprendre que l’univers de GODS utilise uniquement ces références comme une base de lecture, permettant aux meneurs et aux joueurs de plus facilement visualiser l’esthétique et les concepts de base des lieux et des personnages. En effet, les Terres Sauvages ont une identité plus large et complexe qu’une simple adaptation historique. Par exemple, le royaume d’Avhorae invoque l’imagerie de la geste arthurienne bien plus que l’histoire réelle de la Normandie médiévale. Tout cela pour bien vous indiquer qu’à partir de bases d’inspirations venant de notre culture historique et mythologique commune, cet univers va proposer sa propre identité qui va venir incarner la Dark fantasy du propos.
Si je devais tracer un fil conducteur majeur à bien suivre pour les lecteurs de GODS, je conseillerais de bien prendre en compte comment chaque peuple a intégré le grand silence et la disparition des dieux anciens dans sa culture. Et bien sûr à partir de là, comment chaque civilisation réagit au Culte du Soleil Noir et sa proposition de dieu unique. C’est la pierre angulaire réelle de la proposition du jeu, c’est sur ce propos principal que GODS vous invite à parcourir les Terres Sauvages.
3. Les mystères et l’exploration : la face visible qui valide un univers cohérent par ses secrets
13 peuples qui doivent vivre leur avenir face à la disparition des anciens dieux, et l’ombre grandissante de ce Culte du Soleil Noir qui se répand à travers les Terres Sauvages … ok nous avons déjà là une base solide pour des aventures et des enjeux assez riches. Mais attention ceci n’est que le socle sur lequel ce jeu de rôle cherche à poser le vrai cœur de sa proposition.
En effet, comme vous le savez à présent, les joueurs de GODS vont incarner des Élus porteurs de l’espoir du retour des anciens dieux. Cela signifie que, loin d’être figée, la situation dans cet univers de jeu est vouée à être transformée et bousculée … et ce sont vos joueurs qui vont être les artisans de ce renversement de table.
Je ne vais pas aller trop loin dans les explications techniques intra-diégétiques qui donnent de la cohérence à cet univers et à ses évènements, car cela est volontairement une connaissance accessible uniquement aux meneurs via le Livre de l’Oracle. Je peux cependant vous dire que chaque divinité, chaque Éclat porteur de pouvoir et chaque Élu doit obéir aux lois imposées par les forces primordiales de cet univers : les Essences.
Humain, Lune, Mort, Terre etc … les Essences sont les thèmes des pouvoirs et des sphères d’influences des dieux disparus. Elles vont déterminer les capacités mais aussi les traits philosophiques liés à chaque divinité (en complément des Interdits). Ce sont les briques qui donnent toute sa cohérence aux Terres Sauvages, je t’invite donc cher meneur à t’y intéresser comme il se doit.
Je ne peux pas en dire beaucoup plus car les secrets font partie du charme de ce jeu de rôle, cependant je tiens à insister sur un point : les grandes lois et les grands secrets de cet univers sont bel et bien proposés par l’auteur, mais la façon dont tout cela est mis en musique laisse une grande liberté d’interprétation et d’adaptation aux meneurs. GODS n’est certainement pas un univers fermé où il faut connaître et comprendre toutes les intentions de l’auteur, il reste à la main de chaque meneur et chaque table. C’est une qualité pour tous ceux voulant être acteurs quand ils proposent un univers, mais attention cela pourrait perturber les lecteurs habitués aux univers très cadrés et pré-mâchés.
Dans le domaine des secrets, il est absolument nécessaire de parler aussi des ruines mystérieuses et des légendes parlant des Premiers Hommes. La proposition de GODS sur ce point est assez claire, l’univers de Terres Sauvages va être ponctué de lieux datant d’avant l’oubli et proposant des savoirs et des pouvoirs oubliés. Le thème de l’exploration et une facette potentiellement lovecraftienne de choses trop anciennes potentiellement dangereuses font donc partie de la proposition, même si là encore les meneurs devront construire tout ça eux mêmes à partir des bases fournies.
Mon goût personnel me fera peut-être un peu regretter que l’auteur ne nous donne pas totalement le fond de sa pensée sur comment mettre en scène ces lieux antédiluviens et cette civilisation oubliée d’humains géants. Cependant les œuvres romanesques fournies avec la gamme abordent ce sujet, et il y a aussi une liberté grisante à pouvoir proposer ses propres inspirations à sa table de jeu.
Les règles de GODS : la gestion d’un pool de D10 soumise au roleplay
Nous avons donc cet univers dur et sombre, mais avec la promesse d’un vrai destin héroïque pour les personnages qui vont y évoluer. Cette proposition est très alléchante mais elle comporte un écueil potentiel : il va falloir que le système de résolution arrive à rendre réel autour de la table ces deux sensations en bonne partie antinomiques. Il est donc temps de voir comment ce système de règles TOTEM donne corps à cet univers de jeu.
Je me dois ici de faire un petite précision qui peut avoir une influence sur mon analyse. Le système TOTEM m’était jusqu’alors inconnu car je n’ai jamais eu l’occasion de lire ou tester le jeu de rôle Vermine pour lequel il a été conçu par Julien Blondel. Mais, de l’aveu de ce dernier lui-même, ce système TOTEM est aussi le descendant direct de celui de Prophecy, quand soufflent les dragons… et là nous parlons d’un jeu qui est pour moi une vraie madeleine de Proust.
Il ne faut donc pas s’étonner du fait que j’ai rapidement trouvé des idées et des concepts familiers dans le système de règles de GODS. J’y ai vu rapidement une bonne augure car ce TOTEM, adapté pour la première fois à la fantasy avec la participation de Mathieu Saintout de Arkhane Asylum Publishing, devra en bonne partie relever le même type de défi dans l’équilibre rudesse/héroïsme que son illustre prédécesseur.
Nous allons donc voir maintenant comment ce TOTEM se propose d’apporter ce qui est attendu autour des tables jouant à GODS. Pour vous présenter au mieux cette proposition très spécifique, j’ai décidé de construire l’analyse en deux parties : dans un premier temps les grands principes de cette mécanique, sans aller dans les détails comme le nom de caractéristiques ou des compétences, puis dans un deuxième temps une plongée plus précise à travers la création de personnage.
1. Les bases : un classique système de pool de D10 avec quelques subtilités
Le système de résolution de GODS consiste à lancer plusieurs D10 et à comparer chaque valeur obtenue au score de difficulté de l’action. Chaque D10 donnant une valeur supérieure ou égale à cette difficulté devient une réussite.
Le nombre de D10 à lancer pour un test va dépendre du score de la caractéristique (qui est de 1D à 3D pour la plupart des gens, mais qui peut monter à 5D pour les êtres d’exception) et de la maîtrise du personnage dans la compétence utilisée (qui peut rajouter de 1D à 3D au pool de dés à lancer).
Le score à atteindre pour chaque D10, pour sa part, dépend donc de la difficulté de l’action : facile (5), difficile (7) et très difficile (9). De plus, le nombre de réussites obtenues sur une action va déterminer l’échelle de ses effets (durée, quantité ou efficacité) ainsi que le gagnant d’une confrontation si ce sont deux actions qui s’opposent.
Sur la base de ce socle plutôt simple, le système de GODS va rajouter plusieurs mécaniques qui vont modifier ce test de résolution basique :
- Les relances : obtenues selon le niveau de maîtrise d’une compétence ou par la dépense de ressources, elles permettent de relancer un D10 en échec pour tenter d’obtenir une réussite supplémentaire
- Les Handicaps : incarnant les circonstances qui peuvent pénaliser la réalisation d’une action (l’encombrement par exemple), un Handicap vient augmenter le nombre de réussites nécessaire pour qu’une action soit un succès. Handicap I signifie qu’il faut 2 réussites, Handicap II qu’il faut 3 réussites et Handicap III qu’il faut 4 réussites pour que l’action fonctionne. Au delà de ce niveau III c’est la difficulté de l’action elle même qui ensuite va être augmentée
- Les bonus et malus : la spécialisation dans une compétence, l’apport d’un équipement ou une blessure vont venir apporter des D10 en plus ou en moins pour la résolution d’une action.
Le principe de ce système TOTEM est donc assez simple : plus un personnage possède de D10 à lancer et à relancer pour une action, plus il a de chance d’obtenir des réussites sur cette dernière. Ce nombre de réussites étant ensuite déterminant pour dominer un adversaire ou réussir avec les effets suffisants l’action souhaitée.
Mais les personnages de GODS ne seront pas limités aux outils indiqués ci-dessus pour construire leur capacité à agir, car ce système de jeu propose une notion essentielle de Réserves. Ces ressources sont un élément majeur du jeu, que nous allons donc regarder en détail.
2. Les Réserves et les Instincts: points cruciaux du système TOTEM
Nous arrivons au point clé qui constitue le cœur de la proposition de ce système de jeu, et qui sera aussi le point de complexité que les joueurs et meneurs devront dompter pour en profiter au mieux : la gestion des Réserves et l’influence sur ces dernières des Instincts. Voyons de quoi il s’agit :
Les Réserves de Sang-Froid et d’Effort :
Tous les personnages joueurs de GODS disposent de deux Réserves spécifiques nommées Sang-Froid et Effort. Ces deux Réserves contiennent de base un nombre de D10 disponible qui dépend de certains scores de caractéristiques, habituellement elles contiendront chacune entre 6D et 10D disponibles. Ces D10 en stock peuvent être utilisés sur tous les tests d’action du jeu, à part quelques exceptions bien précises, avec les effets suivants :
- La Réserve de Sang-Froid s’utilise avant le test d’action et apporte des D10 supplémentaires au jet qui va être effectué
- La Réserve d’Effort s’utilise après le test d’action et permet des relances supplémentaires sur le D10 n’ayant pas encore donné de réussite.
Bien que le nombre de D10 utilisable d’une Réserve pour un même test soit limité au score de la caractéristique concernée par l’action, cela signifie tout de même que les personnages pourront utiliser de 1D à 5D de chacune de ces Réserves sur chaque test à effectuer. Le bonus obtenu est donc majeur en termes d’efficacité de l’action. Une bonne nuit de sommeil permettant de restaurer ces stocks au maximum, il s’agit donc en plus d’une ressource très disponible (un bon repas ou des actes majeurs permettent même de récupérer une partie de ces Réserves en cours de journée !).
Le seul bémol à cette puissance supplémentaire est que faire descendre ces Réserves à 0D va imposer des malus aux actions des personnages.
La Réserve de groupe : l’outil mécanique essentiel pour la cohésion
Il faut être clair concernant la dynamique de jeu à GODS, le risque principal qui pourrait se poser est un manque de cohésion entre les personnages. Je vais y revenir un peu plus loin lorsque je vais vous parler de la création du groupe, mais ce qu’il faut comprendre ici c’est que la cohésion du groupe par ses actes et ses échanges (disputes, réussites communes, etc…) va venir augmenter ou affaiblir une réserve de D10 spécifique que n’importe quel joueur pourra utiliser si la majorité de la table donne son accord.
Cette réserve va donc être un encouragement à travailler en équipe, avec un élément supplémentaire notable : le groupe est doté aussi d’un Instinct, une notion majeure du système TOTEM qui va influencer le nombre de D10 de la réserve … et sur laquelle nous allons nous arrêter pas plus tard que tout de suite !
Les Instincts : l’impact du roleplay sur les Réserves
Ce qui est appelé Instincts dans GODS, c’est la notion qui donne son nom dans sa version originale à ce système TOTEM. Autant dire que nous sommes ici au cœur de la mécanique de jeu. Le principe est assez simple à comprendre : L’Instinct est un canevas psychologique et idéologique formalisé par des Principes et des Interdits. Le respect (ou non) de ces règles va faire varier les réserves du personnage (Sang Froid et Effort) par rapport à son Instinct personnel, et faire varier la réserve de groupe par rapport à l’Instinct choisi comme axe commun pour toute la table.
Côté effet mécanique, les Principes et Interdits majeurs vont amener +/- 4D aux réserves alors que les mineurs vont faire varier de +/- 2D
Par exemple l’Instinct nommé L’Épée incarne le désir de gloire et de conquête, mais avec un code d’honneur. Parmi les Principes on peut trouver “relever un défi” ou “obtenir une grande victoire”, et parmi les Interdits on peut citer “fuir” ou “baisser les bras”.
Je vais me permettre quelques conseils sur ce point du système TOTEM, car c’est sûrement l’aspect qui risque de poser le plus de soucis à certaines tables. Voici quelques points simples pour se rendre cette gestion plus facile, des idées qui me sont venus de ma lecture du jeu mais aussi de la partie test que j’ai mené avec quelques sympathiques volontaires :
- Avoir un résumé des Principes et Interdits de chaque personnage tout le temps sous les yeux : En effet le meneur doit évaluer en permanence le roleplay des joueurs pour en tirer les conséquences mécaniques sur leurs réserves. Avoir un pense bête court et simple sur chaque personnage est donc vital.
- Limiter le nombre de joueurs autour de la table. En effet GODS est un jeu où chaque personnage doit être important et central dans l’histoire. Avoir 3 joueurs me semble être un bon chiffre, 4 étant un maximum selon moi.
- S’autoriser si besoin à ne pas gérer l’impact du roleplay de façon immédiate, mais par exemple le faire lorsque les personnages sont en phase de repos. A ce moment-là, le meneur prend 2 minutes tranquillement pour comparer les actes des personnages avec leur Instincts et modifier les réserves en conséquence.
3. La création des Élus et de leur groupe : un point crucial de fonctionnement du jeu
Je vais directement insister sur un élément essentiel et significatif de la proposition ludique de GODS : les joueurs vont d’abord créer leur groupe, et ensuite seulement les personnages qui vont le constituer. Cette priorité est importante car la notion de groupe va être vitale pour garder la cohésion de votre équipe d’Élus, et pour insister là-dessus le système va venir apporter des conséquences mécaniques fortes à ce concept.
La création du groupe :
Les joueurs vont décider ensemble du concept et de l’historique de leur groupe, et ils vont définir ensuite des objectifs pour ce dernier. Fondamentalement, le groupe est une réserve de D10 supplémentaires (à la création : 3D10 + 1D10 par membre du groupe) pouvant être utilisée sur n’importe quel jet d’un de ses membres … à condition d’un vote favorable majoritaire de toute la table. Notez cependant que le groupe va aussi apporter quelques capacités supplémentaires aux Élus.
Cette réserve de D10 va fluctuer selon la dépense de cette ressource bien sûr, mais elle va aussi être fortement influencée par les actes et le roleplay des joueurs. En effet, atteindre des objectifs du groupe augmente cette réserve et les diverses relations entre les personnages en cours de partie vont impacter aussi cette ressource (par exemple une dispute va réduire le nombre de D10 immédiatement). Enfin, le groupe est doté de cette notion majeure que nous allons retrouver dans la création des Élus et dont nous avons déjà parlé plus haut : L’Instinct.
Je vais poser ici un conseil majeur pour vos futures parties : cette notion de groupe est le ciment essentiel entre vos personnages joueurs à GODS. En dehors de cette notion de groupe, il est probable que presque tout le reste encouragera vos joueurs à s’opposer les uns aux autres ! Vous devrez absolument faire comprendre à vos tables de jeu que la notion de groupe doit prendre le dessus sur les Instincts individuels, et que ce même groupe est leur seule chance de survie dans les Terres Sauvages. Tout le sel de GODS tient dans cette épreuve d’équilibrisme que chaque Élu devra faire entre son Instinct personnel, l’influence du dieu avec qui il a un lien et l’Instinct commun du groupe.
La création des Élus :
Maintenant que vos joueurs savent pourquoi et comment leurs personnages parcourent ensemble les Terres Sauvages, il est temps de voir comment vont être construits les différents Élus. Mais je vais éviter de trop aller dans le détail car beaucoup des mécaniques profondes de GODS sont dans la structure de ces héros … comme vous allez très vite vous en rendre compte :
- Le concept : étape assez classique où on trace les contours du personnage (métier, genre …). Mais à GODS il faudra définir aussi l’âge qui aura des effets mécaniques.
- Les origines : il s’agit de déterminer au hasard le signe astrologique du personnage (qui offre une compétence au niveau Débutant), puis de lui choisir un peuple d’origine (qui ouvre l’accès à des avantages/désavantages culturels et à une autre compétence bonus au niveau Débutant)
- Les caractéristiques : les personnages sont définis par 8 caractéristiques réparties en 4 catégories (Physique, Mental, Manuel et Social) et qui par défaut ont toutes un score de 1D. Le joueur doit répartir 8D de plus dans ces caractéristiques sans pouvoir dépasser les 3D.
- Les réserves de dés : chaque personnage dispose de deux réserves de D10 pour influencer la résolution de ses actions. La réserve d’Effort (basée sur la somme de ses caractéristiques Physique et Manuel) représente des D10 supplémentaires qu’on peut décider d’ajouter à son total existant avant le jet. La réserve de Sang froid (basée sur la somme de ses caractéristiques Mental et Social) représente un nombre de relance supplémentaires utilisables après le jet de dés. Ces réserves sont modifiées par l’âge.
- Les blessures : l’âge va déterminer un nombre de cercle de blessures dans chaque catégorie (légère/grave/mortelle), et la caractéristique Résistance va déterminer le nombre de points de dégâts correspondant à chaque catégorie.
- Les compétences : selon l’âge de son personnage, le joueur va pouvoir choisir un certain nombre de compétences (niveau Débutant, Confirmé et Expert) et de spécialités. Le niveau va déterminer un nombre de D10 et de relances qui viendront en bonus sur les jets avec la compétence concernée.
- La réputation : son score est de 9 à la base, elle va déterminer les chances d’être connu ou reconnu dans les Terres Sauvages .
- L’Instinct : pierre essentielle de la constitution du personnage, le joueur choisit l’un des 10 Instincts comme axe de vie et de pensée de son Élu. Cet Instinct confère à l’Élu des Principes, des Interdits et deux capacités spéciales.
- L’Équipement : le jeu impose un inventaire limité et défini à la création. L’Élu commence avec une somme d’argent aléatoire, un nécessaire de voyage et 5 pièces d’équipement à choisir ayant un score de rareté de 6 maximum.
- L’Expérience : le joueur dispose de 10D d’expérience pour faire évoluer le personnage (qu’il peut aussi garder pour plus tard). Le système de GODS propose en effet une mécanique étonnante où il faut obtenir des réussites avec des dés d’expérience pour augmenter ses capacités (et plus la capacité est haute plus la difficulté est élevée). A noter qu’une alternative sans aléatoire est aussi proposée.
- L’Élu, son Éclat et son dieu : cette dernière étape fait basculer le personnage dans son statut de porteur d’une puissance divine. Il y a ici des augmentations de caractéristiques et de compétences à appliquer, ainsi que de nouvelles capacités à noter. De nouvelles jauges sont mises en place (Humanité/Divinité) et le joueur va devoir créer l’Éclat (et ses pouvoirs) et le dieu auquel il est lié (les Essences qui caractérisent ce dieu en particulier).
La taille de ce résumé de la création de personnage va certainement parler d’elle-même, mais je vais insister sur ce point même si cela peut paraître évident : les personnages à GODS sont des véhicules de narration détaillés et extrêmement riches. C’est un jeu de rôle où les joueurs vont devoir s’investir un minimum dans la connaissance de leur Élu pour tirer le maximum de ce jeu.
Attention, il ne s’agit pas ici de surtout bien connaître chaque règle de chaque pouvoir, car finalement les capacités techniques de type pouvoirs/capacités restent limitées en nombre ce qui sera assez confortable. Le vrai point de maîtrise crucial que les joueurs devront avoir concerne les réserves (Effort, Sang Froid, Groupe, Humanité, Divinité) et tout particulièrement tout ce qui va toucher au roleplay de leur héros (Instincts, Interdits, Principes, Essences …) car ce roleplay va directement impacter les capacités techniques de leurs Élus dans le système TOTEM.
4. Le moteur de résolution TOTEM face à ses objectifs : héroïsme et dureté
Voyons maintenant un point souvent essentiel dans tous les jeux de rôle : comment le système de résolution va confirmer l’ambiance et les intentions de l’univers de jeu ?
Comme nous l’avons vu précédemment, le propos de GODS est de donner vie à un monde dur et implacable tout en faisant des Élus des porteurs de pouvoirs inédits. Il est donc important que les règles arrivent à rendre justice à ces deux facettes potentiellement contradictoires.
Pour obtenir ce résultat, ce jeu de rôle se base sur un système où les personnages vont globalement toujours pouvoir réussir la plupart de leurs actions (pour peu que ce soit dans leurs domaines d’intérêts), mais avec un prix grandissant et un principe d’attrition très marqué.
En effet, nos personnages joueurs vont donc avoir de base un score allant de 1D à 3D dans chacune de leurs 8 caractéristiques (Puissance/Résistance, Précision/Réflexes, Connaissance/Perception, Volonté/Empathie). Couplé avec une compétence, ces D10 de caractéristiques vont être renforcés par 1D ou 2D supplémentaires de maîtrise (et parfois 1D de relance), et à cela il faut rajouter la possibilité de faire appel à ses réserves d’Effort, de Sang froid ou de groupe (fournissant des D10 et des relances supplémentaires à hauteur de la caractéristique utilisée).
A cela vous pourrez rajouter des capacités d’Instinct, les spécialisations (+1D), le matériel … bref, les joueurs ont des leviers leur permettant de renforcer leur certitude de réussir des actions classiques (pour rappel il suffit qu’un seul D10 atteigne la difficulté de 5, 7 ou 9 pour réussir une action basique).
Mais cette gestion de ressource n’est pas sans conséquence, elle s’accompagne d’une attrition réelle et pénalisante : mettre une réserve d’Effort ou de Sang froid à zéro va imposer un malus de -1D sur les actions correspondantes, laisser la réserve de groupe trop faiblir va imposer des malus de moral à tous les membres.
Le test central du système de GODS (caractéristique + compétence) n’est pas punitif et donne aux Élus une sensation de savoir faire et de capacité réelle à agir. D’ailleurs le système permet de considérer la réussite d’une action comme automatique si le personnage à un niveau de maîtrise suffisant dans la compétence par rapport à la difficulté.
Mais le système va par contre devenir punitif quand les Élus vont avoir besoin de se surpasser (Handicaps, jets d’opposition) où quand ils vont devoir enchaîner les actions complexes (épuisement des réserves et leurs effets). Et bien sûr le système de blessure va venir apporter son lot de malus au nombre de D10 des actions. Les joueurs vont donc avoir de vrais capacités remarquables, mais leur gestion de leurs ressources devra être réfléchie pour aller chercher l’exploit face à un monde sans pitié.
Pour visualiser tout cela le plus clairement possible, je vous propose un focus sur un sujet souvent très éclairant sur un système de jeu : le combat.
L’exemple du combat : un souffle d’épique mais dans une réalité implacable
Commençons par le début, l’initiative est déterminée par un jet de Réaction (Réflexes+Vigilance) face à une difficulté qui dépend de la posture du combattant (Offensif 5, Actif 7, Passif 9). Les protagonistes ayant le plus de réussites agissent en premier. A noter qu’il est possible de dépenser de la réserve de Sang froid pour augmenter son nombre de réussites.
A son Tour un personnage peut faire un déplacement et une seule action d’attaque. En dehors de son Tour, il peut faire des actions de défense en réaction aux actes de ses ennemis. Cependant, chaque action après la 1ere voit sa difficulté augmentée de +2 (y compris son action d’attaque si elle arrive après des défenses qu’il a souhaité faire).
La difficulté des attaques est de base toujours de 7 au corps à corps, mais les personnages ayant un niveau de compétence suffisant peuvent choisir de passer cette difficulté à 5 ou même 9 pour les Expert et Maître. Cette difficulté va bien sûr s’appliquer aux actions de défense de l’ennemi aussi, impliquant un choix tactique selon la situation ou l’adversaire.
Pour les armes à distance la difficulté est basée sur la portée (courte 5, moyenne 7, longue 9)
En cas de défense face à une attaque, l’action est résolue par une opposition entre les deux actions. La parade est significative des principes de ce système : si le défenseur n’arrive pas à égaler le nombre de réussites de son assaillant, non seulement il prend l’attaque mais en plus il ne profite pas de son score d’armure (seulement de la protection de son bouclier ou de son arme ayant servi à parer). En effet, GODS part du principe que les armures sont réalistes et que la parade expose les bras qui ne sont pas protégés. Par contre, si la parade obtient 2 réussites de plus que l’attaque, le défenseur peut porter un contre attaque gratuite.
Il faut rajouter à cela que les protagonistes peuvent dépenser de la réserve de Sang froid pour viser une zone de leur adversaire (éviter l’armure par exemple), au prix d’un Handicap sur leur jet. Des techniques de combat (Charge, Double Tir etc …) peuvent aussi amener des options supplémentaires aux combattants, tout comme des caractéristiques de l’équipement.
Côté dégâts, une arme de corps à corps fait en général Puissance +1 ou +2 de base (donc 4 ou 5 pour un guerrier solide), et à cela s’ajoute un bonus égal au total des réussites sur le jet d’attaque. Sans protection, cela assure presque toujours de faire subir une blessure grave à la cible (-2D à toute action)… sachant que les armures sont très vite encombrantes (une cuir impose un Handicap I à toute action physique par exemple).
Si vous avez un peu l’habitude de lire les systèmes de règles, vous avez peut-être déjà saisi pourquoi je vous détaille cet exemple : exactement comme c’était le cas dans le système de Prophecy d’ailleurs, le combat dans GODSva être un moment de réflexion tactique pour les joueurs.
Hors de question en effet de foncer dans le tas sans réfléchir même si on joue un solide guerrier Vaelkyr du nord. Le surnombre, l’effet des blessures, le rôle des armures et des manœuvres de combat sont autant de facteurs qui vont amener des conséquences très dures sur les belligérants.
Les effets épiques de la nature des Élus
Mais vos joueurs sont aussi les porteurs de la puissance d’un dieu, et c’est là que l’épique vient jaillir dans un monde sanglant et douloureux.
A titre d’exemple, et pour vous faire visualiser ce qu’un Élu peut avoir comme pouvoir, imaginons que notre joueur incarne un Élu d’un dieu oublié de la mort et porte un Éclat de cette divinité. Voici le genre de pouvoirs auxquels le joueur pourrait faire appel :
- Invulnérabilité (pouvoir d’Éclat) : un nombre de fois par jour égal à sa volonté l’Élu devient partiellement invulnérable aux blessures pendant le reste d’un Tour après avoir agit. Seules les sources élémentaires et des choses spécifiques peuvent le blesser.
- Décret de mort (Faveur de la mort) : une fois par jour, en disant “Meurt” à une cible pouvant l’entendre, l’Élu impose un jet de Volonté très difficile (9) à sa cible. En cas d’échec la cible meurt instantanément, en cas de réussite elle subit une blessure grave.
J’ai pris volontairement des exemples marquants, mais comme on peut le voir les pouvoirs spécifiques des joueurs en feront des êtres au-dessus de la norme. Attention cependant, là encore le système de GODS impose une gestion car le joueur devra gérer ses jauges d’équilibre (Humanité/Divinité) pour profiter de ces capacités et les augmenter (en obtenir plus, et de plus grande puissance). A titre d’indication, sachez qu’un nouvel Élu aura un total de 4D10 dans ces jauges.
Point de règle essentiel pour les Élus, ces D10 des jauges d’équilibre peuvent être dépensés pour remplacer des D10 “neutre” d’un jet par des D10 d’Humanité ou de Divinité (les fameux dés spéciaux fournis avec le jeu). L’effet technique de ce choix est que chacun de ces D10 spéciaux qui atteint la difficulté cible donne 2 réussites au lieu d’une seule.
Les actes des personnages vont permettre de restaurer ces jauges ou au contraire vont faire perdre des D10 (sacrifice au dieu, actes par rapport à son Instinct, briser un Interdit etc…).
Je limite volontairement mon exploration des capacités et pouvoirs, mais l’essentiel est de bien comprendre les effets majeurs que les joueurs peuvent obtenir par leur héritage divin. Et ses effets vont crescendo avec le franchissement des trois étapes de progression dans le lien avec la divinité : La Rencontre, l’Entente et l’Accord. Les personnages seront donc loin d’être des gens ordinaires, mais je vous rassure tout de suite, le Culte du Soleil Noir et les secrets des ruines mystérieuses ne seront pas non plus des défis ordinaires.
Par contre, comme pour tout le reste, cette puissance accessible aux Élus va demander aux joueurs une vraie gestion de leurs ressources… sous peine sinon d’avoir de mauvaises surprises.
Conclusion : une proposition alléchante pour joueurs et meneurs impliqués
Amené dans un écrin visuel hors norme, l’univers des Terres Sauvages parvient assez efficacement à transporter le lecteur dans sa proposition rude et sombre. Ce cadre de jeu nous est vraiment plutôt bien présenté. Les livres évitent la surabondance de détails et se focalisent sur ce qui va permettre aux lecteurs de se faire une image commune de ces peuples, de ces lieux et de ces ambiances souvent assez particulières. Les 13 civilisations portent en elles juste assez d’archétypes permettant de s’appuyer sur des références historiques et mythologiques communes. Les meneurs auront donc un cadre inspirant mais dans lequel ils auront toute la place de mettre leurs créations.
Côté règles, le système TOTEM laisse volontairement de la place à l’invention pour les meneurs. Cette boîte à outils offre ainsi des stats blocs de PNJ simplifiés et toutes les pistes pour créer de façon cohérente ses propres créatures. Le moteur de résolution à côté de ça s’appuie sur une base simple qui assume des raccourcis et une économie d’options, tout cela pour limiter la complexité des choix et des mécaniques.
Mais tout cela indique aussi un élément fort sur lequel votre serviteur se doit de vous alerter : GODS refuse volontairement d’être un jeu clé en main. La liberté d’adaptation et d’interprétation par les utilisateurs du jeu est une notion visiblement majeure dans les objectifs ludiques de l’auteur Bastien Lecouffe Deharme . Le jeu ne va pas vous donner chaque détail, ainsi par exemple vous ne trouverez quasiment aucun plan de lieu dans les scénarios. Les textes sont là pour vous transmettre l’inspiration et l’ambiance de cet univers, les meneurs sont renseignés sur les rouages philosophiques qui donnent sa cohérence à ce monde et à ses secrets, mais ce sera à la charge de chaque table d’habiller ces Terres Sauvages des détails du quotidien.
C’est donc un jeu de rôle qui va demander de l’implication, et pas seulement de la part du meneur. Chaque personnage est en effet doté d’une grande profondeur de roleplay, profondeur obligatoire car elle a un impact majeur sur le système de résolution. Une exigence qui prend corps dans ce point de complexité spécifique que j’ai mis en lumière dans cet article : la gestion des Interdits.
Nous avons donc ici une proposition ludique extrêmement passionnante et inspirante, porteuse d’un souffle de liberté, mais qui implique de prendre cette autonomie à bras le corps et amener ses capacités de création et d’interprétation pour lui donner vie. Très clairement GODS est taillé pour le jeu en mode Campagne, amenant les Élus incarnés par les joueurs vers la vérité ultime sur leur lien avec les anciennes divinités disparues. Nous ne pouvons donc qu’espérer que la campagne évoquée pour la suite de la gamme devienne réalité.
Merci Dany encore une fois un article long complet et de qualité. J’avais hâte d’avoir le retour de la partie test, je pense qu’elle fut bénéfique pour ta compréhension du jeu et la transcription de cet article
GODS est une proposition de jeu très alléchante, il faut maintenant trouver le temps de la faire jouer^^
Merci pour ton retour !
J’ai mis des éléments de retour de ma partie surtout dans les conseils de prise en main du jeu que je donne dans l’article .
Chacun aura sa perception, et c’est délicat de trop analyser à partir d’une seule séance, mais je pourrais ajouter que j’ai eu le sentiment derrière l’écran que les combats étaient potentiellement très expéditifs 🙂
Super article, qui m’a clairement donné de me plonger dans la lecture ! Merci…
Merci ! J’espère que tu y trouveras ton bonheur 🙂
Magnifique article qui a achevé de me convaincre à faire l’investissement dans les 2 magnifiques ouvrages de base !
Une analyse pointue et une qualité d’écriture qu’il est malheureusement rare de trouver sur le net ! Bravo cela fait plaisir !
Maintenant comme pour tous, lecture, implication et recherche de joueurs motivés !
Merci beaucoup ! J’espère que l’article donne une image réaliste de l’expérience de jeu 🙂