Nos faux amis les machines [critique – Tales from the loop]

Aaaaah, chouette : un guide complet de l’étonnant usage de la technologie de pointe dans l’univers de Simon Stalenhag ? Euh, en fait : non.

Que l’on se comprenne bien : Nos amis les machines est un excellent supplément pour la gamme Tales from the loop. Vraiment. Sans aucun doute. La seule faute de goût est, selon moi, dans le choix un peu léger de ce titre qui ne reflète guère un contenu que nous nous proposons de vous présenter ci-dessous.

En effet, ce n’est pas comme si la question ne méritait pas d’être posée et, donc, ne méritait pas un plein supplément pour être traitée : comment peut-on imaginer un univers peuplé de machines de très hautes-technologies (des robots autonomes, des IA, des véhicules antigrav, etc.) et qui pourtant est pour l’essentiel resté vintage dans son ambiance 1980’s ? Ce qui va de soi quand on se contente de baver devant une illu de Simon Stalenhag cesse d’être une évidence quand il faut répondre aux questions insistantes des joueurs. Donc, oui, un tel supplément aurait été utile.

Pourtant, en dehors d’une minuscule fraction de l’ouvrage (la description assez plate de quelques machines), ce livre n’apportera pas de réponses à ces problématiques. C’est bien dommage mais, pour autant, ce serait ridicule d’en faire porter la responsabilité à un supplément qui, par ailleurs, joue parfaitement son rôle, c’est-à-dire essentiellement celui d’un recueil de scénarios.

En effet, Nos amies les machines est en fait seulement le titre du premier scénario du recueil, ni plus, ni moins. Pour ceux qui ne sont pas encore familiers du jeu, il s’agit plus exactement d’un « mystère », c’est-à-dire un cadre de jeu non-scripté dans lequel on vous donne tout le nécessaire pour mettre en scène ce qui deviendra, grâce à cet indispensable ingrédient que sont vos PJ, une histoire.

Centré sur la problématique des IA (je vous l’avais dit : c’est du vintage très hi-tech…), le scénario se déploie sur une vingtaine de pages centrées sur la description des lieux-clefs de l’histoire permettant aux PJ d’aller vers l’intrigue au gré de leurs déplacements quotidiens plutôt que de présenter des événements qui iraient, eux, à la rencontre de leur emploi du temps.

Ce format de description, qui peut sembler austère au départ, prend tout son sens grâce aux outils fournis : un organigramme présentant les liens logiques qui peuvent exister entre ces lieux, des propositions d’accroches qui peuvent inciter vos PJ à aller y farfouiller ou encore le compte-à-rebours qui donne au MJ des pistes très concrètes pour indiquer aux PJ que, s’ils ne font rien, les choses qui se passent… bah, vont se passer sans eux, quoi. Chaque Mystère se termine par la présentation des PNJ, liés à un lieu ou irrigant toute l’intrigue.

Le MJ trouvera ensuite pas moins de deux autres « mystères » du même tonneau (toujours de 15 à 20 pages chacun) qui, eux, se payent même le luxe de ne plus avoir le moindre rapport avec la problématique des « machines » mais, de bonne tenue, ils ont aussi le mérite de permettre de varier les thèmes abordés en jeu. Après tout, rien qu’avec le livre de base et ce supplément, vous avez des dizaines d’heures de jeu et vous ne comptez pas jouer seulement à Tales from the loop dans les 10 prochaines années, pas vrai ?

Les « vrais «  scénarios sont suivis d’une section qui présente 8 « mystères » au format court (pas de description de lieux ni de PNJ détaillés mais seulement une intrigue, des accroches et des comptes à rebours). La bonne idée est d’avoir relié ces synopsis par une idée amusante : ils forment une compil’. Oui, comme avec la bonne vieille cassette audio que vous enclenchiez quand un truc cool passait à la FM (si vous avez compris cette phrase, un constat s’impose : vous êtes vieux).

Ainsi, chaque mystère s’inspire d’un tube des années 80. Par exemple, Where is my mind des Pixies sur la photo ci-dessous. Pas hyper-utile mais marrant. Et, là encore, on retrouve l’intérêt d’un recueil de scénarios : la diversité.

Il reste encore 2/3 trucs dans le livre mais, soyons honnêtes : c’est surtout pour faire le poids. Ne revenons pas (trop) sur le court chapitre consacré aux machines. Présentées sous forme de « blueprints » et de descriptions techniques, les (seulement) quatre machines valent, encore une fois, surtout parce qu’elles arrivent avec leur propre suggestion de Mystères potentiels (des mini-mini-Mystères, quoi).

Enfin, dans cet ensemble de très bonne tenue, la section finale fait un peu office de vilain petit canard. Il faut dire qu’elle envoyait du rêve : adapter sa propre ville à Tales from the loop. Wow. En effet, l’ambiance du jeu repose sur un fin voile recouvrant notre normalité quotidienne et jouer dans un cadre familier peut rendre cela beaucoup plus facile à mettre en place qu’en tentant de se projeter en Suède ou aux USA. D’où d’ailleurs l’existence d’un supplément sur la France des années 80 : on y reviendra prochainement.

Mais là, l’ambitieux pari est loin d’être gagné. Cette section balance le sujet en quatre pages seulement, se contentant d’enfiler quelques perles sans grand intérêt du genre « hey, pensez à consulter Google Maps ! » ou encore « vu que les PJ sont des enfants, n’oubliez pas de placer une école sur la carte ». Okkkkaaaaayyy. L’aide de jeu s’arrête en fait là où on aurait voulu qu’elle commence : « pour finir, saupoudrez votre ville de mystères ». Décevant.

Quelques mots pour finir de la forme du livre. Si le choix d’un livre luxueux à couverture épaisse peut continuer de surprendre pour un simple recueil de scénarios qui seront périmés après avoir été joués une fois, il se justifie ici par la qualité graphique d’une gamme centrée – chose rare – sur le travail d’un illustrateur. De plus, le prix reste serré (moins de 30 euros) et l’investissement sera donc d’un très bon rapport prix/temps de jeu.

En conclusion, sans revenir sur la polémique du titre, Nos amies les machines est un très bon recueil de scénarios, denses et variés, un parfait prolongement du livre de base de Tales from the loop.

2 pensées sur “Nos faux amis les machines [critique – Tales from the loop]

  • 20 septembre 2019 à 11:44
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    La date sur les photos, c’est aussi pour faire vintage 1980? 😉

    • 23 septembre 2019 à 09:50
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      Mon implication au sein de la rédaction, m’oblige à ne pas encourager ce genre de commentaire. Mais j’avoue : j’ai ris 😀

Commentaires fermés.